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AVANT-PROPOS

'ARTILLERIE

FRANÇOISE s'étant rendue formidable par la célérité avec laquelle elle feconde les mouvemens rapides & favans des Troupes, par la vivacité & l'intelligence de fon exécution, nous engage, plus que jamais, de déterminer la meilleure maniere d'en faire usage dans la Guerre de Campagne. Pour mieux remplir cet objet, j'ai cru devoir commencer par donner une idée des changemens avantageux qui viennent de la régénérer, & qui peuvent lui conferver la fupériorité qu'elle s'eft acquife fur celle des autres Nations.

On verra que ces changemens ont rendu la Tactique de l'Artillerie plus favante, fes principes plus lumineux, plus fufceptibles d'être développés, & d'être adaptés à toutes les actions de la Guerre. En confidérant les rapports qu'elle peut avoir avec la Tactique de l'Infanterie, on pourra juger que s'appuyant mutuellement, elles deviennent redoutables l'une par l'autre qu'il résulte de cette

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union & de cet appui réciproque, que nos Ennemis triompheront difficilement de ces grands avantages, dont l'harmonie constitue fi évidemment la force des Armées.

On trouvera dans cet Ouvrage des principes connus, mais point affez mis en pratique, & d'autres qui font les résultats des changemens arrivés dans la Tactique de l'Artillerie & dans celle des Troupes. En vain chercheroit-on des lumieres, fur cette branche importante de l'Art de la Guerre, dans la multitude des Auteurs anciens & modernes; très-peu en ont parlé, & ce qu'ils en ont dit ne porte que fur des objets peu intéressans pour la Guerre de Campagne ('). Il n'en eft pas de même quant à celle de Siege; c'eft au célebre Maréchal de Vauban que nous devons les lumieres qui nous ont été transmises sur cette partie intéreffante; mais, qu'il nous foit permis de le dire, les Ouvrages de

(1) Si l'on parcourt Montecuculli, Feuquieres Saint-Remy, le Maréchal de Saxe & beaucoup d'autres, on pourra fe convaincre, que ce qu'ils ont dit à cet égard, eft loin de satisfaire les Officiers qui cherchent à s'instruire.

ce grand Ingénieur font aujourd'hui infuffifans, vu les découvertes que les Sieges modernes ont donné lieu de faire. L'Art de la Guerre ayant confidérablement varié, l'attaque & la défense des Places ont dû nécessairement suivre les progrès des lumieres, & participer à l'influence qu'elles ont fur ces opérations. Dans les Ouvrages qui, depuis peu, ont traité de l'usage de l'Artillerie dans la Guerre de Campagne, il en eft qui renferment quelques vérités enveloppées fous une foule d'erreurs. Parmi ces Ecrivains on en diftingue un, dont les lumieres auroient pu être utiles au service du Roi, fi, entraîné par une aveugle prévention pour d'anciennes opinions, il n'eût employé tous ses talens à fronder le nouveau fyftême. D'autres ont déclamé contre les effets & les inconvéniens d'une Artillerie nombreuse ('), s'appuyant de l'Hiftoire de tous les fiecles, qui n'offre rien de victorieux pour accréditer leurs opinions. Peut-on en effet comparer les temps de

(1) Effai général de Tactique, Chap. III, page 243, Tome I. Et les Mémoires de Meffieurs de Menil-Durand & de Maiferoi.

ténebres & d'ignorance, au progrès des Sciences & des Arts fi généralement répandus aujourd'hui ? Ces charriots armés en guerre, foibles foutiens des combats de la haute antiquité, dont l'ufage étoit plus lourd, plus embarrassant qu'utile, peuvent-ils être comparés à ces foudres de bronze, à ces agens terribles dans les actions de guerre, infiniment fupérieurs aux machines de jet, dont l'ufage prévalut fur les charriots armés? Que les Achéens aient bravé les catapultes, il faut en accuser la lenteur & le peu d'effet de ces machines; mais que les Suiffes, dont Charles-Quint & François I briguoient l'alliance, aient dédaigné l'usage de l'Artillerie, c'est une preuve incontestable de leur ignorance; puifque cette Artillerie qu'ils méprifoient, caufa leur défaite à la bataille de Marignan, journée fi glorieufe à la Nation Françoise.

Mais, pour revenir à cette multiplication de l'Artillerie, qui a commencé chez les Turcs, dont l'exemple a été suivi par la Ruffie, l'Autriche & la Pruffe, l'Hiftoire nous apprend que ces Puiffances n'eurent pas à s'en plaindre; qu'au contraire, elle contribua

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beaucoup à leurs fuccès, & qu'aucune d'entr'elles n'a imaginé de la rejetter ou d'en avoir moins, fous le prétexte illufoire de faire une guerre de mouvement; avantage qui n'est encore que problématique. Tous les raisonnemens qui ont été allégués en faveur des petites Armées, qu'on prétend opposer aux grandes avec fuccès, n'ont pas paru assez convaincans pour déterminer quelques Puiffances à en faire l'expérience; expérience qui feroit d'autant plus dangereuse, qu'elle pourroit entraîner la perte de leurs Etats; car cet excès dans les Armées nombreuses, ainfi que dans l'Artillerie, qui lui eft proportionnée, eft un moyen naturel que la néceffité indique, fous peine d'être vaincu, lorsque l'Ennemi nous en fait la Loi.

Toutes les Nations de l'Europe ayant des conftitutions calquées les unes fur les autres, le même degré de connoiffances & de lumieres, aucunes d'entre elles n'ayant ni cette fupériorité ni cet ascendant marqué qui, dans des temps reculés, fit triompher Rome de tant de Peuples ignorans & barbares, ne peut se flatter aujourd'hui qu'une Armée inférieure l'emportera fur une plus nom

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