faifon leur eft plus ou moins favorable ou, pour m'exprimer dans les termes du Poëte, ils font dirigés par ce Dieu qui ordonne aux Cigognes, comme il commanda à Colomb d'aller décou vrir un autre Ciel & un Univers inconnu jufqu'alors, qui convoqua le confeil pour cette fameuse expédition, qui détermina le jour du départ, qui forma la flotte & indiqua la route.

Les Oyes-Solan conftruifent leurs nids d'un amas confidérable de fubf tances très-différentes les unes des autres, ils y portent celles qui font propres à leur deffein, foit qu'ils fe promènent sur terre, foit qu'ils flottent fur l'eau; tantôt c'est du gazon, d'autrefois de l'algue marine, des copeaux de bois, des lambeaux d'étoffes, & très-fouvent même d'autres matières qu'ils ne peuvent avoir rencontrées que dans des pays étrangers. Cependant telle eft fans doute la difficulté qu'ils trou

vent à fe procurer la quantité fuffifante de tout ce qui leur eft nécessaire pour bâtir leurs nids, que fouvent ils s'em-parent de ce qui leur convient dans: cenx de leurs voifins; la manière dont ils s'y prennent pour y parvenir, prouve que le befoin leur a donné des notions de propriété (fi l'on peut s'exprimer ainfi ) qui font inconnues aux autres oiseaux, à qui l'abondance les rend inutiles. Lorfqu'une Oye-Solan s'apperçoit pendant quelque temps que fon voisin n'est pas dans fon nid, il prend avantage de fon abfence pour en enlever autant de matériaux qu'il peut aifément en porter; mais convaincu de l'injuftice qu'il a commife, il dirige fon vol directement vers rOcéan. Si le propriétaire légitime ne découvre pas le tort qui lui a été fait avant que le voleur foit hors de fa vue. ce dernier échappe avec impunité & revient auffi-tôt avec fon fardeau

comme s'il eût été faire cette acquifi tion dans une contrée étrangère.

L'on prétend que parmi les OyesSolan il y en a toujours une qui fait l'office de fentinelle pendant que les autres dorment; qui donne l'alarme, fi elle voit approcher un ennemi, & qu'on pourroit en faire un maffacre général, fi cette fentinelle étoit furprife & tuée. Les Kildiens d'à-préfent nient que la sûreté de ces oifeaux dépende autant qu'on le croit, de la vigilance d'un feul de leur troupe; mais ils m'ont dit qu'ils tiroient une induction toujours sûre de l'état d'efpérance ou de crainte où pouvoient être ces animaux, de leurs différents cris, ou de diverfes modulations de leurs voix. A l'entrée de la nuit les oifeleurs vont en rampant jusqu'à l'endroit où ils favent qu'ils trouveront des Oyes-Solan; s'ils les entendent crier grog grog, ils continuent d'approcher

d'eux, fans crainte de les allarmer, mais auffi-tôt qu'ils crient bir, bir, ils s'arrêtent; fi ces oifeaux, qui d'abord avoient été inquiets par la crainte du danger, n'ont pas pu découvrir leurs ennemis, ils donnent le fignal de fé'curité grog, grog, les oifeleurs s'avancent alors, & faififfent avec beaucoup de précaution la premiere Oye-Solan 'qu'ils tuent au milieu de fes vieux compagnons, Les Kildiens m'ont affuré plufieurs fois que ces derniers déplorent fur le champ la mort de leur ami avec un fon de voix lamentable, qu'ils examinent foigneufement fon corps, le touchent avec leurs becs, & paroiffent fi vivement affectés que les oifeleurs profitent de leur trouble & de leur douleur pour en tuer plufieurs autres

d'entr'eux.

La communauté de Saint-Kilda n'a qu'un feul bateau qui ne lui fert même pas, pendant tour l'Hiver; on le

remplit de terre & de pierre, & on le met dans un endroit à l'abri des tempêtes pour prévenir la plus grande de toutes les calamités que les habitants pulent éprouver, c'eft-à-dire, que ce bateau fut englouti dans la mer, ou brifé contre un rocher par un coup de vent vers le milieu de mars, une troupe choisie d'hommes entreprenants fe met en mer dans ce bateau & va dans les Ifles voifines pour y faire une expédition qui eft de la plus grande importance pour elle. C'eft la faifon propre à prendre les vieilles OyesSolan avant qu'elles commencent à cou ver; ces intrépides chaffeurs les pourfuivent pendant la nuit à travers des précipices & des rochers efcarpés; (inacceffibles à tout autre qu'eux, ) ils confervent les Oyes-Solan dont ils n'ont pas intention de fe nourrir fur le champ, dans de petites maisons ou dans des greniers plus grands que