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CHAPITRE I I.

Variations & opofitions des Grammairiens fur les Parties du Difcours.

EN quelque petit nombre

N quelque petit nombre que foient les diverfes efpéces de traits qui entrent dans les tableaux des idées & qu'on appelle PARTIES du Difcours, les Grammairiens n'ont pas encore pu s'accorder dans leur nombre; les uns en comptent plus, les autres moins, & chacun fe fonde fur des motifs qui paroiffent fi frappans, qu'on ne fait pour quels fe décider.

S'ils s'accordent fur quelques unes, ils différent fur toutes les autres.

Une partie des anciens Grammairiens, Grecs & Latins, PLATON lui-même (1), trompés par la nature de leurs Langues, ne comptoient que deux Parties du Difcours, le Noм & le VIRBE: toutes les autres n'étoient qu'en fous-ordre (2). Auffi APOLLONIUS appelloit très-ingénieufement le Nom & le Verbe, l'Ame du Difcours ( 3 ).

Les Arabes & les Hébreux n'en comptent que trois, ajoutant aux deux pré: cédentes les Particules, ou la CoNJONCTION (4).

ARISTOTE ajoutoit à ces trois, l'ARTICLE (5).

C'est la divifion qu'a fuivie un Auteur Anglois (6); il diftribue les Parties du Difcours en quatre claffes; les Subftantives où entre le Nom, les Attributives où entre le Verbe, les Définitives où entre l'Article, & les Connectives où entre la Conjonction.

La plupart des autres Grammmariens Anglois, comme WALLIS (7), le Dr.

(1) Dans fon Sophifte.

(2) Partes igitur orationis, dit PRISCIEN, Liv. 2. funt fecundum Dialecticos due, NO MEN & VERBUM: quia hæ folæ etiam per fe conjunétæ plenam faciunt Orationem; » alias autem partes σugnaтnyоpúμarà, hoc eft confignificantia appellabant,

( 3 ) Τὰ ἐμψυχοτατα μέρη το λόγο. Syntax. L. I. c. 3.

(4) C'est cette divifion que fuivent les Auteurs de nos Grammaires Orientales, comme ERPENIUS & SCHULTENS.

(5) Dans fa Poëtique, ch. xx.

'(6) HARRIS, Ecuyer. Sa Grammaire eft intitulée: HERMÉS, or a Philofophical Inquiry concerning Language and Univerfal Grammar, Lond. in-8. 1751.

(7) WALLIS Grammaire Angloife en Latin, in-8. fixiéme Edit. 1765.

LOWTH?

LOWTH, Evêque d'Oxfort (8), le Doct. BAYLY (9); & entre les François > l'Abbé GIRARD (10), & M. BEAUZÉE (11), diftinguent l'ADJECTIF du Nom, que tous les autres réuniffent dans une même claffe.

MM. de Port-Royal (12) & nombre d'autres, font de l'ARTICLE une claffe à part, tandis que Wallis, SANCTIUS ( 13 ), & M. Beauzée le retranchent du nombre des Parties du difcours pour le réunir à l'Adjectif.

Sanctius & le P. BUFFIER (14), confondent de leur côté le PRONOм avea le nom.

HARRIS diftingue le Participe de toutes les autres, & il est presque le feul qui le faffe.

Pendant qu'avec Sanctius, il fupprime abfolument l'INTERJECTION, que les autres reclament, & nommément M. Beauzée.

Comment donc le décider au milieu de tant d'opinions contradictoires, défendues ou attaquécs par des perfonnages auffi diftingués? Les diverfes Parties du discours feroient-elles donc fi indifferentes, qu'on pût en négliger impunément quelques-unes ? Ou leurs caractères feroient-ils fi vagues, fi indéterminés, qu'on-pût les prendre les unes pour les autres, & même les mé

connoître ?

