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AVERTISSEMENT

Le rôle considérable, joué par l'artillerie dans la grande guerre, où l'on a vu les canons de siège devenir des canons de campagne et les pièces de marine véhiculées sur le front, a éveillé la curiosité de nos écrivains militaires sur cette arme, et sur les vieux auteurs qui en avaient traité. C'est ainsi que le général Mangin qui, après avoir manié si glorieusement l'épée, manie si dextrement la plume, a été amené à parler, dans son récent ouvrage Les Hommes et les Faits, d'un livre rarissime du Chevalier du Teil, et à en citer quelques extraits. Seulement, il a commis une légère méprise généalogique en faisant de ce brillant officier, le père et non le frère cadet de JeanPierre du Teil, lieutenant général des armées du roi, ancien commandant de l'École d'Auxonne.

Ces deux généraux étaient issus, en Provence, d'une très ancienne famille militaire qui, dès le xiie siècle, devait fournir à la France une pépinière de vaillants soldats. Au xvie, nous voyons un capitaine Jean du Teil recevoir de Catherine de Médicis des ordres de confiance affectueusement signés « Vostre bonne amie

Catherine ». Au XVIII, on compte dix-huit du Teil, tous artilleurs, avec douze croix de Saint-Louis, lesquelles ne se donnaient, comme on sait, qu'après vingt ans de services, ou une remarquable action d'éclat. 'A la fameuse retraite de Bohême, en 1741, on pouvait voir ensemble, au 3o bataillon de RoyalArtillerie, le capitaine François du Teil avec ses quatre fils, Jean-Pierre, Alexis, Jérôme et Jean, ce dernier nommé sous-lieutenant à dix ans, par une exception sans doute unique, en récompense des services de cette incomparable lignée. C'est ce petit bonhomme, digne frère de son aîné, qui allait terminer sa carrière en commandant en chef l'artillerie au siège de Toulon; et sa carrière a été assez belle pour qu'on la rappelle en relevant certaines inexactitudes.

Les du Teil n'appartenaient pas à la noblesse de cour; ils gagnaient un à un leur grades en soldats de métier, sur les champs de bataille. Tel fut le cas du Chevalier Jean, comme de tous les siens. Esprit hardi, inventif, original, il employait ses loisirs de garnison à chercher des améliorations à notre armement. En 1768, la Manufacture Royale de SaintÉtienne fabriquait deux fusils d'un nouveau modèle, «< conformément au dessein du Chevalier du Teil, << capitaine aide-major au corps de l'Artillerie », avec une baïonnette dont la lame pouvait se loger dans le canon, pour permettre une économie du ceinturon et du fourreau devenus ainsi inutiles. En même temps, il rédigeait un mémoire sur l'allègement de l'équipe

ment, sabres, gibernes, surtout du long et lourd fusil qu'il proposait de remplacer, pour les artilleurs, par un mousqueton sans baïonnette, « ce qui seroit un << poids et un grand embarras de moins, d'autant << mieux qu'elle n'est d'aucune utilité à l'artillerie ». Et il assimilait très judicieusement en cela l'artillerie à la cavalerie armée du mousqueton. En 1772, il commençait un ouvrage général de tactique qu'un changement de garnison ne lui permit point d'achever. En 1778, il donnait à Metz le très curieux traité que nous réimprimons, suivi d'un autre, sur les Manœuvres d'Infanterie pour résister à la Cavalerie, imprimé, comme le précédent, sous le privilège de l'Académie messine.

Colonel directeur de l'artillerie à Mézières, au début de la Révolution, il ne tarda pas à se faire mettre en non-activité, bien qu'il se fût rallié sincèrement aux idées nouvelles : « Je me flatte, écrivait-il, d'être aussi << bon patriote qu'un autre ; mais mon sentiment est « de marcher à la Révolution d'une manière douce « et tranquille. Les patriotes outrés, comme nous en << avons quelques-uns, semblent ne vouloir que « désordres et convulsions. » La retraite de tels officiers mettait le ministère de la guerre dans un embarras extrême. On n'improvise pas des artilleurs. De professionnels de valeur, il n'en restait plus, la suspicion les ayant peu à peu destitués, à commencer par Rouget de l'Isle. Aussi, quand il fallut trouver un chef pour l'artillerie du Rhin, pressa-t-on Jean du Teil de reprendre du service; et c'est ainsi que, nom

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mé général de division, il commanda successivement à l'armée du Rhin, à celle des Alpes, et à celle d'Italie.

Nous arrivons au siège de Toulon.

Dès le début de l'investissement de la place, le général de brigade Dommartin avait été grièvement blessé en pointant lui-même une pièce de 8. « Heureuse<< ment, écrivait quelques jours après au Comité de << Salut Public le représentant Saliceti, le hasard nous << servit à merveille : nous arrêtames le citoyen Buona<< parte, capitaine instruit, qui allait à l'armée d'Ita<< lie, et nous lui ordonnâmes de remplacer Dom«< martin. » Voilà donc Bonaparte accidentellement employé au siège, hors de sa destination première, pendant que le ministère se hâtait d'envoyer des compétences éprouvées : Dugommier pour remplacer Doppet; Jean du Teil pour commander l'artillerie.

Celui-ci reconnut d'emblée la justesse des dispositions prises par le jeune capitaine : « Je vis, dit Dop<< pet dans ses Mémoires, avec autant de satisfaction << que d'étonnement, que cet ancien artilleur (com« prenons ce vieil artilleur) applaudit à toutes les <«< mesures du jeune Buonaparte. » Aussi, Jean du Teil le garda-t-il comme adjoint ; et, loin de prendre ombrage de ses capacités, se plut-il à lui rendre justice et à le pousser, en chef averti et bienveillant. Quand, le 19 décembre 1793, il annonça la prise de la ville au ministère dans une courte lettre débordante d'enthousiasme, il lui fit généreusement une part très belle « Je manque d'expressions pour te

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