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frere, qui l'eftimoient & l'aimoient. T. TAS Le Duc le logea dans fon Palais, & so. le mit par fes liberalités en état de mener une vie heureufe & libre de tout autre foin que celui de s'entretenir avec les Muses. Il penfa même à le marier avantageufement, afin de se l'attacher pour toûjours; mais il lui trouvoit tant d'éloignement pour le mariage, qu'il ne jugea pas à propos de lui en parler; il fe contenta de lui en faire parler par fon Secretaire, qui étoit un vieux garçon, en qui il avoit beaucoup de confiance. Celui-ci preffa fortement le Taffe fur cet article ; mais le Taffe l'arrêta par ce mot qu'Epictete avoit dit autrefois à un de fes amis en pareille occafion: Je me marieray, lui die-il, lorfque vous me donnerez une de vos filles.

Le Pape Gregoire XIII. ayant envoyé l'an 1572. le Cardinal Louis en France en qualité de Legat, le Taffe l'y accompagna, & y reçut beaucoup de marques d'eftime de la part du Roi Charles IX.

De retour à Ferrare il compofa fon Aminte, qui fut reprefentée avec

So.

T. TAS-beaucoup de fuccès. La joye qu'il en cut, fut troublée par la perte de fon pere, qui mourut en 1575. à Oftiglia fur le Po, dont le Duc de Mantone lui avoit donné le Gouvernement, entre les bras de fon fils, qui y étoit accouru, à la premiere nouvelle de fa maladie. Le Duc de Mantoue fir tranfporter fon corps avec beaucoup de pompe à Mantone, & enfevelir dans l'Eglife de S. Gilles.

Cette mort fut le commencement des malheurs du Taffe. Le temps avoit à peine remis le calme dans fon efprit, qu'il fe vit accablé de tous côtez des chagrins qui ne l'abandonnerent qu'avec la vie.

Pendant fon féjour à la cour du Duc de Ferrare, il s'étoit lié d'amitié avec un Gentilhomme de cette ville pour lequel il n'avoit rien de caché. Celui-ci le trouvant fort refervé à l'égard de fes amours, voulut approfondir le myftere qu'il croyoit qu'il lui en faifoit;il s'imagina avoir fait fur ce fujet des decouvertes qu'il ne devoit qu'à fa tration, & ne manqua pas de repandre dans le public des chofes qui pouvoient lui faire du tort.

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Le Taffe, qui l'apprit, voulut s'en T. TA éclaircir avec lui; mais voyant qu'il so recevoit fes plaintes d'une maniere defobligeante, il s'emporta jufqu'à lui donner un foufflet. Le Palais du Duc, où ils étoient alors, ne permit pas à l'offenfé de tirer l'épée contre fui; mais dès qu'il en fut forti, il envoya appeller le Taffe, qui l'alla auffitôt trouver. Ils en étoient aux mains, lorfque trois freres de l'offenfé vinrent fe jetter fur le Taffe, qui fans s'effrayer, leur fit tête à tous, & bleffa fon ennemi avec un de fes freres.

Ces quatre freres s'enfuirent auffiôt après de Ferrare, de peur d'être arrêtez pour avoir manqué au refpect qu'ils devoient au Duc, en défiant le Taffe dans fon Palais; precaution, qui ne fut pas inutile, car le Duc les bannit de fes Etats & confifqua leurs biens.

Pour le Taffe, ne fe fentant coupable de rien, il fe tint dans fon ap. partement, où le Duc le fit arrêter, non par maniere de punition, mais pour empecher les fuites de cette affaire & le mettre à couvert des en

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T. TAS- treprises de fes ennemis. La folitude où il fe trouva alors, lui fit faire plufieurs reflexions triftes, & il s'alla mettre dans l'efprit que la rigueur du Duc à fon égard pouvoit bien avoir pour caufe l'éclat qu'avoit fair à Ferrare le fujet de fa querelle, & l'ombrage qu'il avoit pris de fon attachement pour la Princeffe Eleonor, fa fœur, qu'on pouvoit lui avoit fait regarder comme un veritable amour. Ces penfées le jetterent dans une profonde melancolie, & redoublerent si fort l'ennui de fa prifon, qu'if refolut enfin de s'en retirer par la fuité.

C'eft ce qu'il fit, après y avoir demeuré un an ; & il fe retira à Turin, où il fut quelque temps inconnu par le foin qu'il prit de s'y cacher. Il avoit pris le nom d'Hemerè Fuggiguerra, mais quelques perfonnes ayant vû de fes vers, on eut bientôt de violens foubçons de ce qu'il étoit. Philippe d'Efte, qui étoit à la Cour de Savoye, & qui l'avoit vû longtemps à Ferrare, l'ayant rencontré pas hazard, le reconnut d'abord, & le dit au Duc de Savoye,

Celui-ci fe l'étant fait amener, lui T. TAS fit toutes fortes de careffes, le logea so. dans fon Palais, & lui donna toutes les marques d'eftime & de confideration qu'il put; mais tout cela ne put vaincre fa melancolie, ni le guerir de fes foubçons. S'imaginant que le Duc de Ferrare avoit conçu de la haine contre lui, qu'aigri par fa fuite, il ne manqueroit pas de le pourfuivre par tout, & que le Duc de. Savoye ne pourroit s'empêcher de le lui facrifier, il ne fongea qu'à fortir de cette Cour pour fe retirer à Rome, qu'il regardoit comme le feul endroit, où il pouvoit être en fûreté.

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Il partit un matin fans rien dire à perfonne, affez mal pourvû des chofes neceffaires pour faire ce voyage avec quelque commodité, & arrivé à Rome, il alla droit au Palais du Cardinal Albano & à l'apparte ment de Maurice Cataneo. Ce Care dinal & cet ancien ami le recurent avec des témoignages d'affection qui lui firent oublier les fatigues de fon voyage, & lui rendirent fa micre tranquillité.

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Après quelque féjour en cette vil

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