L'on fent cependant que le fuccès de tout ce que nous aurons à propo fer fur les Parties du Difcours, dépendra néceffairement des idées nettes & diftinctes que nous en aurons; qu'on ne dira rien d'exact ou de convainquant à cet égard, qu'autant qu'on faura politivement à quoi s'en tenir fur leur nombre; qu'on fera en état de les diftinguer d'un coup-d'œil, & de

(8) Dans la Grammaire Angloise intitulée: A Short Introduction to English Grammar with critical Notes, feconde Edit. in-12. 1763.

(9) Le Doct. Anfelm BA YLY, Grammaire Angloife, in-8. 1772.

(10) Les vrais Principes de la Langue Françoise, 2 vol. in-12. 1747.

(11) Grammaire générale, ou Expofition raifonnée des Elémens du Langage, en 2 vol. in-8. 1767.

(12) Grammaire générale & raisonnée.

(13) Dans fa Minerve, Liv. L. ch. 2. SANCTIUS ou François Sanchez de Brocès, étoit Profeffeur en Rhétorique & en Langue Grecque à Salamanque. Son Ouvrage parut pour la premiere fois à Madrid en 1585. Il l'intitula Minerve, par oppofition à celui d'Auguftin SATURNINUS, que celui-ci avoit appellé Mercure: c'étoit Minerve qui redres foit Mercure.

(14) Grammaire Françoise, no. 80-84◄

Gram, Univ.

E

́s'en former un tableau lumineux, où l'on voye fans peine tout ce qu'elles ont de commun, & tout ce en quoi elles différent.

Nous devons donc avant toutes chofes, examiner quels font les caractères auxquels nous pouvons reconnoître une Partie du Difcours : ces caractères deviendront une pierre de touche, au moyen de laquelle nous pourrons fixer le nombre de ces Parties, d'une maniere d'autant plus fûre, que ce ne fera pas nous qui choisirons, que nous ne ferons que confulter la Nature ellemême.

Si jufques-ici, on paroît s'être plus occupé de l'énumération de ces diverfes Parties, que de chercher les caractères auxquels on pouvoit les reconnoître ne l'attribuons qu'à la méthode qu'on fuit ordinairement dans l'expofition des Principes Grammaticaux, qui confifte plutôt à dire ce qui eft, qu'à chercher. ce qui doit être. Méthode qui donne plus de prise à l'arbitraire.

M. Beauzée l'a fort bien dit, en réfutant ceux qui confondoient le Pronom avec le Nom.

» La fource de toutes les méprifes, obferve-t-il (1), eft dans la maniere: dont on s'y eft pris pour déterminer les claffes de mors ».

Quoi qu'il en foit, effayons de trouver les caracteres auxquels on doit recon-noître les Parties du Difcours. Si nous ne réuffiffons pas entierement, nous aurons du moins tenté une route nouvelle : il est beau d'effayer fes forces, lors: même qu'on échoueroit : c'eft un chemin frayé, dans lequel d'autres peuvent pénétrer plus avant.

CHAPITRE II I.

Caractères diftinctifs des Parties du Difcours.

Nous l'avons dit; dans la peinture d'une idée, les mots font amenés à la

fuite les uns des autres, jufqu'à ce que toutes les parties conftitutives de l'idée foient repréfentées, & qu'ainfi le tableau en foit complet.

Il exiftera par conféquent, autant de parties dans les mots, qu'il en exifte. dans les idées.

C'est donc, encore de l'analyse des idées, de leur contemplation, que dé

(1) Grammaire générale, T. I. p. 268.

pendent les diverles espéces de mots employés dans le difcours, puifqu'il en faut pour peindre toutes les parties d'une idée.

Mais il ne fera pas plus difficile de diftinguer les diverfes parties d'une idée, que de diftinguer celles d'un corps.

Comment fait-on qu'une partie d'un partie d'un corps n'est pas la même que relle autre, fi ce n'est parce qu'on ne peut pas affirmer de l'une ce qu'on affirme de l'autre; parce qu'elles ont des fonctions & des places différentes; parce qu'elles produisent des effets divers; parce que fans elles, ce corps n'exifteroit pas, ou n'exifteroit que d'une maniere incomplette, qu'il feroit défec

tueux ?

