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II. ENTRETIEN.

Divifion des Fables, & leurs fources, avec des regles générales.

E LENDEMAIN matin, Eliante

Lfit dire à l'Abbé qu'elle alloit, avec

Alcidon, le trouver dans fon cabinet. Et dès qu'elle y fut arrivée, l'Abbé commença ainfi : Vous fçavez, Madame, que la matiere que nous allons traiter s'appelle la Mythologie, terme compofé de deux mots Grecs qui fignifient Difcours fabuleux (1). Pour vous en (1) MUTOC donner une idée exacte; après vous λογός. avoir prouvé hier que les Fables ne font ordinairement que des hiftoires altérées

en différentes manieres, je dois d'abord Plan général les divifer en différentes claffes, vous de l'ouvrage, donner des regles générales pour les expliquer, & vous découvrir leurs différentes origines: Ge fera la matiere de l'Entretien de ce matin. Comme ces Fables font partie de la Religion Payenne, & qu'elles font mêlées à l'Hiftoire des Dieux & des Héros; il fera néceffaire de vous dire ce que différens Peuples ont penfé de l'origine de leurs Dieux,

Il faudra vous parler enfuite de l'origine & des progrès de l'Idolâtrie, des Temples, des Autels, des Sacrifices, des Purifications, & de mille autres chofes qui furent les fuites de l'Idolâtrie; divifer fes Dieux en différentes claffes, vous en donner l'hiftoire en particulier, vous apprendre enfuite celle des demi-Dieux ou des Héros, & des grands événemens des tems fabuleux où ils fe diftinguerent par leurs exploits, la conquête des Argonautes, le combat des Centaures, la guerre de Calydon, celles de Thebes, & de Troye : enfin receuillir & expliquer les Fables particulieres & ifolées, qui n'ont point de liaifon avec l'hiftoire des Dieux & des Héros. Tel eft le plan de f'ouvrage que nous entreprenons.

Avant que de paffer plus avant, je dis vous dire qu'il ne faut pas vous imaginer que les Fables font d'un même tems & d'un même pays; encore moins qu'elles forment un fyftème fuivi & médité. Elles ont été inventées dans des fiecles & dans des pays fort éloignés les uns des autres. L'Égypte, la Phénicie & les pays voifins en fourniffoient plufieurs. Les Colonies les porterent dans l'Afie mineure, dans les Illes de la Méditerranée, & enfin dans la Grece. Les Grecs,

dont l'efprit étoit naturellement porté à la fiction, les reçurent avec avidité, & en augmenterent le nombre à l'infini: & les Romains enfuite, & d'autres Peuples encore qui les reçurent de la Grece, y en ajouterent plufieurs autres. Enfin on en trouve par tout, dans les Indes, à la Chine, dans l'Amérique; en un mot, parmi des Peuples qui ne paroiffent pas avoir eu aucun commerce avec ceux que j'avois déja nommés, Ainfi vous devez les regarder plutôt comme le fruit de l'efprit humain naturellement porté au merveilleux, que comme la fuite d'un projet concerté.

Čes Fables furent toujours mêlées avec la Religion, & en firent la partie la plus confidérable. Comme elles étoient liées à l'hiftoire des Dieux & des Héros, elles furent confacrées dans les myf teres du Paganisme, & refpectées com me des vérités qu'il étoit dangereux de combattre : & quelques ridicules qu'elles füffent, malgré les infamies qu'elles contenoient, & qu'elles répandoient fur l'hiftoire des Dieux, dont elles décou vroient les débauches & les paffions in fâmes, il falloit, fi j'ofe me fervir de cette expreffion, les adorer comme les Dieux mêmes,

Divifion des Fables.

On diftingue ordinairement fix fortes de Fables: des Fables purement hiftoriques, d'autres qui ne font que phifiques, d'autres qui ne font que de fimples allégories, des Fables morales, des Fables inventées à plaifir, fans prefqu'aucun objet déterminé objet déterminé, enfin des Fables qui contiennent un peu de tout cela. Les premieres font d'anciennes hiftoires puisées dans les premieres Annales du monde, ou dans une tradition qui en conferva toujours le fouvenir; & fi elles font mêlées de quelques erreurs étrangeres, il eft aifé de l'ap percevoir. Les Fables phifiques font celles qu'on inventa comme des parabodes propres à envelopper quelque vérité philofophique, comme quand on disoit que l'Océan étoit le pere des Fleuves; que la Luné épousa l'Air, & devint me re de la Rofée; ainfi de quelques autres. Les Fables allégoriques étoient des ef peces de métaphores, qui cachoient un fens myftique; comme celle qui eft rap portée par Platon de Porus & de Penie, ou des Richeffes & de la Pauvreté, d'où naquit l'Amour; ou celle de Plyché, qu'Apulée conté d'une maniere très-agréable. Les Fables morales font celles qu'on débita dans le deffein d'é

tablir

(2) 1.1.9.

19.

(3) Son nom Latin noxa, detrimentum.

veut dire en

tablir quelque principe de morale, pour mettre quelque frein au penchant qu'a l'homme au déreglement, comme celle que débite Plaute dans le prologue d'une de fes Comédies (1), que Jupiter (1) In Rud. envoye pendant le jour les Etoiles fur la terre, pour s'informer des actions des hommes. Vous pouvez mettre auffi au nombre de ces Fables, interrompit Alcidon, celle d'Até & des Prieres, que je me fouviens d'avoir lû dans Homere.. (2) Até, fille de Jupiter, dont le nom (3) marque affez le caractere, n'avoit d'au tre occupation dans le ciel qu'à y femer la difcorde, & à brouiller les Dieux les uns avec les autres. Son pere, à qui elle étoit par-là devenue odieufe, la faifit un jour par les cheveux, la précipita du haut de l'Olympe, & jura qu'elle n'y rentreroit jamais. Cette punition ne la rendit pas plus sage; & elle fit aux hommes les mêmes maux qu'elle avoit faits aux Dieux, se trouvant par tout, & parcourant la terre avec une célérité incroyable. Le Pere des Dieux, ajoute Homere, pour réparer les maux qu'elle fait, envoye après elle fes autres filles, qu'on appelle Tai, ou les Prieres: mais, comme elles font boiteuses, elles ne fçauroient la fuivre. C'eft-à-dire, reTome 1.

λιταὶ

B

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