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& que c'étoient ces derniers qu'il falloit fléchir par des facrifices & des offrandes: en un mot, que c'étoit à ces Génies que fe rapportoit & fe terminoit tout le culte public & particulier, l'Etre fuprême étant trop élevé au-delfus de l'homme pour prendre part à tout ce qui le regardoit, même à fes voeux & à fes offrandes. On multiplia tellement le nombre de ces efprits, qu'on crut qu'il y en avoit un particulier pour chaque homme & pour chaque femme. Ceux des hommes conferverent le nom de Génies; & ceux des femmes furent appellés Junons.

Cette opinion, au refte, qui peuploit l'Univers de ces Etres d'une nature mitoyenne entre Dieu & l'homme, eft fi ancienne, qu'on en ignore l'origine. Les Philofophes dont j'ai parlé, parmi lesquels Jamblique, Porphyre, & quelques autres furent les plus célébres ne firent que la renouveller, & lui donner, par leurs fubtilités, une réputation qu'elle avoit perdue. Mais ce qui peut diminuer le nombre prodigieux de ces Dieux, c'eft premierement que tout le monde ne convenoit pas que ces Génies füffent autant de Divinités, mais feulement des Etres intermédiaires en

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Enfans des

Dieux.

343.

tre les Hommes & les Dieux, aufquels ils portoient leurs prieres. Secondement, que différens peuples ont fouvent adoré les mêmes Dieux fous différens noms, comme nous le verrons dans bien des occafions.

Enfin nous pouvons joindre à tant de Dieux ceux qui paffoient pour leurs enfans, qui devinrent eux-mêmes ou des Dieux, ou des demi-Dieux, & augmenterent le nombre de ces Héros tant vantés dans les tems fabuleux, & dont l'hiftoire fera dans la fuite la matiere de plufieurs de nos Entretiens.

Herodote (1) nous apprend qu'on divifoit les Dieux en trois claffes. Il en (1) L. 1. c. mettoit huit dans la premiere, comme je le dirai dans la fuite; douze dans la feconde ; & dans la troifiéme, tous ceux qui avoient pour peres ces premiers Dieux, tels que Bacchus, &c. Suivant cette tradition, qu'il avoit puisée en Egypte, il eft clair qu'on regardoit comme les enfans des Dieux tous ceux qui n'étoient ni de la premiere, ni de la feconde claffe ; ce qui en multiplia beaucoup le nombre.

Mais pour vous dire encore quelque chofe de plus particulier fur cet article, on regardoit comme les enfans des

Dieux, 1°. plufieurs êtres phifiques, comme quand on difoit que l'Acheron étoit fils de Cérès; les Nymphes, filles du Fleuve Acheloüs; l'Amour, fils de la Pauvreté, &c. 2°. La plupart des Héros qui furent mis au rang des Dieux, en reconnoiffoient quelqu'un ou pour leur pere, ou pour leur ayeul. En effet, toutes les généalogies des tems fabuleux remontoient ou à Jupiter ou à Neptune, ou à quelqu'autre Dieu. 3°. Ceux qui étoient nés du commerce des Prêtres avec les femmes qu'ils avoient l'adresse d'attirer dans les Temples, comme file Dieu qu'ils fervoient les avoit demandées, étoient regardés comme les enfans des Dieux. Herodote nous apprend que les Prêtres de Belus, à Babylone, faifoient coucher toutes les nuits quelqu'une des plus belles femmes de la ville. On en faifoit autant, fuivant le même Auteur à Thebes en Egypte, à Patare dans la Lycie, & fans doute encore ailleurs. Vous fçavez, fans doute, l'Hiftoire de Mundus, Chevalier Romain, qui, n'ayant pû fuborner Pauline

, engagea les Prêtres d'Anubis à lui dire que ce Dieu étoit amoureux d'elle, & la firent venir dans fon Temple, du confentement même du mari ;

Mais l'indifcret Mundus fut moins tou ché fans doute de fa bonne fortune que du plaifir de la raconter à Pauline; elle en fut fi outrée, qu'elle porta fes plaintes à Tibere, qui fit mettre en croix ces déteftables miniftres, fit traîner dans le Tibre la ftatuë de leur Dieu Anubis ; & par je ne fçai quelle condefcendance pour Mundus, il fe contenta de l'exiler. 4°. Ceux qu'on trouvoit expofés dans quelque Temple, ou dans les Bois facrés qui les environnoient; ainfi, felon faint Auguftin, Ericthonius paffa pour être le fils de Vulcain & de Minerve. 5o. Ceux qui furent les imitateurs des actions des Dieux, & qui fe diftinguerent dans les arts dont ils avoient appris l'ufage aux hommes, furent regardés comme les enfans de ces Dieux: ainfi Efculape, qui excella dans la Médecine, paffa pour être le fils d'Apollon; de même qu'Orphée, Linus & quelques autres, qui furent d'excellens Muficiens. Ajoutez que ceux dont le caractere reffembloit à celui de quelque Dieu, étoient regardés comme fes enfans. Etoit-on éloquent? on avoit Apollon pour pere; fin, ou rufé? on paffoit pour fils de Mercure : & c'eft là le dénouement de la Fable de Kioné fille de

Dédalion, qui avoit eu quelque galanterie, & deux enfans, dont l'un, nommé Philammon, poffédoit l'art du difcours dans un dégré éminent; l'autre, appellé Autolycus, étoit un des voleurs les plus fubtils. Son pere, pour cacher cette intrigue, fit courir le bruit. qu'Apollon & Mercure en avoient été amoureux en même-tems, & l'avoient renduë mere de ces deux enfans. Ceux qui étoient braves & courageux se vantoient d'avoir Mars pour pere, comme Oenomaüs Roi de Pise, Terée Roi de Thrace, Romulus, & quelques autres. De même ceux qui étoient habiles dans la Marine rapportoient leur origine à Neptune. 6°. Comme plufieurs anciens Princes prirent le nom des Fleuves qui paffoient dans leurs Etats, ou leur donnerent le leur, leurs enfans, ainfi que nous l'apprend Lactance, un des Peres de P'Eglife des plus fçavans dans la matiere que nous traitons, pafferent pour être les enfans de ces Fleuves. Ainfi Daphné fut regardée comme la fille du Penée qui coule dans la Theffalie; Oenone, du Cedrene, fleuve de la Phrygie, fans parler de quelques autres. 70. Ceux dont on ignoroit l'origine, & qui cependant étoient devenus fameux, furent regar

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