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II.

CLASSE.

paffé dans ce lieu-là ne nous empêchât A N. 408. pas de faire ailleurs. Plaise à la mifericorde de Dieu de nous faire goûter la joye de vous voir dans le chemin du falut.

* Ecrite l'an 408.

C'étoit au paravant la 6. & celle qui étoit la 92. eft prefentement la

176,

CHAP. I.

LETTRE XCII. *

Saint Auguftin confole la veuve Italica fur la mort de fon mary, & refute l'imagination de ceux qui croyoient que Dieu pouvoit étre vû des yeux du corps. AUGUSTIN Evêque à fa tres-chere & tres-honorée fille en JEsus-CHRIST la tres-illuftre Dame ITALICA; a falut dans le même JESUS-CHRIST.

I.

2

•JE voy, & par vôtre lettre & par ce

que m'a dit celuy qui me l'arenduë, que vous fouhaitez fort que je vous écrive, & que vous croyez que mes lettres feroient capables de contribuer à vôtre confolation. C'eft à vous à juger du fruit que vous en retirerez; pour

a. ITALICA étoit une Dame Romaine veuve, qui avoit de grands biens en Affrique, & dont la pieté & le zele ne font pas feulement connues par cette Lettre & par la 99. mais par la 17 0. de faint Jean Chryfoftome, que ce Saint, peu de temps avant fa mort, luy écrivit de fon exil pour l'exhorter à combattre pour la caufe de Dieu, & à foûtenir les interêts de l'Eglife, en appaifant quelques troubles qui s'étoient excitez dans l'Eglife d'Orient.

moy je ne dois ny refufer, ny differer de vous fatisfaire.

II. CLASSE. AN. 408.

Rom. 5. S.

Ce qui vous doit confoler c'eft vôtre foy & vôtre esperance, & fur tout cette charité qui fait la fainteté des Fi delles, & que le faint Efprit répand dans leurs cœurs, felon la mefure qu'il luy plaît de nous en donner icy bas, com me un gage qui nous en doit faire defirer la plenitude. Car pouvez-vous vous regarder comme delaiffée & abandonnée, puifque vous poffedez Jefus-Christ par la foy, & qu'il habite dans vôtre cœur ? Vous ne devez pas non plus vous affliger comme les Gentils qui 1. Theff. 4. 5 n'ont point d'efperance, puifque nous avons une ferme confiance appuyée fur le fondement inebranlable des promef fes de Dieu, que de cette vie nous pafferons à une autre, où nous retrouverons ceux qui en fortant de celle-cy, nous ont dévancez plûtôt qu'ils ne nous ont quit tez; où nous les aimerons fans aucune crainte de les perdre; & où ils nous feront d'autant plus chers qu'ils nous feront plus intimement & plus parfaitement connus.

2. Car pendant que vous poffediez icy bas le mary que vous pleurez, quelque connu qu'il vous fût, il l'étoit encore davantage à luy-même, quoique vous viffiez

13.

Cequi doit faire la confolation des

Chrétiens
dans la perte
de leurs

amis,
de leurs pro-

ches.

II. CLASSE:

A N. 408.

Les cœurs

des Saints dans le Ciel connus les

uns aux autres.

fon vifage qu'il ne voyoit point, parce que c'eft le dedans qu'il faudroit voir pour

cœurs,

connoître veritablement les hommes. Et ce dedans de chacun n'eft bien connu 1. Cor. 4 s. qu'à luy-même, car qui connoît ce qui eft dans l'homme finon l'efprit même de l'homme qui eft en luy?mais lorfque le Seigneur sera venu, & qu'il aura tiré au grand jour ce qui eft caché dans les tenebres & découvert les plus fecretes penfées des il n'y aura plus rien de caché pour nous dans notre prochain chacun n'aura plus rien qu'il referve pour fes amis, & qu'il cache aux étrangers; parce que chacun ne trouvera là que des amis, & plus d'étrangers. Mais cette lumiere même qui nous découvrira tout ce qui eft prefentement caché dans les cœurs, qui pourroit en comprendre l'éclat, la beauté & l'étenduë, bien loin de la pouvoir Joan. x. s. expliquer? Car elle n'eft autre chose Dieu-même, puifqu'il eft écrit que Dieu eft lumiere, & qu'il n'y a point de tenebres en luy, mais cette lumiere n'est vifible qu'aux ames, & aux ames pures, non pas aux yeux du corps. Nos ames feront donc alors capables de voir cette l'autre vie. lumiere ineffable, quoiqu'elles en foient incapables prefentement.

Dieu vifi

ble dans

Dieu invi

que

&

13. Mais pour les yeux du corps ils n'en

feront non plus capables dans le Ciel que

II. CLASSE.

pourquoy.

Nature des chofes

1. Thim. 6.

fur la terre, puifqu'ils ne font capables AN. 408. de voir que ce qui occupe quelque efpa- fible aux ce, & qui par confequent n'est pas tout yeux du entier dans chaque partie de l'efpace qu'il corps, & remplit, mais par parties proportionnées à chaque partie de cet efpace, en forte que les petites parties en occupent une moindre, & les plus grandes une plus corporelles. grande. Or il n'en eft pas ainfi du Dieu invifible & incorruptible que nous adorons, qui feul poffede l'immortalité & habite une lumiere inaccesible;& que nul homme 16. wavû ny ne sçauroit voir, c'est à dire de ces yeux dont nous voyons les chofes corporelles. Car du refte fi Dieu étoit invifible & inacceffible aux ames faintes, l'Ecriture ne diroit pas, approchez-vous de Pfal. 33. 6. luy afin d'en étre éclairez,& ailleurs,nous le 1.foan.3.2. verrons tel qu'il eft. Confiderez,je vous prie,toute la fuite de l'endroit de l'Epî- Ibidem. tre de faint Jean d'où ce paffage eft tiré. Mes chers enfans, dit ce faint Apôtre, nous fommes dés à prefent enfans de Dieu, mais on ne voit pas encore ce que nous ferons un jour; car nous fçavons que quand il paroiftra nous ferons femblables à luy, parque nous le verrons tel qu'il eft. Nous NE le verrons donc qu'autant que nous ferons semblables à luy, comme nous le

II.

CLASSE.

AN. 408.

voyons

d'autant moins icy bas,que nous fommes plus éloignez de cette divine reffemblance. Ce fera donc par ce que nous aurons de semblable à luy que nous le verrons. Or qui pourroit étre affez extravagant pour pretendre que c'eft par le corps que nous fommes ou que nous devons un jour étre femblables à Dieu! Cette reflemblance est toute dans l'homnous verrons me interieur, qui devient capable de conoître Dieu en fe renouvellant de jour en jour felon l'image de celuy qui l'a creć.

Par où

Dieu.

Coll. 3. 10.

Par où

nous devenons fembla. bles à Dieu.

Ainfi NOUS DEVENONS d'autant plus femblables à Dieu que nous avançons davantage dans fa connoiffance & dans fon amour. Car encore que nôtre homme exterieur fe détruife, l'interieur fe renouvelle de jour en jour, fans que nous puiffions neanmoins, quelque progrez que nous faffions dans ce renouvellement, arriver icy bas à cette parfaite reffemblance qui nous peut rendre capables de voir Dieu face à face, comme dit l'Apôtre. Mais il faut bien fe donner garde d'entendre ce mot de faint Paul du vifage corporel; autrement il s'enfuivroit que Dieu en auroit un comme le nôtre, & que 1. Cor. 13. quand nous le verrons face à face, il y auroit une certaine distance entre luy & nous. Car qui dit distance dit terme, &

2. Cor. 4.

16.

12.

cela

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