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DE

PERSPECTIVE

DES

A L'USAGE

ARTISTES,

Où l'on démontre géométriquement toutes les pratiques de
cette Science, & où l'on enfeigne, felon la Méthode de
M. le Clerc, à mettre toutes fortes d'objets en perfpec-
tive, leur réverbération dans l'eau, & leurs ombres, tant
au foleil qu'au flambeau.

Par M. EDME-SEBASTIEN JEAURAT,
Ingénieur - Géographe du Roi.

NOTR

apillom

A PARIS, QUAI DES AUGUSTINS,
Chez CHARLES-ANTOINE JOMBERT, Libraire du Roi pour l'Artillerie
& le Génie, au coin de la rue Gille-cœur, à l'Image Notre-Dame.

M. D C C. L.

AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROL

:

1

OXFORD

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L

PREFACE.

A Perspective, dont j'entreprends de donner un Traité au Public, n'est point une de ces Sciences qui par quelques regles peu fùres conduisent à des opérations incertaines. Cette Science eft une des plus belles productions de la Géométrie. Elle confifte dans un enchaînement de principes Mathématiques, & de conféquences néceffaires; fes opérations font toutes Géométriques. Elle nous conduit, par l'évidence, à imiter & placer dans leur jufte proportion, tous les objets que l'Auteur de la nature expofe à nos yeux dans un bel horifon. C'est la Perspective naturelle réduite en Art, pour composer le tableau fidèle des plus brillantes beautés. Son exécution semble même présenter quelque chofe de plus piquant que le coup d'oeil fur la nature, parce qu'une ingénieufe imitation éveille l'efprit, qui fe plaît à en découvrir tous les rapports. Mais il eft moins queftion de confidérer ici les agrémens, que l'utilité de cette Science.

La Perspective eft une partie de l'Optique, qui donne des regles pour présenter les objets dans l'afpect naturel où ils doivent fe trouver, à raifon de leur diftance, & de la position de l'œil. Cette Science eft le fondement des proportions qu'un Peintre doit donner à fes figures, felon la place où elles fe trouvent. Elle fert à le diriger dans la diftribution des divers objets; car pour bien faire cette diftribution, il faut fçavoir l'effet que chaque objet doit faire fur l'œil, felon la place qu'il occupe. S'il fait cette diftribution au hafard, il y fera des fautes fréquentes, que la connoiffance des regles aurcit prévenues.

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Mais, dira-t-on, n'y a-t-il pas des Tableaux justement eftimés, quoiqu'il s'y rencontre des fautes de Perfpective? J'en tombe d'accord; mais on doit convenir auffi qu'ils font, à cet égard, moins eftimables que s'ils en étoient exempts. Un Artifte, jaloux de fa réputation, doit toujours tendre à la plus grande perfection, & ce qu'il y a même de défectueux dans les Anciens, doit l'exciter à les furpaffer en ce point. Leurs fautes font à la vérité compensées par un plus grand nombre de beautés, mais ce sont toujours des fautes, capables de retarder le progrès des Arts, fi elles étoient imitées.

Il eft vrai que ce n'eft pas la Perfpective qui donne à un Peintre l'élégance, & le caractere du dessein, & qu'il n'y a fur cela d'autres regles, que celle de bien faifir le naturel. Mais cette Science lui donnera le plan de ses figures, & cette Perspective Aërienne qui paroît si surprefi nante fur une fuperficie plate, & qui produit de fi beaux effets par par le moyen d'une dégradation féduifante. Car la Perfpective la mieux tracée, & felon toutes les regles, n'empêchera pas, fi les dégradations de ton font fauffes, que les parties qui doivent fuir n'avancent, & que celles qui doivent avancer ne s'éloignent: un Peintre ne fçauroit être trop attentif à la dégradation de fes teintes. Ainfi la partie du coloris, qu'on pourroit croire plus indépendante de cette Science, en doit auffi refpecter les regles: il s'agit de concilier tous les objets que la Perfpective renferme. En voilà affez, ce me femble, pour convaincre tout efprit raisonnable de la nécessité de s'inftruire de la Perspective.

Il ne me refte qu'à expofer à mes Lecteurs, les raifons qui m'ont déterminé à préfenter un Traité de Perspective fous un nouveau jour, & l'ordre que j'ai crû devoir fuivre dans l'exécution. Ce n'est pas que nous n'ayons, fur cette matiere, plusieurs Traités, dont quelques-uns,

auxquels on ne peut refuser son estime, en indiquent affez nettement la pratique. Mais, qu'il me foit permis de le dire, fans vouloir attaquer le mérite de ceux qui ont jusqu'à présent traité cette matiere, il s'en faut bien qu'ils en ayent dévelopé tous les principes. Quelques recherches que j'aye faites dans leurs Livres, pour m'en inftruire à fond, je n'ai pû rencontrer un seul Traité, où ces principes, qui ont leur fource dans la Géométrie, foient portés jufqu'à l'évidence dont ils font fufceptibles. Or, comme on ne peut faire un folide progrès dans quelque Science que ce foit, fans en avoir bien approfondi les véritables principes, mon but eft de les faire connoître, & d'ennoblir même la pratique de la Perspective, en élevant l'esprit jusqu'à la Théorie.

Ainsi l'on trouvera dans ce Traité, les regles de la Perspective réduites en une pratique aisée, précédées de démonstrations géométriques. Comme la plupart des hommes, fatisfaits du feul plaifir que caufent les objets agréables de la Perspective, ou bornant leur émulation à bien opérer le compas à la main, ne veulent, ou ne peuvent fe donner la peine d'aprofondir les Principes Géométriques, & que mon but eft de mettre la perspective à portée de tout le monde, j'ai fait abstraction de la Géométrie dans les Leçons pratiques, dont l'ordre & la liaifon dévelopent le fujet.

Ceux donc qui n'ont pas, ce qu'on peut appeller, le tour d'efprit Géométrique, pourront négliger les démonftrations, & ne confulter que la pratique. A l'égard de ceux qui voudront s'élever jufqu'à la Théorie, & approfondir les idées pures fur lefquelles font fondées les Leçons de pratique, on fe flatte qu'ils y trouveront de quoi fe fatisfaire. J'ai crû, en faveur de ces derniers, ne pouvoir me dispenser de donner la coupe Géométrique des rayons, comme feule capable de rendre un compte exact

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