J.REUCH- verfité de Poitiers, qui avoit deroge à fes ftatuts en fa faveur. LIN. Dans ces entrefaites, Eberhard, Comte de Wirtemberg, ayant refolu de faire le voyage d'Italie, & de mener avec lui quelques Savans, on lui confeilla de prendre Reuchlin parce qu'il avoit fçu fe corriger pendant fon féjour de France, de ce qu'il y a de rude & d'infupportable dans la prononciation Latine des Suabes. En effet le Comte s'apperçut bientôt que les Italiens s'entretenoient plus volontiers avec lui, qu'avec aucun autre de fa fuite. On ne fait point le temps de leur depart. Reuchlin nous apprend feulement dans une de fes Lettres qu'ils arriverent à Florence vers le 21 Mars 1487. Il y furent reçus magnifiquement par Laurent de Medicis pere du, Pape Leon X. & Reuchlin y fit amitié avec plufieurs favans hommes, avec la plupart defquels il entretint depuis un commerce de lettres, tels qu'étoient Demetrius Chalcondyle, Marfile Ficin, George Vefpuce, Chri ftophe Landini, Ange Politien, Jean. Pic de la Mirandole. Ils allerent auffi à Rome, & ce fut J.REUCH là qu'Ermolao Barbaro engagea Reuch- LIN. lin à changer fon nom en celui de Capnion, qui fignifie en Grec la même chofe que Reuchlin en Allemand, c'eft-à-dire Fumée.. Le Comte Eberhard fut fi content de lui, qu'à fon retour d'Italie, ille mena avec lui trouver l'Empereur Frederic III. qui étoit alors à Lintz ̧. & auprès duquel il avoit à negotier des affaires importantes. Ce Prince conçut tant d'eftime pour le merite, la capacité, la prudence & le favoir de Reuchlin, qu'il lui accorda des lettres de Nobleffe datées du 24 Octobre 1492. pour lui, pour fon frere. Denys, & pour tous leurs defcendans, le créant Maître du Sacré Pa lais, Comte du S. Empire, & lui donnant pour Armes d'Azur à un Autel d'Or, foutenant des charbons ardens, qui pouffént de la fumée avec cette infcription: Ara Capnionis. Il lui fit aufli plufieurs prefens, entre lefquels étoit un Manufcrit de. l'ancien Teftament, écrit d'une maniere fort nette, qui contenoit outre le Texte & la paraphrafe d'On LIN. in J.REUCH-kelos, les notes des Mafforethes, finiment plus correctes, que la Maffore imprimée. Un Juif, Medecin de l'Empereur, qui connoiffoit fon goût pour ces fortes de chofes, & dont il avoit pris plufieurs leçons fur la langue Hebraïque, fut caufe qu'on lui fit un femblable prefent. Reuchlin ayant vû mourir à Lintz l'Empereur Frederic le 16 Août rétourna en Suabe. Deux ans 1493 après, c'est-à-dire en 1495. l'Empereur Maximilien indiqua une Diete à Wormes, & Reuchlin y alla à la fuire du Comte Eberhard, qui y fut crée Duc de Suabe par cet Empereur, mais qui ne jouit pas longtemps de cette nouvelle dignité, étant mort trois mois après. Cette mort n'enleva pas feulement à Reuchlin un Prince qui l'aimoit tendrement, il y perdit encore fon repos & fa fortune. Eberhard avoit par fon teftament inftitué fon heritier Ulric fils du Comte Henri, qui étoit âgé de onze ans ; mais un autre nommé Eberhard II. s'empara du Duché, & chaffa les perfonnes, qui. lui étoient fufpectes, du nombre defquels fut Reuchlin, qu'il auroit J.REUCH même fait arrêter, s'il ne fe fût fau- LIN. vé promptement. Reuchlin fe retira à Wormes, où il s'étoit fait plufieurs amis pendant fon premier féjour en cette ville. Il y compofa un abregé de l'hiftoire des quatre Empires, à l'ufage du Prince Palatin, Philippe ; ce qui le fit bientôt connoître à la Cour de de cet Electeur. Il y fit auffi en Latin une Comedie, où il jouoit un Moine Auguftin, qui avoit été la caufe de fon exil, fous le nom de Sergius mais Dalburg, Evêque de Wormes, fon ami, fut d'avis qu'il la fupprimât & qu'il lui en fubftituât une autre ; cela cependant n'empêcha pas qu'elle ne fût imprimée quelques années après, comme je le dirai plus bas. Vers ce temps-là un Moine de Weifenburg alla à Rome accufer l'Electeur Palatın, fon Prince, d'un deni de juftice, envers les Religieux de fon Monaftere. Le Pape Alexandre VI. fans trop examiner fi c'étoit avec raifon, ou à tort, declara auffitôt l'Electeur dechu de l'inveftiture LIN. pro J.KEUCH- des Benefices, qui étoient à fa nomination. Ce Prince perfuadé que perfonne ne feroit plus capable de foutenir fes droits que Reuchlin l'envoya auffi-tôt à Rome, où il nonça devant le Pape le 7 Août 1498. une harangue fur les Droits des Princes d'Allemagne & les Privileges de l'Eglife Germanique, qui fut admirée de tous les Cardinaux. Ses négotiations durerent cependant plus d'un an; pendant lequel temps il employa fes heures de relâche ou à fe perfectionner dans la langue Hebraïque fous un Juif nommé Abdias, & dans la Gréque fous Argyropule, qui expliquoit publiquement Thucydide, ou à cultiver l'amitié de plufieurs Savans qui lui rendirent de grands fervices dans la fuite, ou à ramaffer des Manufcrits pour les envoyer en Allemagne. A A fon retour dans le Palatinat, il trouva les affaires de la Suabe bien changées, Eberhard avoit été chaffé, & l'on avoit rappellé Ulric, à qui l'Empereur Maximilien avoit donné pour tuteurs Jean & Louis Nauclere, Gregoire Lamparter, & quelques au |