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CHAPITRE III.

Des Changemens qui ont été faits dans la Charge des Pieces de Campagne, relativement à la poudre, au boulet & aux cartouches à balles.

L'Exactitude dont nous avons parlé & qu'on a portée dans tous ce qui appartient à l'Artillerie, fe trouve obfervée avec la même rigueur dans la fabrication des boulets, & en général dans celle des fers coulés. Le grand inconvénient qui réfultoit du trop de vent du boulet (1), foit pour la confervation de la piece, foit pour la portée & la justesse du tire, l'a fait réduire à une ligne; c'eft-à-dire, à moitié de ce qu'il étoit. Il s'en eft enfuivi de ce changement, moins de fatigue pour les pieces; car moins le boulet a de vent, moins il est exposé à produire de ces enfoncemens, occafionnés par fon battement qui eft d'autant plus

(1) On entend par le vent du boulet, le jeu plus ou moins grand, qu'il a dans la piece.

dangereux, que la piece eft plus échauffée, ce qui la met hors de fervice, bien avant que fon dépériffement ne s'annonce à l'extérieur. Il s'enfuit encore que le boulet ayant moins de jeu dans la piece, il refté moins d'espace pour l'échappement du fluide élastique (1) qui doit le porter en avant; & qui le forçant à suivre une direction plus rapprochée de l'axe de la piece, doit néceffairement lui imprimer plus de viteffe, & par conséquent une plus grande portée, ainfi que plus de jufteffe dans le tire.

Quant à ce qui regarde la charge des pieces de Campagne, on ne fe fert plus maintenant que de gargouffes de ferge (2) ce qui accélere beaucoup la méthode de charger les pieces, & par conféquent leur exécution. L'expérience

(1) Telle eft la dénomination que les Phyficiens ont donnée à l'agent qui conftitue toute la force de la poudre, dont quelques-uns attribuent le grand effet à la dilatation fubite de l'air, & les autres à celles de l'eau qui s'y trouve renfermée.

(2) Les gargouffes font des petits facs de ferge dans lefquels on enferme non feulement la poudre mais encore le fabot de bois qui la fupporte, en forte que la charge eft parfaitement de calibre.

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qu'on n'a jamais ceffé de confulter dans les épreuves de Strasbourg, a fait découvrir que les nouvelles pieces exigeoient une charge moindre que celles des anciennes : elle a prouvé, que fur la piece de douze on gagnoit un neuvieme ; fur celle de huit, un fixieme; fur celle de quatre un quart, & cet avantage eftt d'autant plus grand, que la principale diminution tombe fur les petits calibres dont on fait un plus grand ufage.

Nous n'entrerons dans aucun détail, pour prouver combien les anciennes cartouches étoient mauvaises, & leur construction peu raisonnée; nous dirons feulement, que leur comparaifon avec les nouvelles, dans les épreuves qui ont été faites à Strasbourg, ont fait voir qu'on ne pouvoit trop fe preffer de les rejetter, pour adopter les dernieres, qui, à tous égards, ont la fupériorité fur les anciennes, puifque leurs balles n'ont point l'inconvénient de se mettre en éclats, ni de s'applatir & de fe pelotter, comme font les anciennes : mais qu'au contraire, elles ont une portée beaucoup plus grande que ces dernieres, & qu'elles ont encore l'avantage de ricocher, lorfque quelqu'une d'entr'elles touche terre avant d'arriver au but. Pour

donner une jufte idée de ce tire destructeur, qui devient à préfent des plus décififs, nous rapporterons un extrait des expériences qui ont été faites dans les épreuves de Strasbourg. » Les expériences les plus multipliées ont » prouvé que la groffe cartouche (1) avec la » piece de douze donnoit dans le front d'un » Escadron, à quatre cens toifes de distance » fept à huit balles par coup; qu'à trois cent cinquante toifes, elle en donnoit dix à » onze, & qu'à trois cens toises, cette même piece fervie avec la petite cartouche, donnoit » vingt-cinq balles dans le but; à deux cent » cinquante toises, trente-cinq; à deux cens » toifes, quarante. 2°. Que la piece de huit > donnoit dans le même front, à trois cent

(1) Il eft bon de favoir qu'il y a une groffe & une petite cartouche proportionnées aux calibres de quatre, huit, & douze. Que les balles de fer battu qui les compofent augmentent en groffeur proportionnellement au calibre. L'on feroit étonné fi l'on connoiffoit l'ordre ingénieux de leurs arrangemens; ce qui prouve que rien ne s'eft fait au hazard, ni par une aveugle routine, & que dans les objets les plus minutieux en apparence, on s'eft toujours guidé par des principes. La groffe cartouche eft deftinée aux longues portées, tandis que la petite compofée d'un plus grand nombre de mobiles, eft réservée pour les momens décisifs.

» cinquante toifes de diftance, huit à neuf » grosses balles par coups, qu'à trois cens » toises, elle en donnoit dix à onze, & qu'à » la même distance, elle donnoit avec la pe» tite cartouche, vingt-cinq balles, & à deux >> cent cinquante toises, jufqu'à quarante par

» coup.

» 3°. Que la groffe cartouche, dans les » pieces de quatre, donnoit dans le même but, à trois cens toifes, huit à neuf balles » par coup; & à deux cent cinquante toifes, » qu'elle en donnoit seize à dix-huit; qu'enfin » la même piece fervie avec la petite car>> touche, donnoit dans le même but, à deux » cens toises, vingt-une balles, par coup.

L'on obfervera que le peu d'écart que prend la cartouche par l'intelligence avec laquelle font difposées les balles, ainfi que par la facilité qu'elles ont de former des ricochets, prouve qu'on peut élever ou abaisser la culaffe des pieces, fans diminuer fenfiblement le produit du coup fur le but; que cet avantage eft d'autant plus confidérable, que, dans le tumulte du combat, on ne doit pas attendre du Soldat le même fang-froid & la même précifion que dans nos champs d'écoles. Il ne

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