des affaires, joint à celui de l'affliction, ne l'accablât.» Je me dois au Public, difoit-il, & il n'eft pas jufte qu'il souffre » de mes malheurs domestiques

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M. le Chancelier jouit jufqu'à plus de 81 ans, d'une fanté qui avoit réfisté aux plus pénibles occupations, & qu'il avoit confervée par la fobriété & par l'égalité d'ame. Dans le cours de l'année 1750, des infirmités douloureufes l'obligèrent d'interrompre fouvent fon travail : il réfolut de quitter fa place, parce qu'il ne pouvoit plus remplir qu'une partie de fes devoirs. avoit près de 34 ans qu'il étoit Chancelier. Il dicta lui-même fa démiffion; il en figna l'acte le jour qu'il finiffoit fa quatre-vingt-deuxième année. Il la remit à M. le Comte de Saint-Florentin, Secrétaire d'Etat, & fes deux fils allérent avec ce Ministre, remettre les Sceaux au Roi, qui lui conferva les honneurs de Chancelier de France, avec une pension de 100,000 liv.

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Ce grand homme mourut le 9 de Février de cette année. Il porta jufqu'au de-là du tombeau, la fimplicité qui formoit fon caractère. Il voulut que fes cendres fuffent mêlées & confondues parmi celles des pauvres, dans le Cimetière de la Paroiffe d'Auteuil, à côté de fon époufe. Leurs enfans ont fait élever une Croix au pied de leur Tom. II.

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fépulture, dont les marbres ont été donnës par Louis XV.

Tous ceux qui meurent, font honorés par des larmes : l'ami eft pleuré par fon ami; l'époux par l'époufe; le père de famille par fes enfans. Un grand homme eft pleuré par le genre-humain.

Lorfque fa pompe funèbre traversoit la Capitale, quels étoient à fa vue les fentimens des Citoyens ! l'admiration & la douleur. Le corps où avoit habité cette grande ame, quoique froid & inanimé, imprimoit encore le refpect. Le vieillard difoit à fes enfans: Mes fils, l'homme jufte eft mort. "Le foible & le malheureux s'écrioient: » nous n'avons plus d'appui «.

MICHEL-Etienne Turgot, étoit né à Paris, d'une famille originaire de Normandie qui jouit depuis long-temps dans cette Province de la jufte confidération que donnent de grands établissemens & la notoriété d'une nobleffe immémoriale. Le goût des Lettres s'eft tranfmis dans cette ancienne Maifon, des pères aux enfans, ainfi que l'amour de la vertu. Ce mérite héréditaire eft le feul que M. Turgot fe permit d'envifager avec complaifance dans une origine illuftre. Il fe glorifioit à ce titre de compter

parmi fes Ayeux maternels le célèbre Pierre Pithou.

Les heureufes difpofitions que le jeune Turgot montra dès fès plus tendres années, furent cultivées avec foin.

En 1711, il fut reçu Confeiller au Parlement; Commiffaire en la feconde Chambre des Requêtes du Palais. Au bout de fix ans, il paffa de cette charge à celle de Préfident en la même Chambre, & s'y diftingua par toutes les qualités qui rendent un Magiftrat recommandable.

Une nouvelle carrière plus vafte, plus difficile, & qui demandoit des talens d'un ordre différent, s'ouvrit pour lui en 1729. La mort de M. Lambert laiffa vacante la place de Prévôt des Marchands de la ville de Paris; & M. Turgot y fut nommé. Il réuniffoit dans fa perfonne, tout ce qui prévient le peuple en faveur des Magiftrats; une taille avantageufe, de beaux traits, une phyfionomie qui refpiroit la douceur. Cet extérieur, foutenu par une grande réputation de probité, fixa fur lui tous les regards, la première fois qu'il parut à la tête du Corps de Ville; & le peuple l'aima dès qu'il le

vit.

Le début de fon administration eut un éclat qui fembloit en préfager la fplendeur. La naiffance du Dauphin qui combloit les veux de la France & de l'Europe, fut célél'Europe

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brée par des fêtes que le Roi honora de fa préfence. Ce Monarque vint fouper à l'Hôtel-de-Ville, & témoigna toute fa fatisfaction du zèle de M. Turgot. C'étoit un ancien ufage que les Prévôts des Marchands reçuffent en pareil cas une gratification de 40,000 liv.; mais M. Turgot fe crut affez récompensé par l'approbation de fon Prince.

Les foins qu'il lui fallut donner d'abord aux préparatifs de cette fête; ne l'avoient pas diftrait de l'étude de fes autres devoirs. Il s'attacha, dès qu'il fut en place, à s'en former une jufte idée ; & cet examen, en lui dévoilant la nature & l'étendue de fes fonctions, redoubla fon ardeur.

Depuis 1738 jufqu'au moment où il fortit de place, les Ports de la Ville qui font de. fon reffort, fournirent prefque feuls à la fubfiftance de Paris. Dans les tems malheureux, il raffembloit toutes les forces de fon génie, & le fuccès couronna toujours fes efforts. Tel fut l'effet des mesures qu'il fçut prendre, c'eft qu'il attira dans la Capitale, & qu'il y foutint en 1740, l'affluence des bleds, au point de faire juger fuperflus par le peuple même les fecours extraordinaires que fa prévoyance lui avoit préparés, & d'étouffer par-là tout prétexte de plainte. C'est ce qu'il vouloit; car ce n'étoit pas affez pour lui qu'on dût être content, il defiroit qu'on le fût; il afpiroit à rendre les mur

mures, non-seulement injustes, mais encore impoffibles.

La police pour le bois de chauffage que M. Turgot trouva établie fur ce point, tout effentiel qu'il eft, avoit été jufqu'alors affez négligée. Cette confommation n'est devenue exceffive que vers le commencement de la Prévôté de M. Turgot. Dans le cours de fes onze années d'exercice, il la vit s'accroître d'un tiers. Quelle que foit la cause de cet abus dangereux, il s'agiffoit de remplacer par un excès d'abondance ce que l'excès du luxe enlève journellement aux befoins du peuple. M. Turgot y réuffit. On vit prefque toujours par fes foins la provision de deux ans raffemblée dans les Chantiers de Paris, tandis qu'il auroit pu répondre au befoin d'une troisième qui fe préparoit dans les Ports & dans les ventes éloignées.

Ce Magiftrat vigilant voyoit d'un œil inquiet, le luxe toujours croiffant, épuifer d'une manière déja fenfible les Forêts du Morvant & du Nivernois. L'amour du bien public lui fit former, en 1739, le projet d'ouvrir aux bois de la Lorraine, une route jufqu'à Paris, en établiffant une communication entre la Meufe & l'Oyfe, par la rivière d'Aifne, que quelques canaux joindroient à la Meufe. Tous les plans de ce projet avoient été dreffés avec foin; mais