Il en est de même des diverfes efpéces de mots qui entrent dans la peinture des idées. 1°. Relatifs à des parties différentes de l'idée, appellés à y jouer chacun un rôle different, on ne pourra pas dire de l'un ce qu'on dit de l'autre.

2°. Ils auront des fonctions différentes.

3°. Ils produiront des effets divers.

4°. Ils feront indifpenfables.

Tels font, par conféquent, les caractères auxquels on reconnoîtra les diverfes Parties du Discours, en quelque Langue que ce foit, & fous quelque forme qu'on les ait travefties, & qui les ont fouvent fait méconnoître.

L'on comprend d'avance, que la reffemblance extérieure de ces mots & leurs raports acceffoires ne font d'aucun poids dans cette difcuffion; qu'on ne doit faire attention qu'à l'effence même de ces mots, qu'à ce qui leur eft propre, & qui ne fe rencontre dans aucune des autres efpéces. C'est une régle qu'il ne faut jamais perdre de vue, dans la diftribution des Etres en différentes claffes; fans cela, on réunira les objets les plus difparates, en vertu de quelques raports communs, à l'exemple de ce favant Naturaliste, qui fit entrer le Lion & la Souris dans la même claffe d'Animaux, à caufe de quelques raports qu'il apercevoit entr'eux dans quelques-unes de leurs parties.

Mais apliquons ces divers caractères à quelque exemple, afin qu'on s'en forme une idée distincte,

Dans cette phrale, CICERON FUT ELOQUENT, on voit trois mots, dont chacun apartient à une Partie differente du Difcours; parce qu'ils réuniffent, chacun de leur côté, les caractères diftinctifs des Parties du Dif

cours.

1o. L'on ne peut pas dire de l'un ce qu'on affirme de l'autre : l'un eft un Nom, les deux autres conftituent des Parties toutes différentes.

2o. Ils rempliffent des fonctions différentes : car l'un défigne le fujet du ta bleau, l'autre une qualité de ce fujet, le troifiéme les lie.

3°. Ils produifent des effets différens, puifque l'un réveille l'idée d'un tel homme l'autre celle d'un homme peint fous tel caractère.

4°. Ils font indifpenfables; car fi l'on en fuprime un, quel que ce foit des trois, il n'y aura plus de tableau.

On n'aura plus qu'à donner un nom à chacune de ces Parties du Discours : & ce nom fera toujours dérivé de ce qui les conftitue effentiellement, des fonctions propres qu'ils rempliffent.

Tout mot qui réunira ces quatre propriétés, & qui n'entrera dans aucune des Parties du Discours, déja reconnues & déterminées, formera une nou→ velle Partie du Difcours : ou, en d'autres termes, il en faudra admettre autant de différentes, qu'il y aura d'espéces de mots qui feront diftingués par ces quatre caracteres.

Tels font les principes d'après lefquels nous allons reconnoître les diverses efpéces de mots qui compofent les tableaux de la parole, & qui feront notre excufe auprès de ceux à qui ces difcuffions deplairoient; puifqu'elles n'ont pour but que de faire marcher nos Lecteurs d'une maniere plus

affurée.

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AFIN

CHAPITRE IV.

Enumération des Parties du Difcours.

FIN de reconnoître les diverfes efpéces de mots dont eft composé le Difcours, nous commencerons par ceux qui font fi néceffaires, pour completter le raport renfermé dans une idée, qu'ils en prennent tous la livrée, enforte que leur forme change néceffairement avec ce raport. Nous verrons enfuite ceux qui ne faifant point partie de ce raport principal & conftitutif d'une idée, fervent à lier ce raport avec d'autres raports fubordonnés à celui-là; ou, à lier une idée avec une autre; & ajoutent ainfi, de nouveaux raports au principal, fans prendre la livrée d'aucun des deux, puifqu'ils n'apartiennent en particu lier à aucun des deux.

Ceci nous donnera une divifion fimple & naturelle des Parties du Difcours, en deux grandes claffes: 1°. Les Parties du Difcours compofées des mots

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