çoivent de cette proportion, & combien au contraire les chofes qui en font éloignées leur font defagréables, comme les Muficiens le connoiffent à tout moment dans leur fcience, j'ay travaillé depuis plufieurs années à reduire fous une regle courte & facile la pratique de ces cinq Ordres d'Architecture; & le moyen dont je me fuis fervi pour y parvenir a efté tel. Lorsque j'ay voulu, par exemple, me fervir de l'Ordre Dorique par ma Regle, j'ay remarqué que celuy du Theatre de Marcellus eftoit le plus univerfellement approuvé, c'est pourquoy je l'ay pris pour fondement de la regle de cet ordre, fur lequel ayant déterminé les parties principales, lors que quelque Moulure ne s'eft pas trouvée conforme à la proportion des nombres, comme il arrive le plus fouvent par la faute des Ouvriers, ou par d'autres accidens qui ne laissent pas d'eftre confiderables fur de petites parties, alors je n'ay point fait difficulté de les accommoder à ma regle, fans m'éloigner beaucoup de leurs mefures, faifant valoir cette licence par l'autorité des autres Doriques qui ont le plus de reputation, dont j'ay pris quelque petite partie pour suppléer à celuy du Theatre de Marcellus:fi bien que de cette façon je n'ay pas fait comme Zeuxis des filles de Crotone, mais felon que mon raifonnement m'a pû conduire, faisant choix fimplement des Ordres antiques tout ensemble, je n'ay apporté de ma part que la diftribution des proportions fondées fur des nombres fimples, fans me fervir de Braffes, de Pieds, & de Palmes d'aucuns païs, mais feulement d'une mefure arbitraire, appellée Module, divifée en un certain nombre de parties égales, comme il fe verra dans chaque Ordre en particulier. Cela apporte une fi grande facilité à cette partie de l'Architecture, qui eft de foy affez embaraffée, que quelque mediocre efprit que ce foit, pour peu qu'il ait d'inclination pour cet Art, pourra tout d'une vûë, & fans prendre la peine de beaucoup lire, comprendre le tout, & s'en fervir ingé nieusement. Quoy que je n'euffe aucun deffein de rendre cet Ouvrage public, je me fuis neanmoins laiffé vaincre comme tous les Auteurs aux prieres de mes amis qui le fouhaitoient, & encore plus à la genereufe liberalité de Monfeigneur le Cardinal Farnéfe, qui outre les obligations extraordinaires que j'ay à fon illuftre maifon, m'a facilité le moyen de faire ces diligences, & a voulu qu'il ne manquaft rien pour donner cette fatisfaction à mes amis, & eftre en état de vous préfenter encore dans peu de temps quelque autre chofe de confiderable fur ce fujet, fi vous recevez celuy-cy, comme je l'efpere: Ce n'eft pas veritablement mon intention de répondre aux objections que quelques perfonnes m'ont préparées; car je laiffe à l'Ouvrage mefme le foin d'y fatisfaire, appuyé du jugement des perfonnes intelligentes qui répondront à ma place, s'il eft affez heureux pour leur plaire. Cependant fi l'on croit la peine que j'ay prife foit inutile , parce qu'on ne que peut donner de regle certaine fur cette matiere puis qu'au fentiment de tous, & de Vitruve même, il faut fouvent augmenter ou diminuer les proportions des membres & des Ornemens, pour fuppléer aux endroits où la vûë fe trouve trompée par quelque accident; je répondray qu'il eft en ce cas abfolument neceffaire de déterminer au juste ce qui doit paroiftre à noftre œil, afin que cela puiffe fervir enfuite de regle conftante, & qui soit exactement fuivie; ce qui fe peut faire par de belles regles de Perfpective qui font certaines, & dont j'efpere vous donner dans peu de temps une pratique fi neceffaire à l'Architecture & à la Peinture, que je fuis perfuadé que vous le recevrez agréablement. Mon deffein, comme j'ay déja dit, n'ayant efté que de me faire entendre à ceux qui ont déja quelque connoiffance de cet Art, je n'avois pas mis de nom aux Moulures particulieres des cinq Ordres, que je fuppofois que l'on connoiffoit; Mais comme j'ay veu par expérience que cet Ouvrage plaift encore beaucoup à plufieurs perfonnes de qualité, qui font bien-aifes de pouvoir entendre fans peine le détail des Ornemens de l'Architecture, dont