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tions & les dépurations s'en font mieux ; & qu'enfin la tranfpiration qui eft comme le terme où toutes les fonctions tendent & fe terminent, en eft plus abondante & plus parfaite.

Ce n'est pourtant point à dire qu'il foit fi dangereux de s'accorder ici quelque changement. Hippocrate en permet lui-même, & en confeille quand il est bien entendu, tel qu'eft celui qu'on pratique en Carême. C'est un changement qui ne dure que quarante jours; il n'eft point extrême; il ne confifte qu'à fe retrancher un repas au foir, à la place duquel on accorde quelques onces de nourriture pour foulager l'eftomac, entretenir fon action, & renouveller le fang.

Le danger qu'il y auroit feroit de mettre deux repas en un, mangeant autant à dîner, qu'on auroit fait à dîner & à fouper; mais c'est ce que l'Eglife, toujours fage, défend. Il n'y auroit que la nature des viandes qu'on pourroit accufer: mais on fera`voir que cette accufation eft injufte & malfondée, à moins qu'on ne fe trouve dans le cas d'exception qu'on marquera ci-après. En attendant, on peut conclure que l'unité d'un vrai repas pour

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peu de tems, n'a rien de n'a rien de trop étran ge, & que la fanté ne courra là-dessus aucun rifque.

CHAPITRE III.

Que le Carême n'a rien de trop auftére.

C'ES

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'EST encore une adreffe de l'amour propre de foulever la plûpart du monde à la feule mention du Carême; car perfuadé qu'on eft qu'il oblige à quelque chofe de fort mortifiant, on fe porte à demander des dif penfes. Mais fi l'on confidére que le Carême tel qu'on l'observe aujourd'hui, eft lui-même une difpenfe continuelle de l'ancienne févérité de la primitive Eglife, on rougira de la liberté avec laquelle on demande là-deffus des permiffions, & de la facilité avec laquelle on les accorde. Cet abus ne vient fans doute que du réfroidiffement de la foi: en effet, le Carême ne fut jamais. plus févére que dans le tems où il étoit volontaire, comme dans les tems apof toliques, où le fang de JESUS-CHRIST & des Apôtres fumoit encore. Alors

quoique l'Eglife n'eût rien encore ordonné (a) touchant la forme du Carême, la plupart des fidéles l'observoient, & dès le tems de Marc-Aurele (b) fon ufage étoit commun. Il confiftoit en ces tems dans la Xérophagie (c) parmi les Grecs; & au moins dans une abftinence exacte de la viande & du vin parmi les Occidentaux & les Latins. Sa durée, à la vérité, n'étoit point alors fixée par l'Eglife; mais elle pouvoit s'en repofer dans ce tems de ferveur fur le zéle des fidéles, qui s'appuyant plus fur la force de leur foi, que fur celle du corps, ne craignoient pas tant de fe faire du mal, que de manquer aux pratiques de l'Eglife: c'eft pourquoi elle ne fe preffa pas de faire d'ordonnance là-deflus, & ce ne fut que vers le milieu du troifiéme fiécle, qu'on apperçut quelque forte d'uniformité, qui ne fe trouve pourtant bien établie que deux cens ans après. (d) Au refte, la durée du Carême ne fut pas moins d'abord de deux femaines, puifque du tems de faint Chrifoftôme, c'étoit lâcheté de n'en point faire davantage. On l'augmenta jufqu'à

(a) Baillet, des fêtes mobiles, p. 71. &c. (b) Dans le premier fiécle. Baillet, p. 73. (6) Baillet, ibid. p. 116. &c. (d) Baillet, p. 74.

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42. jours vers le huitiéme fiècle dans les Eglifes d'Occident, d'Afrique & d'Egypte mais comme il n'y avoit dans ces 42. jours que 36. jours de jeûne, on commença vers le neuviéme fiécle à ajoûter quatre jours de jeûne pour faire la quarantaine : ce qui fe trouva parfaitement établi fur la fin de l'onzième, fiécle. (a)

Cette durée eft encore aujourd'hui la même, & il ne paroît point que ces premiers fiécles l'ayent emporté en ce point fur le nôtre, à moins qu'on ne voulût ici leur tenir compte de leur pluralité de Carêmes dans quelques Eglifes; mais leur jeûne étoit beaucoup plus exact, & leur abftinence plus rigou reufe. Les fidéles qui n'avoient prefque fuivi d'abord que leur zéle, reçurent des loix là-deffus dans le Concile de Conftantinople (b): de forte que dans le huitiéme fiécle les régles de l'abftinence fe trouvoient uniformes; elles confirmerent la Xérophagie pour les Grecs, fans la défendre aux Latins qui s'y condamnoient volontairement, furtout dans la semaine fainte, & l'abstinence de la viande, des ragoûts, du vin, & de tout ce qui lui reffemble. (a) Bailles, p. 86. (b) En 692.

Les Latins étoient encore très-religieux à s'abstenir de laitage, d'huile, d'œufs & de poiffon, & ce n'étoit qu'aux païs Septentrionaux qu'on permettoit d'ufer de laitage. Si l'ont joint à tout ceci la rigueur des jeûnes de ces tems, on conviendra fans doute que notre Carême n'eft prefque plus que l'ombre du leur, & qu'il n'y eut jamais moins de raison de demander des difpenfes. D'ailleurs l'idée d'austérité qu'on fe fait, eft la moins propre à perfuader la néceffité des difpenfes. Ce n'eft que de ce qui feroit dur & difficile à la fanté, qu'il feroit permis de demander exemption; mais dès que l'austérité prétenduë ne va qu'à mortifier les fens, & à contraindre un peu le goût, c'eft une des conditions du Carême à laquelle on doit fe foumettre, fur-tout quand cela ne va pas à intéreffer la fanté; & c'est ce qu'on tâchera de montrer dans la fuite.

Mais la mitigation de nos jeûnes eft peut-être ce qui devroit le plus arrêter la licence des difpenfes. Ils font venus au point de ne laiffer prefque plus aucun veftige de l'ancienne difcipline. Ils confiftoient autrefois à ne faire au plus qu'un feul repas en 24, heures; il faut

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