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tion, comme l'a remarqué le même Mr. Malherbe, Ménage dans divers endroits de fes Obfervations fur notre Poëte.

On a compté encore parmi les défauts de Malherbe le peu de goût qu'il avoit pour le chant des vers, ce qui ne convient nullement aux qualités néceffaires à un véritable Poëte Lyrique comme il étoit. Mr. de Racan avoit appris autrefois à Mr. Ménage, qu'effectivement Malherbe n'avoit point d'oreille pour la Mu fique, & qu'il n'a jamais pû 'faire de vers fur les airs que les Muficiens lui donnoient (3); auffi ne s'eft-il fait de beaux airs fur fes chanfons qu'on a tant estimées qu'après fa mort (4). C'eft fans doute par une fuite de ce peu de difpo fition pour les doux airs qu'on l'a accufé de n'être point affés touchant ni affés pathétique. L'Auteur que je viens de louer, dit (5) que Malherbe étoit fans doute un grand Poëte, & de qui l'on pouvoit dire, comme Quintilien l'a dit de Stéfichore, qu'il foutenoit avec fa Lyre le poids de la Poëfie Epique; mais qu'il n'étoit ni tendre ni paffionné. Il a pourtant remarqué quelques endroits de notre Poëte qui font voir qu'il pouvoit l'être, s'il le vouloit, & qui ont toute la tendreffe & la paffion poffible.

Quelques-uns ont publié auffi que Mal-
herbe

3. Obferv. fur le troifiéme Livre pag. 401. 4. Obferv. fur le cinquième Livre p. 436.

s. Obferv. fur le même cinquiéme Livre, pag. 480. 485.

Item pag. 582. 583. 368. 369. 321. &c.

Malherbe. herbe n'avoit pas le difcernement excel lent pour les chofes qui nous font venues de la bonne antiquité: que c'eft par ce défaut qu'il a été accufé, quoiqu'un peu trop legérement, de préférer le Poëte Stace à tous les autres Latins, d'avoir eu plus d'inclination pour lui, & de l'avoir imité même plus volontiers que les autres. On n'a point goûté non plus cette affectation qu'il a fait paroître pour les termes étrangers & les noms propres des lieux & des perfonnes de l'Antiquité dont il prenoit plaifir de faire des rimes nouvelles, & dès ce tems-là Théophile fe, mocquoit avec affés de raifon de certains Poëtes qui s'étudioient à l'imiter en ce point. Il difoit:

Ces efprits mandians d'une veine infertile, Prennent à tous propos ou fa rime ou fon ftyle;

Et de tant d'ornemens qu'on trouve en lui fi beaux,

Joignent l'or & la foye à de vilains lam-
beaux.....

Ils travaillent un mois à chercher comme à
Fils

Pourra s'apparier la rime de Memphis,

Ce Liban, ce Turban, &c.

Il feroit ennuyeux de parcourir dans let détail les autres défauts qu'on a imputés à

1. Remarques fur les Oeuvres Poëtiques de Mr. de Malherbe par Mr. Chevreau in 4. à Saumur 1660. Voyés auffi le Chevraana, & les Oeuvres mêlées du

même

à Malherbe. Ceux qui voudront s'en ins- Malherbe. truire pourront confulter le Livre des Remarques que Mr. Chevreau a fait fur notre Poëte (1). Mr. Rofteau témoigne qu'ayant communiqué ces Remarques ou plutôt ces Cenfures à Mademoiselle Scudery, elle lui fit connoître après les avoir lûes qu'elle étoit fort furprise. Cette docte & judicieuse Demoiselle avouoit qu'il pourroit bien y avoir quelque chofe de répréhenfible en quelques endroits des Poëties de Malherbe, mais elle ne pou voit s'imaginer férieufement, que ce célébre Poëte eût donné matiére à tant de corrections, & qu'en tout cas Malherbe ne devoit pourtant rien perdre des louanges qu'il avoit juftement méritées d'ailleurs.

