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Le Docteur Hallei choisit le peuple de Breslau en Silefie pour composer fa Table des probabilités de la vie, par la raison, dit-il, qu'il fort peu de monde de cette Ville, & qu'il y vient peu d'étrangers; & ces conditions font absolument néceffaires, comme on le verra ci-après, lorsqu'on veut se servir des Regîtres ou Extraits mortuaires.

M. de Moivre a parlé des Rentes viageres dans fon Traité des Chances : mais il n'a fait aucune recherche fur l'ordre de mortalité du genre humain; il s'est contenté de suivre l'ordre établi par M. Hallei.

M. Simpson a fait imprimer à Londres en 1742, un Ouvrage fur la même matiere, c'està-dire, fur les Rentes viageres. Il rapporte une Table, dont il se sert, faite par M. Smart pour l'ordre de mortalité des habitans de Londres, qui vivent moins, dit-il, que ceux de Breslau. Cette Table a été dressée d'après les Regîtres mortuaires de Londres, pris pendant dix ans, fans expliquer la méthode qu'on a suivie. Il est bien difficile, pour ne pas dire impossible, qu'on puisse établir un ordre de mortalité approchant du vrai, par le moyen des Regîtres d'une ville comme celle de Londres, à caufe de la quantité prodigieufe d'étrangers qui vont s'y établir & mourir. Aufsi

M. Simpson a-t-il jugé à propos d'y faire quelques corrections, fans trop dire comment. On verra dans la suite par la comparaison qu'on fera de cette Table, avec quelques autres, fi on peut beaucoup y compter, malgré la correction. Voici les raifons pour lefquelles les Regîtres mortuaires des grandes Villes, ne paroissent pas pouvoir fervir à établir un ordre de mortalité approchant du vrai.

1o. Si on ne prenoit du Regître mortuaire que ceux qui font nés dans l'endroit même, il arriveroit qu'on auroit plus de morts dans les bas âges, qu'on ne devroit en avoir à proportion de ce qu'on en auroit pour les autres âges, si les enfans étoient nourris dans l'endroit même, parce que de tout ce qui naît dans l'endroit, on a tout ce qui meurt en bas âge : au lieu que de ceux qui échappent aux mortalités de l'enfance ou du bas âge, une partie assez considérable va mourir dans d'autres pays, ou dans les Troupes. Mais dans les grandes Villes, au moins en France, tout le menu peuple envoye les enfans en nourrice à fix lieues, huit lieues, dix lieues, &c. d'où on ne les retire qu'à l'âge de trois ou quatre ans, & alors la grande mortalité est presque passée: dans ce cas-là on

n'aura pas la mortalité de l'enfance telle qu'on devroit l'avoir, à proportion de ce qu'elle fera pour les autres âges. On voit que fi on avoit égard à ceux qui meurent en nourrice, on tomberoit dans le défaut ci-deffus.

D'ailleurs les enfans nés dans les grandes Villes, ne paroiffent pas devoir servir à regler la mortalité du genre humain; parce qu'il meurt beaucoup plus d'enfans de ceux qui font nés dans les grandes Villes, que de ceux qui naiffent dans les petites Villes, Bourgs & Campagnes: foit parce que la plupart des enfans n'y font pas nourris de leur lait naturel, comme le font les enfans nés dans les campagnes : foit que les femmes qui ne nourriffent pas leurs enfans redeviennent plutôt groffes que celles qui les nourriffent, & leur tempérament n'ayant pas eu le tems de se rétablir des fatigues de la groffeffe, des couches, & des accidens caufés par le lait, les enfans s'en reffentent affez communément; & ce d'autant plus que les meres redeviennent plutôt groffes : foit que les Nourrices en général n'en ont pas autant de foin que de leurs propres enfans. Une partie de ceux qui échappent à cette mortalité occafionnée par la foibleffe de leur tempérament, ou par le man

que

que de foins de la part des Nourrices, tombent en chartre, fe nouent, deviennent boffus, ou affligés de quelqu'autre infirmité: arrivés à un certain âge, ils ne laiffent pourtant pas de se marier; & les enfans qui naissent d'eux, tiennent de leur mauvaise constitution, qui par-là se perpétuera tant que les meres confieront à d'autres le soin d'alaiter leurs enfans. Il est vrai qu'à Londres la plûpart des femmes les nourriffent, même les Princeffes. Mais là comme à Paris l'air y eft moins pur, parce qu'il y circule moins, & qu'il est plus chargé des vapeurs des immondices qui y croupiffent continuellement : & que les peres & meres y font communément moins fains que dans les campagnes;

2o.Et au contraire, fi onfe fervoit de tout ce qui meurt dans une grandeVille, on n'auroit pas affez de mortalité dans les bas âges à proportion de ce qu'on en auroit pour les autres âges, à cause de la quantité d'étrangers qui viennent y mourir, comme on le voit par les excès des nombres des morts fur les nombres des naiffances. D'ailleurs on ne peut pas fçavoir les âges de la plupart des étrangers qui viennent mourir dans les villes commerçantes.

Il fuit de toutes ces raifons, que la Table du

F

Docteur Hallei doit être préférée à celle de M. Simpson. Il est vrai que ce dernier semble ne vouloir donner la fienne que pour les habitans de Londres, ce qui pourroit être approchant du vrai s'il n'entendoit parler feulement que de ceux qui naiffent dans cette Ville; ce qui ne peut fervir de regle pour aucun autre endroit qu'on ne l'ait examiné.

On trouve dans la Bibliotheque raisonnée d'Amfterdam du mois de Janvier 1743, l'extrait d'un Livre fur le même fujet, écrit en Hollandois par M. Kerseboom. L'Auteur a fait pour cela de grandes recherches, & il eft entré dans un fort grand détail. Il a auffi compofé une Table pour établir la proportion des personnes de tout âge, ou, ce qui eft la même chofe, l'ordre de mortalité des habitans des provinces de Hollande & Westfrife, par le moyen des obfervations faites depuis plus d'un fiecle sur les Rentes viageres, & fur celles qui lui ont été communiquées par quelques Sçavans d'Angleterre. Cette Table paroît avoir été faite avec beaucoup de foin, ainsi qu'on en pourra juger par la comparaison qu'on en fera ci-après avec les autres, entre lefquelles eft celle que j'ai faite, & dont je rappor te les preuves.

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