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fuggérer, & par le fréquent ufage des fa- Louis de bles qu'il y a fait entrer. C'eft ce que Gongora. Mr. Rosteau nous a voulu marquer fans doute, lorfqu'il a dit dans fes Mémoires (1) que Gongora s'eft engagé à un certain ftyle que les Efpagnols appellent Culto, qui veut dire, relevé & poli, mais qui tombe tout en pointes, en métaphores & en tranfpofitions qui pour la plupart font obfcures & difficiles, même aux Espagnols naturels les plus entendus. I ajoute que le Prince d'Efquilache dont les Oeuvres Poëtiques ont été imprimées depuis environ cinquante ans a trouvé beaucoup à redire à cette maniére d'écrire.

Mais D. N. Antonio eftime que c'eft ce caractére extraordinaire qu'il a pris, qui fait toute fa diflinction & toute fa gloire; qu'on doit moins s'étonner qu'il fe foit élevé fi fort au-deffus du langage ordinaire des hommes, lorfqu'on fe laille perfuader qu'il y a de la divinité dans l'art des Poëtes; & qu'à juger de ce qu'auroient fait les Dieux vivans fur la terre au fiécle d'or par les marques qu'il a laisfées de fon enthoufiafme dans fes écrits, il est très-probable que ces Dieux auroient pris le langage de Gongora pour le leur, & l'auroient parlé tout Espagnol qu'il eft, fans craindre qu'on le confondît avec celui des hommes, & qu'on les prît pour des Espagnols.

Les

1. Rofteau, Mem. ou Sentimens fur quelques Qu vrages qu'il a lûs pag. 71.

Louis de

Les grands hommes de la force & de Gongora. l'élévation de notre Gongora font fi fort au-deffus du commun, qu'il eft plus aifé de les admirer que de les imiter. Il en coûte toujours à ceux qui ont la folie de les vouloir fuivre, lors même qu'ils ont le bonheur de les atteindre, car nous n'avons pas coutume d'admirer ceux qui deviennent fous par imitation, ils font fouvent l'objet de notre rifée dans le tems même que les premiers fous qui leur ont donné l'exemple de s'égarer, & de s'écarter fi fort de la Raifon humaine, font le fujet de notre admiration. Il eft encore arrivé pis aux foibles imitateurs de Gongora, puifqu'ils n'ont pas même pû suivre fon ombre.

Au refte on peut dire que la partie dominante de Gongora eft le caractére Satirique, comme l'ont remarqué les deux Critiques que j'ai déja cités, & il a fait connoître par la maniére dont il a attaqué les têtes couronnées qu'il étoit incapable de foibleffe & de lâcheté, Dom Nicolas dit dans la Préface de fa Bibliothéque, que fi cet heureux génie fe fût tourné au genre Epique, l'Espagne n'auroit pas fujet de porter envie à la Gréce pour Homere, au pays des Latins pour Virgile, ni aux Italiens pour le Talle.

Comme il a eu beaucoup d'ennemis ou d'envieux, il a eu auffi des défenfeurs en grand nombre. Un des premiers, & des plus zélés, fut Dom Jofeph Pellizer de Salazar, qui bien qu'encore fort jeune alors, entreprit la défenfe de fes Poëfies &

de

de fa perfonne dans un livre en Langue Louis de vulgaire, qui a pour titre Leçons folen Gongora, nelles fur les Ouvrages de D. Louis de Gongora.

Christofe de Salazar Mardonès, fit la même chofe dans les Commentaires qu'il donna en 1636. fur la Tragédie de Pirame & Thisbe de notre Auteur; dont il fit auffi une Paraphrafe avec une Défenfe fort ample.

Mais il n'y a perfonne qui ait rendu un fervice plus fignalé à Gongora, que Dom Garzia de Salcedo Coronel qui donna une édition fort correcte de fes grands Vers, c'est-à-dire, de tout ce qu'il a fait hors les Vers de huic fyllabes, & qui les expliqua par de doctes Commentaires. C'étoit la premiére édition qu'on eût vû correcte, toutes les précedentes avoient été pitoyables, parce que la premiére étant pofthume & remplie de fautes, leur avoit fervi de modéle. Et quoique l'édition de Bruxelles foit belle pour le papier & les caractéres, elle n'eft pourtant pas affés fidélement imitée de celle de Salcedo & il y manque quelques piéces.

