Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

cours qu'il ne vouloit pas entendre, mais elle ne vous a que foiblement exprimé tout ce que je fens pour elle. J'en fuis enchanté; c'eft une fille toute adorable. Efprit, beauté, vertu rien ne luy manque. On m'a dit que vous avez auffi un fils qui acheve fes études à Alcala, reffemble-t'il à fa foeur Sil en a la beauté, & pour peu qu'il tienne de vous d'ailleurs, ce doit être un Cavalier parfait. Je meurs d'envie de le voir, & je vous offre tout mon credit pour luy.

Je vous fuis redevable de cette offre, dit gravement Dom Luis; mais venons à ce que. Il faut le mettre inceffamment dans le fervice, interrompit encore le Comte. Je me charge de fa fortune; il ne vieillira point dans la foule des Officiers fubalternes. C'eft dequoy je puis vous affurer. Répondez-moy, Comte, reprit brufquement le Vieillard, & ceffez de me couper la parole. Avez-vous deffein ou non de tenir la promeffe.... Oiti fans doute, interrompit pour la troifiéme fois Belflor, je tiendray la pro meffe que je vous fais d'appuyer vôte fils de toute ma faveur; comptez

تو

fur moy, je fuis homme réel. C'er eft trop, Comte, s'écria Cefpedes en fe levant! aprés avoir féduit ma fille vous ofez encore m'infulter mais je fuis noble, & l'offenfe que vous me faites ne demeurera pas impunie. En achevant ces mots, il fe retira chez luy le cœur plein de reffentiment, & roulant dans fon efprit mille projets de vengeance.

Dés qu'il y fut arrivé, il dit avec beaucoup d'agitation à Leonor & à la Dame Marcelle : Ce n'étoit pas fans raifo qne le Comte m'étoit fufpect, c'eft un traître dont je veux me venger. Pour vous, dés demain vous entrerez toutes deux dans un Convent ; vous n'avez qu'à vous y préparer; & rendez grace au Ciel que ma colere fe borne à ce châtiment. En difant cela, il alla s'enfermer dans fon cabinet pour penfer meurement au parti qu'il avoit à prendre dans une conjoncture fidéli

cate.

Quelle fut la douleur de Leonor quand elle eut entendu dire que Belflor étoit perfide! Elle demeura quelque temps immobile. Une pâleur

mortelle fe répandit fur fon vifage. Ses efprits l'abandonnerent, & elle tomba fans mouvement entre les bras de fa Gouvernante qui crut qu'elle alloit expirer. Cette Duegne appor a tous les foins pour la faire revenir de fon évanouiffement; elle y réuffit, Leonor reprit l'ufage de fes fens, ouvrit les yeux; & voyant fa Gouvernante empreffée à la fecourir : Que vous êtes barbare, luy dit-elle, en pouffant un profond foupir! pourquoy m'avez-vous tirée de l'heureux état où j'étois ? je ne fentors pas l'horreur de ma deftinée. Que ne me laif fiez-vous mourir ? vous qui fçavez toutes les peines qui doivent troubler le repos de ma vie, pourquoy me l'a

vez-vous confervée ?

Marcelle effaya de la confoler; mais elle ne fit que l'aigrir davantage. Tous vos difcours font fuperflus, s'écria la fille de Dom Luis je ne veux rien écouter. Ne perdez pas le temps à combattre mon defefpoir. Vous devriez plûtôt l'irriter, vous, qui m'avez plongée dans l'abîme où je fuis. C'est vous qui m'avez répondu de la fincerité du Comte; fans vous je ne

pas

me ferois livrée à l'inclination que j'avois pour luy. J'en aurois infenfiblement triomphé. Il n'en auroit jamais du moins tiré le moindre avantage. Mais je ne veux pas, pourfuivit-elle, vous imputer mon malheur, & je n'en accufe que moy. Je ne devois pas fuivre vos confeils en recevant la foy d'un homme fans la participation de mon pere. Quelque glorieufe que fut pour moy la recherche du Comte de Belflor, il falloit le méprifer, plutôt que de le ménager aux dépens de mon honneur. Enfin je devois me défier de luy, de vous & de moy. Après avoir été affez foible pour me rendre à fes fermens perfides; après l'affliction que je caufe au malheureux Dom Luis, & le deshonneur que je fais à ma famille, je me détefte moy-même ; & loin de craindre la retraite dont on me menace, je voudrois aller cacher ma honte dans le plus affreux féjour. En parlant de cette forte, elle ne fe contentoit pas de pleurer abondamment ; elle déchiroit fes habits & s'en prenoit à fes beaux cheveux de l'injuftice de fon Amant.

[ocr errors]

La Duegne pour fe conformer à la douleur de fa Maîtrelle, n'épargna par les grimaces. Elle laiffa couler quelques pleurs de commande, fit mille imprecations contre les hommes en general & en particulier contre Belfor. Eft-il poffible, s'écria-t'elle, que le Comte qui m'a paru fi plein-de droiture & de probité, foit affez fcelerat pour nous avoir trompé toutes deux. Je ne puis revenir de ma furprife, ou plutôt je ne puis encore me perfuader cela.

En effet, dit Leonor, quand je me le réprefente à mes genoux, quelle fille ne fe feroit pas fiée à fon air tendre, à fes fermens dont il prenoit f hardiment le Ciel à témoin, à fes tranfports qui fe renouvelloient fans cefle ? Ses yeux me montroient encore plus d'amour que fa bouche ne m'en exprimoit; enfin il paroiffoit charmé de ma vûe. Non, il ne me.

poit point! je ne le puis penfer. Mon pere ne luy aura pas parlé peutêtre avec affez de ménagement: ils fe feront tous deux picquez, & le Comte luy aura moins répondu en Amant qu'en grand Seigneur. Mais

« AnteriorContinuar »