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EPUB

DES

SAVANS

SUR LES

PRINCIPAUX OUVRAGES

DES AUTEURS,

PAR ADRIEN BAILLET;
Revûs, corrigez, & augmentez par
Mr. DE LA MONNOYE.

NOUVELLE EDITION.
TOME QUATRIE ME,

SECONDE PARTIE.

BIBLIOT

LIBERTÉ

PATRIE

LAUGAN

A AMSTERDAM,
AUX DEPENS DE LA COMPAGNIE.

M DC C. X X V.

JUGEMENS DES SAVANS,

SUR LES

PRINCIPAUX OUVRAGES

DES POETES.

QUATRIE ME PARTIE, Contenant la fuite des Poëtes Modernes.

MR. DE MALHERBE,

(François) Gentilhomme Normand, natif de Caen, marié en Provence, mort l'an 1628. âgé de 73. ans, Poëte Fran

çois.

1411.

M

R. de Malherbe eft Malherbe,
confidéré comme le
Pere de la Poëfie
Françoise, & on
peut dire que tous

les Poëtes de notre Langue qui ont paru
avant lui ont trouvé leur tombeau dans fes
Tom. IV. Part. II.

A

vers

Malherbe, vers. Ses Ouvrages Poëtiques ne font pas un gros volume, quoiqu'on les ait divifés en fix Livres. Ils confiftent en quelques paraphrases de Pfeaumes, en Odes, Stances, Sonnets, & en quelques Epigrammes; & ils ont été imprimés en diverfes formes jufqu'en 1666. que parut l'édition de Mr. Menage.

Il faloit à la France un Homme d'une réfolution auffi ferme que lui, pour entreprendre de reformer la Poëfie Françoife & la remettre dans les bornes de la fimplicité & de la modeftie; & tout autre qui auroit eu moins bonne opinion de fa propre fuffifance y auroit perdu le courage.

Malherbe prévoyoit qu'il auroit presque autant d'envieux & d'ennemis qu'il y avoit de Poëtes vivans de fon tems, & de Partisans pour ceux qui étoient morts: mais loin de se rebuter, il fe trouva foutenu & animé par le défir d'acquerir de la gloire ou de la diftinction dans le monde, & s'étant affuré du goût de fon fiécle, c'est-à-dire de la portion la plus pure des honnêtes gens de fon tems, il ne douta plus du fuccès de fon entreprise. Dans l'efpérance de remporter une victoire importante fur la barbarie, il travailla d'abord à purifier notre Langue & à la fortifier (1),

ce

1. Char. Sorel, Traité de la connoiffance des bons Livres pag. 375. de la L. Fr. & Tr. du nouveau Langage François Chap. 4. pag. 395.

2. T. Les Poëtes qui ont précédé Malherbe ont mis dans leurs vers toute la politeffe alors connue. C'est une chimére de dire que Ronfard, par exemple, fa

ce qu'il éxécuta par le retranchement qu'il Malherbe, fit des vieux mots qui la rendoient impure & fort imparfaite.

Se voyant fuivi & appuyé dans cet effai par diverfes perfonnes judicieuses, il tourna fa Critique fur la Poëfie, & afin que fes vers puffent fervir de témoignage à fa. doctrine, il s'appliqua à les garantir de cette dureté & de cette rudeffe qui fe trouve dans ceux des meilleurs Poëtes d'entre fes Prédéceffeurs.

Ronfard & du Bellay qui avoient joint d'ailleurs une force de génie prodigieufe & une rare doctrine à la profeffion des vers, n'avoient pas eu tout le foin nécesfaire pour fe rendre agréables; & comme la fin de la Poëfie eft de plaire autant que d'inftruire, il femble qu'ils ne s'étoient attachés qu'à l'une de ces deux parties, & qu'ils avoient crû pouvoir négliger l'autre avec d'autant plus d'affurance qu'ils favoient que les oreilles de leurs tems n'étoient pas fort délicates (2), ni des Juges fort févéres. La paffion qu'ils avoient pour les Anciens étoit caufe qu'ils pilloient leurs penfées plutôt qu'ils ne les choififfoient, & que mefurant la fuffifance des autres par celle qu'ils avoient acquife, ils employoient leurs Epithétes fans fe donner la peine de les déguifer

pour

voit que les oreilles de fes Lecteurs n'étoient pas fort délicates. Il ne pouvoit juger de cette délicateffe que par la fienne propre. Le tems d'écrire avec plus d'élégance, de douceur & d'agrément n'étoit pas encore venu. Ronfard & du Bellay n'ont pas fenti la dureté de leur élocution.

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