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CHAPITRE I.

Compofition de l'Artillerie de Campagne. Proportions des Pieces; facilité qui en résulte tant pour les manœuvres à bras que pour l'aifance du charroi.

Extrait de l'Artillerie nouvelle.

IL eft d'autant plus intéressant pour les Militaires de prendre connoiffance de la composition de l'Artillerie de Campagne, & des principes fur lefquels eft fondé fon allégement, qu'ils pourront la comparer à ce qu'elle eft chez l'Impératrice Reine de Hongrie, & fur-tout chez le Roi de Pruffe: c'eft en conféquence de cet allégement, que M. de Gribeauval n'a pu fe difpenfer de faire des changemens dans l'Artillerie Françoise; mais avec tant de fageffe, qu'il a furpaffé les modeles qu'il a trouvés en Allemagne.

L'Artillerie de Campagne eft composée de pieces de quatre, de huit & de douze, des obufiers de fix pouces, des pontons, des

voitures de munitions & des autres attirails relatifs à fon fervice; le tout également allégé. Les pieces Pruffiennes n'ont que quatorze calibres (1) de longueur; les Autrichiennes feize, & les nôtres dix-huit. Nos pieces font donc plus longues de quatre calibres que celles des Pruffiens, & de deux que celles des Autrichiens.

Quant à leur poids, les pieces Pruffiennes n'ont que cent livres de matiere par livre de balle que porte chaque calibre; les pieces Autrichiennes environ cent vingt livres, & les nôtres cent cinquante; ce qui prouve que nos pieces font plus pefantes & plus folides que celles de ces Puiffances, quoiqu'elle foient prefque réduites à la moitié du poids qu'elles avoient ci-devant (2). Malgré cet allégement, l'expé

(1) On entend par calibre l'ouverture de la bouche de la piece.

(2) Il faut encore remarquer que les pieces Pruífiennes & Autrichiennes étant du calibre de trois, ces premieres ne péfent que trois cens livres, & les fecondes trois cens foixante; tandis que les nôtres, qui font du calibre de quatre, en pesent fix cens: ce qui prouve qu'elles ont à-peu-près moitié plus de matiere que celles de Pruffe, & peu-près un tiers de plus que celles de la Reine de Hongrie.

rience que les Pruffiens & les Autrichiens ont acquife pendant la guerre, prouve que leurs pieces réfiftent à deux & trois Campagnes, quoiqu'elles aient fervi au plus fort de l'action ; ce qui établit évidemment la folidité & la durée des nôtres, qui font, comme on vient de le voir, plus longues & plus pefantes. Le raccourciffement de nos pieces & la diminution de leur poids, quelques confidérables qu'ils aient pu paroître, n'empêchent pas qu'elles ne jouiffent des mêmes avantages que les anciennes, tant pour la portée que pour la jufteffe du tire; au moins peut-on affurer que la différence, s'il en existe, eft fi infenfible, qu'elle ne peut s'apprécier dans les affaires de Campagne, lorfqu'elles font tirées les unes & les autres avec leur charge de poudre, leurs boulets refpectifs, & qu'elles font pointées à la même élévation.

Les épreuves qui ont été faites à Strasbourg en présence de toute la Garnison, prouvent non feulement la folidité & la bonté de ces pieces, mais encore qu'il n'en eft aucune, même du calibre de quatre, qui n'ait au moins cinq cens toises de portée lorsqu'elle eft tirée fous l'angle de trois degrés; portée où l'œil peut à peine diriger les coups, pour pouvoir en obtenir une

grande jufteffe; mais où leur multiplicité inquiéteroit encore beaucoup l'Ennemi. Par ces expériences authentiques il a été bien démontré que les pieces de quatre, de huit & de douze, quoique réduites environ à la moitié de leur poids, portoient encore au delà de la distance qui peut fe concilier avec la jufteffe du tire, & que leur folidité étoit suffifante pour le fervice qu'elles auroient à remplir (1). La multitude des Officiers attentifs & ftudieux, que l'attachement aux anciens préjugés ne pouvoit fubjuguer, sentirent évidemment que quelque confidérable que fût l'allégement de notre Artillerie de Bataille, elle étoit encore plus pefante & plus folide que celle des Puiffances dont nous avons parlé.

Après avoir concilié la légèreté des pieces avec la folidité, on a porté les mêmes vues fur leurs affuts; & malgré les effieux de fer dont ils ont été garnis, ils se trouvent tellement allégés, que les pieces de quatre & leurs affuts ne pesent qu'environ treize quintaux ; tandis

(1) La piece de douze du nouveau modele, porte fous l'angle de fix degrés à huit cent quatre-vingt toises, & les calibres inférieurs à-peu-près de même.

que

que

les anciennes, également avec leurs affuts, en pesent à-peu-près vingt-un.

Il réfulte de la légèreté des pieces & de leurs affuts fi judicieusement combinée avec la folidité, que la piece de quatre roule avec la plus grande aifance dans toutes fortes de chemins avec quatre chevaux, & au besoin, avec trois. Il s'en est encore enfuivi la plus grande facilité dans les manœuvres à bras; en forte qu'avec huit hommes, au moyen de bretelles & de léviers placés aux ceintres & à la croffe, elle peut facilement changer de pofition, &, dans de beaux terrains, fuivre l'infanterie. Il en eft de même de la piece de huit, qui peut changer de pofition avec onze hommes, & rouler aisément avec quatre chevaux. La piece de douze attelée avec fix, peut marcher facilement ; & en bataille quinze hommes fuffifent pour la faire changer de pofition de proche en proche; ce qui ne pouvoit fe pratiquer avec les anciennes. pieces, fans le secours des huit chevaux qu'on employoit pour les traîner.

De la facilité de mouvoir ces pieces à bras d'homme, il résulte qu'on peut laiffer derriere des abris les chevaux deftinés à tirer ce canon; objet de la plus grande conféquence, à

B

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