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defirer que l'on n'emploie jamais de canon à des distances auffi éloignées, parce qu'il faut en imposer à l'Ennemi par des effets, & non par le bruit & la fumée. Mais, dira-t-on, fi l'Ennemi qui vous attaque, ou que vous projettez d'attaquer, tire à des distances plus éloignées, vous refterez donc en panne, & vous effuyerez tout fon feu, fans lui ripofter? Je répondrai à cela, que je dois peu m'inquiéter de quelques coups malheureux, que le hazard feul aura dirigés; puifque nous avons vu plus haut, qu'au delà de cinq cens toises, les objets font trop peu diftincts pour qu'on puiffe tirer avec jufteffe; que d'ailleurs fi je fuis attaqué, rien ne m'empêche de profiter de toutes les reffources que m'offre le terrain, pour masquer mon Artillerie & les Troupes qui la foutiennent; l'on peut même, à cet égard, rappeller ce que dit l'Auteur de l'Effai général de Tactique : » D'autres fois, dit-il (par>>lant des Troupes), elles fe mettront ventre à » terre, ayant en avant d'elles quelques hom» mes intelligens pour les avertir de ce qui se » paffe; elles ne regarderont pas, ainsi qu'on » l'a fait dans un fiecle de préjugés & d'igno>>rance, ces précautions déshonorantes. «<

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Chap. III,

Végece dit auffi, Liv. III, » que la fcience de la Guerre eft l'art de mé»nager la vie des hommes & de remporter la » victoire. «

Mais enfin, fuppofons qu'il faille marcher à l'Ennemi pour l'attaquer; l'Artillerie & les Troupes doivent profiter de tous les terrains. qui peuvent les couvrir & conduire à lui; déboucher & marcher rapidement, parce que cette impétuofité l'étonne, & fouvent le déconcerte. L'Artillerie arrivée à bonne portée, c'est-à-dire, à cinq cens ou quatre cent cinquante toises, l'attaque & bientôt lui en impose, parce que fes coups font plus certains & plus décififs. Il eft intéreffant de faire obferver à certaines gens (qui, faute d'avoir médité & réfléchi, toujours fubjugués par d'anciens préjugés, croient que des pieces plus longues, & d'un plus gros calibre, doivent en impofer à une Artillerie plus légere, & de moindre calibre) : il est bon, disje, d'obferver, d'après ce que nous avons dit fur les portées ; que les pieces longues n'ont aucun avantage à cet égard; car avec une piece, quel que foit fon calibre & fa longueur, on n'ajufte pas mieux qu'avec une courte, l'objet qu'on ne voit pas, ou qu'on voit mal. Mais les

pieces longues étant plus lourdes & moins mobiles, il eft certain que leur exécution fera auffi infiniment plus lente. L'on ne doit donc pas douter que du canon de quatre qui viendroit s'emplacer en avant de ces pieces, non par des mouvemens proceffionnels, comme cela se pratiquoit autrefois, avec des chevaux attelés en file, & faifant faire à chaque piece une converfion, qui offroit au tire de l'Artillerie ennemie quatre ou cinq toifes de front par piece; mais au contraire, lorfqu'allégé, plus mobile & attelé à la prolonge, on arrivera au galop, les pieces de front & efpacées telles qu'elles doivent être en bataille; c'est alors que l'on verra que le feu des pieces de quatre étant plus vif, par la facilité de la manoeuvre, elles en impoferoient à des pieces, fuffent-elles de vingt-quatre; parce qu'on donnera toujours trois ou quatre boulets contre un ; & qu'étant à bonne portée; ils feront également bien ajuftés & feront plus que fuffifans pour tuer des hommes, des chevaux & démonter des pieces (1).

(1) Il faut obferver qu'on peut arriver à fix

La maniere la plus avantageuse de disposer de l'Artillerie relativement à fon emplacement & à fon exécution, eft fans doute celle qui rend ses effets plus meurtriers & plus nuifibles à l'Ennemi. Il faut donc la difposer de maniere à foumettre le plus de Troupes qu'il fera posfible à fes coups, parce qu'alors le boulet ne ceffera de détruire, que quand il aura perdu fa force, & que, venant à manquer les premieres Troupes, celles qui font derriere, pourront en recevoir les derniers effets par le ricochet.

Ce n'eft que comme cela qu'il faut employer le ricochet dans la Guerre de Campagne ; car cette maniere de tirer le canon a été mal entendue dans les ouvrages de quelques Auteurs modernes. Le ricochet eft fans doute très-def

ou fept cens toifes de l'Ennemi, fans craindre beaucoup l'effet de fon Artillerie, parce qu'on eft éloigné & en mouvement; à cette diftance l'on mettra à la prolonge & plus près fi l'on trouve quelques abris; la plupart des Canonniers monteront fur les chevaux & prenant le galop, l'on arrivera à quatre cens toises; au commandement de halte, les chevaux feront demi-tour à droite & retourneront les pieces qui à l'inftant entreront en action. Je demande fi l'on peut manoeuvrer d'une manière plus active?

tructeur dans les fieges, pour brifer des affuts & chaffer l'Ennemi de fes défenses; c'eft là feulement que la stabilité des batteries deftinées à cet usage, permet tous les tâtonnemens néceffaires & indifpenfables, tant pour les diftances, l'élévation, la charge, & les angles de projection propres à lui faire produire fon plein effet. Mais dans la Guerre de Campagne, où les Troupes font en mouvement, où les portées & le terrain varient fans ceffe, que peut-on fe promettre du tire à ricochet, autrement employé que de la ma niere dont nous venons de parler, c'est-à-dire, le ricochet par où les coups dire&s terminent leurs effets?

La maniere la plus avantageufe de placer des batteries, lorfqu'on le peut, fans risquer de fe faire battre en rouage, c'eft de prendre l'Ennemi d'écharpe, lorsqu'il est déployé, & de tâcher d'en occuper les flancs, lorsque les Troupes en viennent au choc. Une obfervation que peu de perfonnes ont faite, ou au moins qui n'eft écrite nulle part, c'eft qu'il eft plus avantageux de tirer fur une colonne de front, que de flanc ou d'écharpe; En voici la raison, le coup de canon de flanc le mieux ajusté ne

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