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Ce fut par de femblables difcours que la perfide Marcelle ébranla Leonor, qui fe laiffant étourdir fur le peril qui la menaçoit, s'abandonna de bonne foy quelques jours après aux mauvaises intentions du Comte.

La Duegne l'introduifoit toutes les nuits par le balcon dans l'appartement de fa Maîtreffe, & le faifoit fortir avant le jour. Une nuit qu'elle l'avoit averti un peu plus tard qu'à l'ordinaire de fe retirer, & que déja l'aurore commençoit à percer l'obfcurité, il fe mit brufquement en devoir de fe couler dans la rue; mais par malheur i prit fi mal fes mefures, qu'il tomba par terre affez rudement. D. Luis de Cefpedes qui étoit couché dans l'appartement au deffus de fa fille, & qui s'étoit levé ce jour-là de très-grand matin pour travailler à quelques affaires preflantes, entendit le bruit de cette chû-. te. Il ouvrit fa feneftre pour voir ce que c'étoit. Il apperçut un homme qui achevoit de fe relever avec beaucoup de peine, & la Dame Marcelle fur le balcon de fa fille, comme en effet c'étoit elle qui détachoit l'é

chelle de foye dont le Comte ne s'étoit pas fi bien fervi pour defcendre que pour monter. Il fe frotta les yeux & prit d'abord ce fpectacle pour une illufion; mais aprés l'avoir bien confideré, il jugea qu'il n'y avoit rien de plus réel, & que la clarté du jour, toute foible qu'elle étoit encore, ne luy découvroit que trop fa honte. Troublé de cette fatale vûë, tranfporté d'une jufte colere, il defcend en robe, de chambre dans l'appartement de Leonor, tenant fon épée d'une main & une bougie de l'autre. Il la cherche elle & fa Gouvernante pour les facrifier à fon reffentiment.. II frappe à la porte de leur chambre ordonne d'ouvrir; elles reconnoiffent fa voix; elles obéiffent en tremblant. Il entre d'un air furieux, & montrant fon épée nue à leurs yeux éperdus : je viens, dit-il, laver dans le fang d'une infame l'affront qu'elle fait à fon pere, & punir en même la lâche Gouvernante qui tra

temps

hit ma confiance.

Elles fe jetterent à genoux devant luy l'une & l'autre, & la Duegne prenant la parole: Seigneur, dit

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elle, avant que nous recevions le châtiment que vous nous préparez, daignez m'écouter un moment. Hé bien,. malheureufe, repliqua le vieillard je confens de fufpendre ma vengeance pour un inftant. Parle, apprens moy toutes les circonftances demon malheur; mais que dis-je toutes les circonftances; je n'en ignore: qu'une: c'eft le nom du témeraire qui deshonore ma famille. Seigneur reprit la Dame Marcelle, le Comte de Belflor eft le Cavalier dont il s'agit. Le Comte de Belfior, s'écria D.. Luis! où a-t'il vû ma fille par quelles voyes l'a-t'il féduite ? ne me cache rien. Seigneur, repartit la Gouvernante, je vais vous faire ce recit avec toute la fincerité dont je fuis capable.

Alors elle luy debita avec un art infini tous les difcours qu'elle avoit fait accroire à Leonor que le Comte luy avoit tenus. Elle le peignit avec les plus belles couleurs; c'étoit um Amant tendre, délicat & fincere: Comme elle ne pouvoit s'écarter de la verité au dénouement, elle fut obligée de la dire; mais elle s'éten

dit fur les raifons que l'on avoit euës. de faire à fon infçû ce mariage fecret, & elle leur donna un fi bon tour qu'elle appaifa la fureur de D. Luis.. Elle s'en apperçût bren, & pour achever d'adoucir le vieillard: Seigneur, lay dit-elle, voilà ce que vous vouIrez fçavoir. Puniffez-nous prefentement, plongez vôtre épée dans le fein de Leonor. Mais qu'eft-ce que je dis ?" Leonor eft innocente; elle n'a fait que fuivre les confeils d'une perfonne que vous avez chargée de fa conduite. C'eft à moy feule que vos coups doi vent s'adreffer. C'eft moy qui ay introduit le Comte dans l'appartement de vôtre fille. C'eft moy qui ay forme les nœuds qui les lient. J'ay fermé les yeux für ce qu'il y avoit d'irregulier dans un engagement que vous n'autorifiez pas, pour vous affurer un gendre dont vous fçavez que la faveur eft le canal par où coulent aujourd'huy toutes les graces de la Cour. Je n'ay envifagé que le bonheur de Leonor & l'avantage que vôtre famille pourroit tirer d'une pareille alliance. L'excez de mon zele m'a fait trahir mom devoit

Pendant que l'artificieufe Marcelle parloit ainfi, fa Maîtreffe ne s'épargnoit point à pleurer ; & elle fit paroître une fi vive douleur, que le bon veillard n'y put réfifter. Il en fut attendri; fa colere fe changea en compaffion. Il laifla tomber fon épée, & dépouillant l'air d'un pere irrité: Ah, ma fille, s'écria-t'il les larmes aux yeux, que l'amour eft une paffion funefte! Helas, vous ne fçavez pas toutes les raifons que vous avez de Yous affliger. La honte feule que vous caufe la prefence d'un pere qui vous furprend, excite vos pleurs en ce moment. Vous ne prévoyez pas encore tous les fujets de douleur que vôtre Amant vous prépare peut-être. Et vous, imprudente Marcelle, pourfu vit-il, dans quel précipice nous jette vôtre zele indifcret pour ma famille ? J'avoue que l'alliance d'un homme tel que le Comte a pû vous éblouir, & c'eft ce qui vous fauve dans mon efprit; mais malheureufe que vous êtes, ne falloit-il pas vous défier d'un Amant de ce caractere? Plus il a de réduit & de faveur, plus vous deviez étre en garde contre luy. S'il ne fe

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