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décififs, combien il eft infoutenable & dangereux de dire qu'on doit une croyance aveugle à une autorité qu'on fuppofe capable d'être trompée & de tromper. Ai-je tort de ne concevoir pas ce qui n'a aucun fens intelligible, & de ne foutenir pas le Formulaire par une raifon dont le parti a démontré l'absurdité ?

Quatorziéme Objection.

Il eft vrai qu'on ne peut point tirer une entiere & abfoluë certi→ tude d'un motif, qui étant en foi faillible, fe trouve, quand il eft tout feul, capable de tromper, & par conféquent demeure incerYtain. Mais il fuffit que ce grand préjugé de l'autorité de l'Eglife forme une fi puiffante probabilité qu'elle devienne une efpece de certitude morale.

Reponfe.

1. Tout ce qui n'eft pas entierement & abfolument certain, de

meure un peu incertain, & il refte, comme parle l'Ecole, une crainte raisonnable qu'il ne foit. faux. Ainfi fuppofé que l'héreticité du texte de Janfenius ne foit pas entierement & abfolument certaine, elle demeure un peu incertaine, & on doit craindre raisonnablement qu'elle ne foit fauffe. Si on doit craindre

raisonnablement que cette héreticité ne foit fauffe, on peut craindre raifonnablement que les cinq Conftitutions du faint Siége ne foient fauffes auffi, puifque les cinq Conftitutions affirment l'héreticité de ce texte. Les cinq Conftitutions font précifément contradictoires au Livre qu'elles condamnent. Ainfi fuppofé que le texte de Jansenius ne contienne que le pur dogme de foi contre l'hérefie Pélagienne, les Conftitutions contradictoires à ce même texte >

font Pélagiennes en termes formels. En vérité eft-il permis de dire que l'héreticité du texte condamné n'est pas entierement certaine, qu'on doit craindre raisonnablement que la décision ne soit fauffe, qu'il eft un peu probable que les cinq Conftitutions font Pélagiennes, & que toute la conduite qu'on a tenue dans cette incertitude contre les difciples de faint Auguftin, a été tyrannique?

2. En vain on s'efforce de nous ébloüir & de nous amufer en nous propofant le nom radouci de certitude morale. Ou cette certitude morale ôte tout

Trefte de crainte raisonnable de fauffeté, auquel cas c'est une parfaite & abfoluë certitude, & il est démontré qu'on ne peut jamais l'avoir fur un motif faillible c'eft-à-dire incertain; ou bien cette certitude morale n'ôte point un refte de crainte raifonnable

cace, ou pour mieux dire, l'unique moyen d'affûrer la paix, & de prévenir le danger de féduction, étoit de défendre la lecture de ce texte, & d'imposer le filence refpectueux à tous les partis oppofez.

2. Rien ne feroit plus injurieux à l'Eglife que de dire, que s'étant d'abord engagée à condamner ce Livre, elle a crû avoir befoin du ferment pour mieux lier toutes les confciences, & pour faire prévaloir fa déficion. Ce feroit dire que l'Eglife, s'étant peut-être trop avancée d'abord, a été jaloufe de foutenir les premiers engagemens, & qu'elle a employé le ferment même pour gêner les confciences de tous ceux qui voudroient fuivre librement une opinion probable contraire à la fienne. Ce feroit toujours une tyrannie manifefte contre la liberté

des

des opinions, & un ferment qu'el le extorqueroit en vain.

3. Les cinq Constitutions & le ferment du Formulaire dans cette fuppofition demeureroient dans quelque incertitude & feroient probablement Pélagiennes: la cause ne feroit point finie: chaque particulier feroit en droit de demander la révision d'une cause probablement mal jugée, & tout feroit à recommencer. Le ferment même ne finiroit rien, puifque chacun jureroit, non que la chofe eft certaine, mais feulement qu'il la croit par pure opinion très-probable pour s'accommoder au jugement de l'Eglife. Ainfi chacun demeureroit libre malgré ce ferment de changer d'opinion, quand il croiroit voir dans un nouvel éxamen

que l'opinion qu'il a embraffée par déference pour l'Eglife, eft auffe ou moins probable que

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