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Une anecdote qu'on ne doit point ou blier; c'eft que le Comte de Saxe ayant écrit de Courlande en France pour avoir un fecours d'hommes & d'argent, Mademoiselle le Couvreur, fameufe Actrice, mit fes bijoux & fa vaiffelle en gage pour fecourir le Comte, & lui envoya une fomme de 40,000 liv.

M. de Saxe étant repaffé en France en qualité de Maréchal de Camp, fe rendit fur le Rhin à l'armée du Maréchal de Berwick. Ce Général, fur le point d'attaquer les ennemis à Ethlinghen, voit arriver le Comte de Saxe dans fon camp: Comte, » lui dit-il auffi-tôt, j'allois faire venir » 3000 hommes, mais vous me valez feul » ce renfort ". Ce grand homme en effet décida la victoire par des actes furprenans de bravoure & d'intrépidité.

Il alla prendre, quoique très malade, le commandement de l'armée Françoife dans les Pays-Bas. Quelqu'un le voyant dans cet état de foibleffe avant fon départ de Paris, lui demanda comment il roit fe charger d'une fi grande entreprise? - Il ne s'agit pas de vivre, répondit-il, » mais de partir".

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Dans le tems de la bataille de Fontenoy, de Maréchal étoit prefque mourant, il fe fit traîner dans une voiture d'ofier pour vifiter tous les poftes. Pendant l'action il

monte à cheval, mais fon extrême foiblesse faifoit craindre qu'il n'expirât à tout moment; c'est ce qui fit dire au Roi de Pruffe dans une lettre qu'il lui écrivit longtems après: » Agitant il y a quelques jours » la queftion, quelle étoit la bataille de » ce fiècle qui avoit fait le plus d'honneur » au Général; tout le monde tomba d'ac» cord que c'étoit fans contredit celle dont » le Général étoit à la mort lorfqu'elle fe » donna «.

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Lorfque le Maréchal de Saxe couvert de lauriers, revint dans la Capitale, les talens de toute efpèce s'emprefsèrent de lui rendre leurs hommages. Tout Paris retentit de fes louanges, & les acclamations publiques interrompirent plufieurs fois les fpectacles lorfqu'il y arrivoit. Un jour, entre autres, qu'il étoit à une repréfentation d'Armide, l'Actrice, Mademoiselle de Metz, qui faifoit le rôle de la Gloire, après avoir chanté les paroles du Prologue qui pouvoient s'appliquer au Maréchal faifit un moment favorable pour lui préfenter une couronne de laurier qu'elle portoit comme un des attributs de fon rôle. Cette ingénieufe allégorie fut reçue du public avec les plus grands tranfports de joie.

La même chofe étoit arrivée au Maré

chal de Villars, la première fois qu'il vint

à l'Opéra après l'affaire de Denain. On donnoit la même pièce, & c'étoit la Demoiselle Antier, tante de la Demoiselle de Metz, qui faifoit le rôle de la Gloire. Le Maréchal de Villars fit préfent à Mademoiselle Antier d'une tabatiere d'or; le Maréchal de Saxe envoya à la nièce pour 10,000 liv. de pierreries.

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Le Comte de Saxe, en préfence de plufieurs perfonnes, faifoit un jour l'éloge le plus diftingué d'un Officier de fon armée alors abfent, & qui eft mort depuis Lieutenant-Général avec la réputation d'un excellent Militaire. Cet éloge affecta peu agréablement un des Officiers préfens qui fans doute fe connoiffoit affez pour fentir qu'il n'en mériteroit jamais un pareil: » Oui, dit-il, mais Chevert eft un Offi»cier de fortune «. Le Maréchal qui le favoit bien, feignit de l'ignorer, & démêlant, au ton & à l'air du Dépréciateur, le motif de fa remarque, répliqua brufquement: » Vous me l'apprenez; je n'avois » pour lui que de l'eftime, je vois que je lui dois du refpect, & j'en aurai «. Le Maréchal, au retour d'une partie de plaifir qu'il avoit faite aux environs de Paris, fit arrêter le fiacre dans lequel il étoit, à la barrière St-Denis, pour donner le tems de faire la vifite. Il fe préfente un Commis qui, en ouvrant la portière,

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le reconnut fur-le-champ. Celui-ci, en refermant la portière, lui dit : » Excufez, Monfeigneur, les lauriers ne payent point de droit «.

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Il avoit demandé que fon corps fût brûlé dans de la chaux vive, » afin, dit-il, qu'il » ne refte rien de moi dans le monde, que » ma mémoire parmi mes amis «.

ARMAND-Louis Dupleffis de Richelieu, Duc d'Aiguillon, connu d'abord fous le nom de Comte d'Agénois, reçut de fon père le Marquis de Richelieu, tous les foins & les attentions poffibles pour recevoir une excellente éducation.

Parvenu à l'âge où fa naiffance & fa qualité l'appelloient au fervice de la Patrie; fon ardeur martiale l'arracha promptement aux faveurs que les Mufes lui prodiguoient, & le fit entrer aux Moufquetaires. Il ne quitta cette Ecole que pour prendre une Compagnie dans le Régiment de Touloufe. A la malheureuse journée de Ramillies, ce Régiment fut fort maltraité la troupe du Comte d'Agénois y fut enveloppée & taillée en pièces. Quoique chargé de bleffures, le Capitaine ne voulut jamais fe rendre, & avec le peu de monde qui lui reftoit, il fçut fe dégager des Ef

Tom. II.

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cadrons ennemis & retourner au camp. A la fin de la campagne, il fut mis à la tête du Régiment qu'il avoit eu pour témoin de fa valeur. Il quitta enfuite le fervice & fe retira en même-tems de la Cour où fon nom & fon mérite pouvoient lui acquérir la plus haute confidération.

Ce Seigneur vraiment eftimable n'avoit ni ces dignités qui flattent le Courtisan, ni ces fentimens qui les font défirer. Ainfi quand les bienféances de fon rang le faifoient paroître à la Cour; il n'y montra qu'un Grand fans intrigue & fans ambition, un fage fans fard & fans artifice: ami zèlé, bon père, aimant à obliger en toute occafion; voilà en deux mots le caractère de cet homme illustre.

Un mérite fi précieux & fi modefte n'échappa pas aux yeux du Monarque. Ce fut en fa faveur que Louis XV érigea la terre d'Aiguillon en Duché-Pairie l'an 1731.

M. de Pouilly, né à Reims, fit remarquer en lui dès fa plus grande jeuneffe les difpofitions heureufes qui annoncent les hommes fupérieurs.

Après avoir voyagé, de retour dans fa Patrie, il comptoit paffer fa vie dans une terre, & s'y occuper uniquement de fes

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