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Dom Nicolas Antonio compte encore parmi ceux qui ont entrepris la défenfe & la juftification du ftyle figuré de Gongora Dom François d'Amaia, Dom Martin d'Angulo & Pulgar, Martin Vasquez Sirvela, & Jean-François André Uftarroz, qui a donné auffi une longue lifte de tous ceux qui ont fait les Eloges de Gongora & qui en ont jugé avantageufement.

B 4

LE

Fulvio
Tefti.

LE COMTE FULVIO TESTI,

mort

De Modene, fils d'un Fripier,
dans la prifon de fon Pays, accufé
d'intelligence avec les Espagnols (1).

1413. Le Prince des Poëtes Lyriques
E Tefti paffe aujourd'hui pour

le

de toute l'Italie. Ses Odes font renfermées en un Recueil qui fe divife en trois parties: on voit auffi une Tragédie de lui, fous le titre d'Ifola d'Alcina, un Drame ou un Opera fur le jour de la naiffance, un Poëme de l'Italie, l'Arfinde, ou la Généalogie des Princes d'Efte qui n'eft point achevée, un Poëme fur la conquête des Indes qui n'eft que commencé.

C'est celui de tous les Italiens qui s'eft approché le plus près des Anciens pour le genre Lyrique, qui eft entré le mieux dans leur efprit, & qui s'eft le plus heureufement imprimé leur caractére, comme nous en affure le Craffo (2).

Le Sieur Vittorio Roffi, dit que le Tefti a fait voir par fon éxemple, combien lat nouveauté du ftyle accompagnée de la raifon & du jugement, eft capable de gagner le cœur des hommes & de s'infinuer dans leurs efprits. Il prétend (3)

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1. T. 11 mourut à Modéne le 28. d'Aout 1646. non pas en prifon, comme dit Baillet, mais Onora tamente qual viffe, toujours honoré & eftimé, malgré les mauvais offices que les ennemis avoient tâché de lui rendre auprès de fon Prince, dit le Cres

cimbeni

que c'eft le premier qui ait entrepris de Fulvio faire paffer dans la Langue Italienne les Tefti, Odes des meilleurs Poëtes d'entre les Grecs & les Latins, & qu'il y a parfaitement réuffi, ayant su joindre à toute l'élégance dont fa Langue maternelle est capable, toute la gravité & la magnificence de l'expreffion qu'on a trouvée dans le Poëte Stace.

Comme il avoit un génie tout extraordinaire pour la Poëfie, il crut qu'il devoit le faire connoître en évitant de prendre les routes ordinaires que les autres Poëtes ont coutume de fuivre. 11 se fraya donc un nouveau chemin, qui n'avoit jamais été batu de perfonne, au fentiment du Roffi. La nouveauté de fon ftyle & de fes maniéres, frappa d'abord toute l'Italie, mais comme elle étoit accompa gnée de mille agrémens, & foutenue par la folidité des chofes, elle fut reçuë fans obftacle & approuvée fans déliberation par les Académies, les Univerfités & les Savans, répandus dans le Pays. Ce qui fit un préjugé fi favorable pour le Tefti, que tout ce qui venoit de lui ou qui portoit fon nom depuis ces premiers effais, étoit embraffé auffi-tôt avec des témoignages d'étonnement & de joie toute extraordinaire, & que les jeunes gens fur tout fe

fai

cimbeni pag. 424. de fon Commentaire fur fon Hift. de la Poëfie vulgaire part. 2. du 2. vol.

2. Lorenzo Craffo, tom. 1. Elog. d'Huom. Letterat. pag. 386, 387.

3. Jan. Nicius Erythræus Pinacothec, 3. num, 57. pag. 213, 214, 215,

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