Imágenes de páginas
PDF
EPUB

5.& 6. four.

ces: Les re

Eliante, que c'eft là une des fources les plus fécondes de Fables; n'en feroit-il pas de même encore aujourd'hui, fi, pour écrire l'hiftoire d'un grand homme, on n'avoit que fes oraifons funébres? De-là, fans doute, dit Alcidon, tant de prodiges, tant de merveilleux qu'on trouve même dans les meilleurs Hiftoriens.

Les Voyageurs & les Négotians que lations des le commerce appelloit dans des pays Voyageurs & éloignés, reprit l'Abbé, ont auffi réP'ignorancede la Géogra- pandu dans l'hiftoire ancienne un grand phic. nombre deFables par de fauffes relations.

Ces fortes de gens étoient fouvent ignorans & prefque toujours menteurs ; & ik leur a été facile de tromper les autres, après l'avoir été eux-mêmes. D'ailleurs, quand on revient d'un pays éloigné, il faut avoir des chofes extraordinaires à en dire. Ce n'auroit pas été la peine d'aller loin pour trouver des hommes faits comme ceux parmi lesquels on étoit né ; & comme on ne fçavoit dans ces tems reculés que fort imparfaitement la Géographie, on n'eut pas de peine à en impofer. Avoit-on trouvé dans le Nord un pays couvert de nuages & de brouillards, & des jours extrêmement courts? il n'en fallut

pas

davantage pour dire qu'on avoit trouvé des pays couverts d'éternelles ténébres. De là les Cimmériens d'Homere, que ce Poëte, par un privilége de la poëfie, tranfporte fur les côtes d'Italie, comme je le prouverai dans l'Hiftoire d'Uliffe. Avoit-on vû des hommes ou plus petits ou plus grands que ceux avec qui on vivoit? voilà d'abord des Pygmées & des Géants, dont la taille augmenta ou diminua au gré des Poëtes qui en parlerent; de maniere que celle des premiers n'avoit au plus qu'une coudée de hauteur, pendant que celle des autres devint d'une mefure également incroyable & ridicule. Avoit-on rencontré dans la navigation des roches qui paroiffoient s'approcher lorfqu'on voguoit de leur côté, ou s'éloigner lorfque le vaiffeau s'en éloignoit, effet naturel de la perspective? on publia que ces rochers s'entrechoquoient pour engloutir les navires. De là la Fable des Roches Cyanées ou Symplegades qui font à l'entrée du Pont Euxin. On avoit entrevû, en traverfant les forêts, quelques finges de l'efpéce de ceux qu'on trouve en Afrique; voilà des Satyres, des Pans, des Ægipans, des hommes velus avec des pieds de chevres. Les

pour

Scythes, qui font dans l'exercice continuel de tirer de l'arc, & de tenir cela un oeil fermé, devinrent des Mono(1) Gens qui cules (1). Ceux qui, pour franchir plus n'ont qu'un aisément les neiges dont leur pays eft

œil.

couvert, fe fervoient de raquettes, comme ils font encore aujourd'hui, pafferent pour avoir les pieds d'une extrême largeur. Ceux dont la tête paroiffoit extrêmement enfoncée dans les épaules, (2)Qui n'ont furent des Acephales (2). Ainfi des au(3) Pour le tres (3). Voici, continua-t'il, une autre convaincre de fource de Fables encore plus féconde ici,on n'a qu'à que les précédentes: Les Poëtes, les Lire le liv. 15. Peintres, les Sculpteurs & les Théâ

point de tête.

ce qu'on dit

de Strabon,

P. 1037. &c. tres.

Peintres,

les

7. fource : Il y a long-tems qu'on a dit que les les Poëtes, les Poëtes & les Peintres avoient l'art de Sculpteurs & feindre & d'imaginer tout ce qu'ils voules Theatres. loient (4). Comme ils ont toujours cherché à plaire plutôt qu'à inftruire, ils n'ont pas fait fcrupule de préférer un ingénieux menfonge à une vérité peu intéreffante. Falloit-il confoler un Grand de la perte de quelqu'un de fes enfans? le Poëte élevoit le mort jusqu'aux cieux, & le plaçoit, fans façon,

Pictoribus atque Portis

(a) Quid libet audendi femper fuit aqua poteftas. Hor. Art. Poet.

parmi les Dieux. Ceux qui avoient fait paroître du goût pour les Lettres, comme le jeune Hiacinthe, on difoit qu'Apollon étoit fon pere. Etoit-on fin, rusé? on devoit fa naiffance à Mercure : brave, courageux? au Dieu Mars: fage, prudent? à Minerve, &c. Avoient-ils à parler d'une belle perfonne? c'étoit une Nymphe: avoit-elle de l'efprit? c'étoit une Mufe: chantoit-elle bien ? une Syrene. Un homme à cheval étölt un Centaure; un vaiffeau à voile, un Pégafe; des oranges & des citrons, 'des Pommes d'or; un gardien vigilant, un Dragon.

3.

D'ailleurs, comme la vérité de l'hiftoire ne les embarrassoit pas, ils changeoient à leur gré le caractere de leurs héros ou de leurs héroïnes. Ainfi d'une femme débauchée, Homere a fait la chafte Pénelope (1). Et Virgile, d'u- (1) Voyez ne Princeffe qui, toujours charmée du fon Hift. r. fouvenir de fon premier époux, fe donna la mort pour éviter un second mariage, une Amante désespérée, qui se tue au départ de fon amant. Tous de concert ont confpiré à faire paffer Tantale pour impie, & l'ont condamné pour cela à être éternellement dans le Tartare, lui qui, felon Philoftrate, étoit

(1) Sat.

un Prince plein de religion, & un parfaitement honnête homme. N'attendez pas d'eux, comme le remarque judicieufement Petrone (1), qu'ils vous débitent des faits comme un froid Hiftorien: tout marche chez eux avec emphase; les Dieux y font le mobile des confeils, des réfolutions, des actions: ou comme le dit fi élégamment un de nos meilleurs Poëtes, (2) Def- en parlant du Poëme Epique (2):

preaux, Art.

Poët.

Là, pour nous enchanter, tout eft mis en usage; Tout prend un corps, une ame, un esprit, un vifage.

Chaque Vertu devient une Divinité.

Minerve eft la Prudence, & Venus la Beauté.
Ce n'eft plus la vapeur qui forme le Tonnere ;
C'eft Jupiter armé pour effrayer la Terre.

Un Orage terrible aux yeux des Matelots,
C'eft Neptune en fureur qui gourmande les
Flots. &c.

Les Peintres & les Sculpteurs, qui ont travaillé d'après ces imaginations poëtiques, les ont animées par ces chefd'oeuvres immortels qui éternisent des fictions qui, peut-être, auroient été oubliées. Là, on voit un Hercule qui étouffe Antée; ici, Promethée attaché au Caucase; quelquefois Apollon qui

« AnteriorContinuar »