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cause de l'embarras que ces chevaux occafionnent dans la ligne, & de leur conservation, fi prẻcieuse un jour d'affaire. Mais la maniere la plus intelligente avec laquelle on peut manœuvrer cette Artillerie légere, & que nous devons entiérement à M. de Gribeauval, c'eft la manœuvre à la prolonge (1), dont les épreuves ont été faites à Metz & à Strasbourg, & qui feroit absolument impraticable avec les anciennes

(1) L'Auteur du nouveau Systême de l'Artillerie, n'a jamais prétendu ne vouloir faire manoeuvrer qu'à bras d'hommes les pieces une fois entrées en action, ou prêtes à y entrer. Cette prétention qui auroit été fondée fur l'allégement de l'Artillerie, auroit eu fans doute de grands avantages; puifque les manœuvres en auroient été moins confuses, que lorfqu'elles étoient embaraffées de Charretiers & de chevaux ; mais foit qu'elles s'exécutent à bras d'hommes ou à la prolonge, elles auront toujours l'avantage d'offrir moins de prifes, & d'éviter par conféquent l'inconvénient d'être ralenties par les accidens. On favoit qu'on ne pouvoit pas toujours jouir de l'avantage de les manoeuvrer à bras, qu'une infinité de circonftances locales & accidentelles en empêchoient; mais on n'ignoroit pas auffi qu'on pouvoit y fuppléer par le moyen de la manoeuvre à la prolonge qui furmonte prefque tous les obftacles; & qu'enfin on auroit, pour derniere reffource, celle des attelages, la feule qu'on eut autrefois, & qui feroit encore infiniment moins défectueuse qu'elle ne l'étoit ; puifque les attelages font moins nombreux en chevaux, & qu'ils n'ont pas l'inconvénient des attelages de files.

pieces, tant à caufe de leur pefanteur, que de la construction de leurs affuts peu roulans.

Cette manœuvre eft fi fimple, qu'elle ne confiste qu'à atteler la croffe de l'affut à l'avanttrain par le moyen d'une prolonge ou cordage de vingt à trente pieds de long. Une piece ainfi attelée, peut franchir les ruiffeaux, les foffés & les ravins avec la même facilité que pourroit le faire une petite Troupe de Cavalerie, & canonner en marchant auffi vite que l'Infanterie qui se retire au pas redoublé. Cette maniere de fervir l'Artillerie eft fi avantageufe, & fi généralement reconnue pour telle, qu'elle n'a fouffert aucune contestation.

L'Artillerie ainfi attelée, eft principalement employée à couvrir les flancs des colonnes qui feroient suivies par l'Ennemi ; de forte que l'on peut toujours tirer fans ralentir la marche des Troupes, & fans s'expofer à les compromettre.

Tout ce que nous venons de dire fur l'allégement des pieces & de leurs avant-trains, ainfi que fur la facilité de leurs manoeuvres, a été opéré avec le même avantage relativement aux obufiers. Quoique cette arme ne foit pas d'un ufage bien fréquent, fon fervice ne laiffe pas d'être nécessaire dans plusieurs circonstances; le

véritable objet de l'obuse, eft de brûler les maisons où l'Ennemi peut fe retrancher, d'incendier des Magafins, de renverser des paliffades & d'écrafer des haies. Les obufiers de fix pouces pouvant remplir tous ces objets, on a été fondé à les préférer à ceux de huit, dont on ne tiroit pas un meilleur fervice, lesquels d'ailleurs ne pouvoient être fuffisamment allégés; ces derniers ont donc été supprimés, & on a rendu l'affut de l'obufier de fix pouces plus léger & plus mobile, afin d'en faciliter la manœuvre à bras, & d'obvier pour cette arme, comme pour le canon, à l'embarras des attelages.

La néceffité où se trouvent fréquemment les Armées de paffer de petites rivieres, a engagé d'alléger les pontons & leurs hacquêts (1), fans que cet allégement leur ait rien fait perdre de la folidité néceffaire à leur fervice. L'expérience qui a toujours éclairé les opérations de celui qui les a dirigées, a fait voir que ces pontons foutenoient des fardeaux auffi lourds qu'aupa ravant; mais fur-tout qu'on les avoit rendus d'un transport infiniment plus facile, plus com

(1) Voitures fur lefquelles fe mettent les pontons pour être transportés.

modes à charger & moins fujets à verfer. L'on eût manqué le but qu'on s'étoit propofé, fi l'allégement n'eût porté que fur les canons & leurs affuts; on a donc auffi fixé l'attention fur la facilité du charroi, objet non moins important que l'allégement des pieces & de leurs attirails. On ne pouvoit remplir cet objet plus efficacement, qu'en fubftituant à toutes les voitures des effieux de fer à ceux de bois, & en garniffant les moyeux de boîtes de cuivre (1). Il fuffifoit fans doute, pour reconnoître l'utilité de ses changemens, soit pour la facilité du roulage, foit pour la confervation des roues, de citer l'expérience toute faite de l'usage habituel; mais quoique convaincante & décisive, on ne s'en eft pas tenu là; l'on crut devoir la répéter à Strasbourg fur les voitures de l'Artillerie & de la maniere la plus forte; ce qui a conftaté, non feulement la folidité des

(1) Comme on vouloit tenter tous les moyens, on avoit effayé des boîtes de fer coulé, espérant qu'elles rempliroient également l'objet & qu'elles feroient plus économiques, malgré qu'on fût bien perfuadé que le fer coulé étant moins parfait & plus dur, rongeroit bientôt la fufée de l'effieux, qui eft d'un fer doux, nerveux & battu. L'expérience qu'on en a faite, a confirmé le raisonnement phyfique que l'on avoit oppofé à leur usage.

effieux, mais encore celle de beaucoup d'autres ferrures, ainsi que de l'affut en général.

Un changement non moins important, qui a infiniment contribué à la facilité du charroi, ce font les roues de devant que l'on a relevées, ce qui empêche les voitures de s'embourber auffi fréquemment qu'elles le faifoient, & rend le tirage beaucoup moins oblique & infiniment moins fatiguant. Il est étonnant que ce défaut fenfible pour les moindres Charretiers, & qui a été corrigé par les Rouliers dans prefque toutes les Provinces, n'ait pu, depuis long-temps, déterminer l'Artillerie à faire ce changement; ce qui a contribué à la lenteur de fes marches, & de tout temps a fait murmurer les Troupes chargées d'en faire l'arriere-garde.

Un autre changement très-avantageux à la facilité du transport de l'Artillerie, c'est le second encaftrement de route, lequel étant plus rapproché des roues de devant, & dans lequel on place la piece dans les marches, fait que le poids eft réparti fur les quatre roues, tandis qu'auparavant il n'étoit porté que fur celles de derriere; ce qui rendoit le tirage plus difficile, les affuts plus verfans, & contribuoit

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