ils fouhaiteroient fçavoir les noms en particulier; je les ay mis en la maniere qu'on s'en fert ordinairement à Rome, & dans l'Ordre qu'on pourra remarquer, avertiffant que l'on ne parlera que dans l'explication du premier Ordre, des Moulures qui fe trouvent communes à tous les autres. Des Moulures, & de la maniere de les bien profiler. Comme ce Livre contient les principes de l'Architecture, j'ay jugé à propos de parler d'abord des Moulures qui en font les élemens, & de la maniere de les profiler. Es Moulures font à l'Architecture ce que les Lettres font Lil Ecriture. Or comme par la combinaifon des caracte res il le fait une infinité de mots en diverfes langues; auffi par le mélange des Moulures on peut inventer quantité de profils différens pour toutes fortes d'ordres & de compofitions regulieres & irregulieres: Mais comme en Architecture il ne fe doit rien faire qui ne foit fondé fur la Nature & fur la Geometrie, & que fes regles ne font pas fi arbitraires que quelques-uns fe l'imaginent; on doit fçavoir que le contour de chaque Moulure eft étably fur la Geometrie, & que de mefme qu'il n'y a que trois natures de ligne en Geometrie qui font la droite, la courbe & la mixte; auffi n'y at-il que trois efpeces de Moulures, fçavoir des Moulures quarrées, des rondes, & de celles qui font composées de ces deux natures de lignes. C'eft pourquoy l'on peut remarquer dans l'Architecture Gothique, que ceux qui l'ont inventée s'eftant voulu éloigner de ces figures parfaites,ne les pouvant, ou ne les voulant pas imiter, & ayant affecté de fe fervir des plus imparfaites pour diftinguer leur Architecture de la Grecque & de la Romaine, ils ont inventé une maniere de Moulures & d'Ornemens ridicules; ce qui a rendu leurs Ouvrages defagreables à voir, fur tout quand l'on a veu les Ouvrages antiques. Des Moulures les unes font grandes comme les Doucines Oves, Gorges, Talons, Tores & Scoties, & les autres font petites comme les Filets, Aftragales & Congez. Ces petites Moulures fervent à couronner & à feparer les grandes, & pour leur donner auffi plus de relief & de diftinction. Le Cavet, le Quart-de-rond & le Talon, fe font auffi quelquefois fort petits, comme entre les faces des Architraves & des Archivoltes, & aux Chambranles. Mais pour la Doucine, le Larmier, le Denticule, & la Plattebande de modillons, ces Moulures font toûjours grandes, & couronnées de plus petites. L'Ove ou Quartde-rond & le Talon dans les Corniches font auff des grandes Moulures & couronnées de plus petites. Le Tore petit & grand, ainsi que la Scotie, qui fait prefque le contraire effet du Tore, ne fervent gueres qu'aux Bafes, & font diftinguées par des Liftels & Aftragalles. Toutes ces Moulures fe tracent différemment, felon la diftance d'où elles doivent estre vûës ; ce qui doit regler la faillie ou retraite qu'on leur veut donner. Les plus belles Moulures font celles dont le contour eft parfait, comme le quart de rond, & le Cavet ayant le quart de Cercle, & le Talon & la Doucine tracée de deux portions de Cercle égales par un triangle équilateral, les Moulures quarrées doivent ettre d'équerre & à plomb. Les Aftragalles, dont le contour eft ordinairement des trois quarts, ou des deux tiers de leur circonference, doivent cftre dégagez des plus grandes Moulures par un petit filet enfoncé qui eft prefque imperceptible, que les Mallons nomment le coup de crochet, & les Menuifiers le grain d'Orge. Rarement les Moulures excedent en faillie leur hauteur, fi ce n'eft le Larmier; mais alors il eft bon de refoüiller fon plafond en canal, & faire la mouchette pendante. Or pour tracer toutes ces Moulures, il eft neceffaire de quelques principes de Geometrie pour en connoiftre les figures; comme de fçavoir que le Triangle équilateral a trois coftez & trois angles égaux, que le quart de Cercle eft la quatrième partie de la circonference d'un Cercle, & que la ligne à plomb fur celle de niveau forme deux angles égaux, & ainfi des autres ; ce qu'il eft facile de comprendre par la planche des Moulures tracées geometriquement, où les lignes ponctuées fervent |