les figures de ce Livre dont plus de la moitié n'avoit pas encore été definie,& ce qui en avoit même paru, n'avoir pas été traité affez à fonds, ni confirmé par des exemples, comme dans cette Table. Ainfi tout ce qui avoit été obmis par les autres Auteurs, qui la plus-part n'ont fait que des Commentaires fur Vitruve, qui ne regardent plus nos ufages, ni l'Art de baftir d'aprefent,fe trouve renfermé dans ce Livre; c'eft auffi ce qui en fait l'avantage, & ce qui le rend non-feulement neceffaire aux Architectes Deffinateurs & à tous les Ouvriers qui travaillent aux Bastimens ; mais encore utiles à toutes fortes de perfonnes qui fouhaittent avoir une parfaite idée de l'Architecture, pour en parler pertinemment, ou pour se communiquer avec ces mêmes Ouvriers.

aux

Enfin j'avoue que je n'aurois pas ofé entreprendre un ouvrage de cette étendüe fans la follicitation de plufieurs perfonnes fçavantes dans l'Architecture, qui m'ont perfuadé que pour rendre de quelque utilité le fruit de mes études, & de mes voyages, je devois traiter les matieres de ce Livre auffi amplement que le l'ay fait. J'avoue encore que fans me prévaloir de mes propres forces, j'ay confulté fur les doutes que je pouvois avoir, les perfonnes les plus éclairées, pour éviter la prévention dans mes fentimens, qui eft le défaut ordinaire où tombent ceux qui fe mêlent d'écrire, & que je n'ay eu d'autre intention, que d'acquerir par ce travail une veritable estime qui eft la plus folide recompenfe de la vertu.

LA VIE

DE

JACQUES BAROZZIO DE VIGNOLE

ARCHITECTE ET PEINTRE.

P

UISQUE jufqu'à present aucun de ceux qui ont mis ce Livre en lumiere, n'a pris le foin de donner une idée du merite de fon Auteur, j'ay crû qu'il eftoit à propos, ayant recueilli de divers endroits les actions de fa vie, de faire connoiftre que par fes emplois & fes ouvrages il a efté un des plus grands Hommes de fa Profeflion.

Les guerres

guerres civiles de Milan ayant ruïné Clement Barozzio Citoyen de cette Ville & d'affez bonne famille, il fe vit obligé à la quitter & à preferer ainfi fon repos domeftique au fejour de fa patrie : il choifit pour fa retraite Vignole petite Ville du Marquifat du même nom fituée dans le Territoire de Boulooù il eut de fa femme qui eftoit Allemande, un fils qui nâquic let. jour d'Octobre l'an 1507. & fut nominé Jacques Barozzio. Clement ne furvêcut pas long-temps aux premieres années de cet enfant;

gne,

pere,

ainfi Vignole (pour l'appeller du nom de fa patrie par lequel il eft le plus connu) eftant refté fans & n'ayant d'autres moyens que la difpofition naturelle qu'il avoit pour le Deffein, s'en alla à Boulogne pour y apprendre la Peinture, dans laquelle il ne fit pas grand progrez, parce qu'il n'en reçut pas d'affez bons principes; mais comme il avoit une forte inclination pour l'Architecture, dont il avoit fait quelques petits Deffeins qui réüffiffoient affez bien, il réfolut de l'embraffer pour en faire fa profeffion, & ayant acquis quelque reputation dans Boulogne, il s'adonna à deffiner des Edifices pour plufieurs perfonnes, & principalement pour François Guichardin, alors Gouverneur de cette Ville, qui envoyoit ces Deffeins à Florence à un certain Frere Damien de Bergame pour en executer les Modeles en bois colorez comme les matieres dont on les vouloit bâtir. Mais Vignole voyant que l'Architecture ne confiftoit pas feulement dans les Deffeins ni dans la lecture des écrits de Vitruve, & que l'ouvrage par fa grandeur eftoit fort different de ce que l'imagination avoit conçû, & de ce que les mains avoient executé par ces fortes de Deffeins, prit refolution d'aller à Rome pour y tirer des incomparables Origi naux de l'Antiquité les regles de cet Art qu'on y trouve dans toute leur pureté.

A fon arrivée en cette Ville il fe fervit de la Peinture pour fubfifter: mais comme elle luy produifoit peu de chofe, il fe mit à deffiner pour Jacques Melighini Ferrarois Architecte du Pape Paul III, &

après avoir demeuré quelque temps dans cet exercice, comme il y avoit alors dans Rome une Academie d'Architecture compofée de plufieurs perfonnes de qualité, dont les principaux eftoient Marcel Cervin, qui fut depuis le Pape Marcel II. les Seigneurs Maffei & Mazzuoli, Vignole fe donna au fervice de cette Compagnie à qui il se rendit fort utile en mettant au net les refolutions qui y avoient cfté arreftées fur les difficultez de l'Art, & en mesurant & deffinant les anciens Edifices de Rome : cette pratique le fortifia dans le bon gouft, & luy fit prendre la maniere antique à laquelle il s'attacha de telle forte, qu'il ne s'en eft jamais écarté.

Il arriva enfuite que François Primatice Architecte & Peintre Boulonois, qui eftoit venu en France au fervice de François Premier, fut renvoyé à Rome l'an 1537. avec ordre d'acheter des Statuës antiques, & de faire mouler les plus belles. Vignole s'y trouvant pour lors, Primatice fe fervit de luy dans fes entreprises, & l'ayant reconnu pour un homme intelligent & d'execution, luy propofa de venir en France ce qu'il accepta volontiers. Pendant deux ans qu'il y refta, il le fecourut dans tous fes Ouvrages, & luy aida à jetter en bronze ces Antiques qui font à Fontainebleau. Outre plufieurs Perfpectives qu'il fit dans le mefme lieu où le Primatice peignit des Hiftoires, il deflina des baftimens pour le Roy, dont les guerres empefcherent l'execution. On tient qu'il a donné un Deffein de Chambor; mais il n'y a pas d'apparence qué ce

foit celuy-là qui ait efté executé, parce que l'Architecture de cette Maison Royale n'a nul rapport à l'Antique que fuiyoit noftre Architecte: aufli dans fon Livre de Perspective où il parle du fameux Efcalier de ce Chafteau, il ne paroift point y avoir cu de part, non pas mefine à l'execution.

Il retourna enfuite à Boulogne pour s'aquiter de la parole qu'il avoit donnée au Comte Philippe Peppoli Prefident de la Fabrique de faint Petrone, pour travailler à l'Eglife: le Deffein qu'il en donna fut tellement approuvé de Jules Romain Peintre fameux, & de Chriftophe Lombard Architecte du Dôme de Milan, qu'ils le confirmerent par leurs fignatures, & Vignole dans cette occasion triompha de l'envie de fes competiteurs qui tafchoient de le traverser. Pendant fon fejour dans cette Ville il fit le Portique de la Façade du Change, il baftit à Minerbio le Palais du Comte Alamano Isolano: & la Maifon del Bocchio, d'une invention particuliere, & acheva le Canal du Navilio jufques dans Boulogne, qui en eftoit éloigné de plus d'une lieuë. Ayant efté mal fatisfait de ce travail, quoy que fort utile, il s'en alla à Plaisance où il donna le Deffein du Palais du Duc de Parme, & après avoir commencé l'ouvrage, il en laiffa la conduite & les Deffeins chifrez pour en pourfuivre la continuation à Hiacinthe Barozzio fon fils, qui eftoit déja en état de le soulager dans ses travaux.

Aprés avoir fait une fort belle Chapelle dans l'E«