L'indulgence avec laquelle Mr. Pellisfon confidére les fautes de Malherbe, n'eft pas moins raisonnable que la conduite de cette Demoifelle. Il dit (2) que s'il eft permis de faire comparaifon des chofes faintes avec les prophanes, on peut rapporter les fautes de Malherbe comme des éxemples, de même que l'Ecriture rapporte celles des Saints pour confoler ceux qui ont trop de régret de faillir, & les empêcher de perdre le courage.

Qui doutera donc que ce n'eft qu'afin de nous rendre fages aux dépens de Malherbe, que Meffieurs de l'Académie Françoise entreprirent d'éxaminer fes fautes?

même. *

Ils

2. P. Pèlliff. Font. Rélation hiftor, de l'Académ. Franç. pag. 173. &c.

Malherbe. Ils s'y occupérent avec une application digne de leur gravité dans le tems de leur loifir mais ce loifir ne leur permit pas d'éxaminer plus d'une de fes piéces, qui les occupa feule depuis le neuvième jour d'Avril, jufqu'au fixiéme de Juillet de l'an 1638. c'eft-à-dire, près de trois mois. Ce tems même ne leur fuffit pas pour voir toute la piéce, & de vingt & une Stances de fix vers qu'elle contient, ils furent obligés de laiffer les quatre derniéres, à caufe qu'ils furent furpris des Vacations qui furvinrent bientôt après, comme nous l'apprend le même Auteur.

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Cette piéce que ces Meffieurs ont rendue encore plus célébre par leur cenfure eft la premiére du fecond Livre de Malherbe, & c'eft la Priére qu'il fit pour le Roi Henri le Grand allant en Limousin. Ils ne furent point long-tems fans fe perfuader que s'il y a rien qui faffe voir ce qu'on a dit plufieurs fois,, que les vers n'étoient jamais achevés, c'eft fans doute dans la lecture de ceux de Malherbe A peine y a-t-il une Stance où ils n'y ayent rencontré quelque chofe qu'ils euffent bien fouhaité de changer, fi cela leur eût été poffible en confervant ce beau fens, cette élégance merveilleufe, & ce tour inimitable de vers qu'on trouve par tout dans ces excellens Ouvrages. Il n'y eût qu'une Stance des dixfept qu'ils examinérent, à laquelle ils ne trouvérent rien à redire. Mr. Pelliffon a remarqué qu'il eft pourtant échappé quelque chofe à leur éxactitude & à leur Criti

que

que judicieufe, & toutes les réfléxions Malherbe. que ces Meffieurs firent durant trois mois fur une piéce de cette importance, tombérent fur quelque locution impropre; fur une faute d'impreffion dont ils ont bien voulu charger le pauvre Malherbe, & dont ils ont fort bien découvert le mal, fans en avoir pû trouver le reméde, ni Innocence même la fource, & fur quelque adjectif pour Infoen é mafculin mal placé (1). Tous ces lence. Meffieurs ne témoignérent pourtant pas toujours une fermeté d'Aréopagites ni un défintéreffement uniforme & propre à des juges incorruptibles durant tous les trois mois que dura l'éxamen de la piéce. La tendreffe pour Malherbe amollit le cœur à quelques-uns d'entre eux, l'impatience en faifit quelques autres,& Mr. Pellisfon nous fait connoître que Mr. de Gombaud & Mr. de Gomberville particuliérement, ne pouvoient fouffrir qu'avec une efpéce d'indignation que la Compagnie cenfurât ainfi les Ouvrages d'un grand perfonnage après la mort. En quoi ces deux Meffieurs trouvoient quelque chofe de cruel & d'inhumain, malgré les témoignages que leurs trente-huit Confréres donnoient de leur modération & de l'innocence de leurs intentions.

Mr. Ménage rapporte une chofe qui peut fervir à confirmer la vérité d'un fait fi mémorable, & à faire voir la fidélité des Regiftres de l'Académie d'où Mr. Pel

lis

1. Le même Auteur pag. 180. 181. & dans les pages précédentes.

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