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VI.

ALEX. déceffeur. Charles avoit de grandes qualités mais fa jeuneffe & fon peu 1498. d'expérience le rendoient fufceptible des mauvais confeils, comme des bons. Toujours livré à des Miniftres, d'autant moins habiles, qu'ils ne s'étoient point formés dans le maniment des affaires, il n'étoit plus poffible d'effacer les impreffions que lui donnoient leurs idées. De jeunes courtisans qui l'entouroient, moins attentifs à fa gloire, qu'à leur fortune, entretenoient fon goût naturel à la profufion, & aux plaisirs : ainsi les Finances, recueillies avec peine fur des fujets foulés par le malheur des regnes précédens, s'écouloient fans fruit, & les affaires les plus importantes étoient oubliées en faveur des amusemens de la Cour.

Louis XII. au contraire âgé de 36. ans, lorsqu'il parvint à la Couronne, s'étoit acquis de l'expérience par les infortunes de fa jeuneffe, & par une étude particuliere de l'art de régner, à laquelle il confacra les trois années qu'il demeura prifonnier fous le règne précédent. Il honoroit de toute fa confiance George d'Amboife, Archevêque de Rouen, qui lui fut tou

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1498

jours attaché dans fes difgraces, qu'il ALEX connoiffoit plein de zele, adroit politique, & heureux pour l'ordinaire dans les négociations, Louis d'ailleurs, doux & compatiffant, fe faifoit un fcrupule de diffiper les fonds qu'il tiroit de la bienveillance de fes peuples, & il préféroit toujours le foin du Gouvernement aux amusemens les plus permis. Pourvû de fi grandes qualités, ce Prince pouvoit réuffir dans les entreprises de la plus grande étendue, fi la droiture & la bonne foi, qui lui étoient communes. avec fon Ministre, ne les euffent pas fouvent rendus l'un & l'autre les victimes de la politique, pour ne pas dire de la perfidie des Cours étrangeres.

Louis à fon avénement au Trône forma de grands projets : l'un de faire caffer fon mariage avec la Princeffe Jeanne, feconde fille de Louis XI. & foeur de Charles VIII. pour époufer Anne de Bretagne, veuve de ce Prince, & retenir par ce moyen le Duché de Bretagne. Les autres étoient la réunion du Milanois & de l'Etat de Genés à fa Couronne, & la con quête du Royaume de Naples.

ALEX. René Duc de Lorraine faifant rea VI. vivre ses prétentions fur ce riche Do1498. maine, & fur la Provence, le Roi

Mariana

Cap.10.

Surit.

lib. 3. eap. 25.

26.

lib. 4.

voulut bien les foumettre à un fecond jugement, qui pareil au premier, ne laiffa d'autre reffource au Lorrain que de vendre ou céder fes droits à Pierre II. Duc de Bourbon, qui avoit époufé Anne de France, fille aînée de Louis XI.

Soit que les deffeins du nouveau lib. 16. Roi fur Naples demeuraffent fecrets; ou qu'on n'en crût pas alors l'éxécution poffible: foit que la Cour d'Efpagne fût touchée des foumiffions de Guice. Frideric, qui lui laiffoit la difpofition de fa Couronne, & du fort de fa famille, ou que les vues particulieres de Ferdinand le Catholique fe retrouvaffent en quelque forte remplies par l'idée du mariage qu'on traitoit alors entre l'Infante Donna Marie fa quatriéme fille, & Ferdinand Duc de Calabre; foit enfin que les mouvemeus des Maures de Grenade qui paroiffoient prêts à fe revolter fiffent une puiffante diverfion, le Monarque Efpagnol changea de politique à la mort de Charles VIII. il donna ordre à Gonfalve de remettre à Frideric tous

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tes les Places dont il étoit maître ALEX. & le fit repaffer en Espagne avec fon Armée.

1498.

En même tems il envoya en France Alphonfe de Silva, Ambassadeur extraordinaite, complimenter Louis XII. fur fon avénement à la Couronne: avec ordre de fe joindre au Duc de Strada & aux autres Miniftres Efpagnols, pour reprendre enfemble les négociations interrompuës; mais fuivant un nouveau plan, & conformément aux inftructions dont Alphonfe de Silva étoit porteur. On paffa de part & d'autre fur les difficultés qui fe rencontrerent, & en fort peu de jours on fe vit en état de conclure le 5. Traité d'Août au Couvent des Celeftins près de Marcouffy un Traité de confédé- 803. ration & d'alliance entre les deux Rois, qui, fans aucune mention des "affaires d'Italie, fe promirent un fecours mutuel contre leurs ennemis, & > convinrent de s'en rapporter fur leurs > différends, à l'égard du Roufillon & » de la Cerdagne, au jugement de quelques arbitres. »

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Cette paix & l'indifférence, du moins apparente, de la Cour d'Efpagne fur ce qui concernoit le Royau

au Res.

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ALEX. me de Naples, applaniffoient le cheVI. min de Louis XII. l'Italie étoit auffi 1498. dans des difpofitions favorables à fes vuës. Céfar Borgia, Cardinal de Valence, fecond fils d'Alexandre VI. quoiqu'engagé dans le Diaconat, venoit de renoncer à l'Etat Eccléfiaftique, pour fuivre le parti des armes plus convenable à fon caractere, & à fes moeurs: & le Pape avoit auffitôt fait demander pour ce fils bien-aimé, à Frideric Roi de Naples, la Princeffe Charlotte fa fille en mariage, avec la Principauté de Tarente, par forme de dot. Le Pontife s'étoit déja allié à la Maison d'Arragon. Lucrece Borgia fa fille, veuve de Jean Sforce Seigneur de Pefaro, venoit d'époufer Alphonfe, fils naturel du Roi Alphonfe II. mais ni Frideric ni le Roi d'Espagne, qu'on confulta, n'approuverent le fecond mariage; foit à caufe de la mauvaise réputation de Borgia, foupçonné d'incefte avec Lucrece fa foeur & de l'affaffinat du Duc de Gandie,leur frere, qu'il avoit,difoit-on, fait poignarder au milieu de Rome par jaloufie des faveurs monftrueuses qu'il ofoit partager avec lui: foit qu'on s'apperçût que cette nouvelle alliance

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