Imágenes de páginas
PDF
EPUB

II. CLASSE.

A N. 404.

étoit retiré à

tre pas affeuré de ce que feront les autres à l'avenir, fi nous l'étions de ce que nous ferons nous mêmes: car chacun sçait à peu près ce qu'il eft dans le moment ; mais qui peut fçavoir ce qu'il doit étre dans la fuite?

7. A propros de cette connoiffance de ce qu'on eft, & de ce qu'on doit étre, je voudrois bien fçavoir fi vous croyez qu'elle foit dans les faints Anges, & fi elle étoit dans les demons avant leur cheute. Car je ne voy pas comment ils auroient pû étre heureux, fi le peché qu'ils devoient commettre, & le fupplice éternel dont il devoit étre fuivi leur euffent été connus : dites moy donc, je vous prie, ce que vous en penfez, fi toutefois c'est une chofe qu'on doive defirer de fçavoir.

Je m'aperçoy dans ce moment ce que c'est que d'étre éloigné de vous de toute cette grande étendue de terre & de mer *S. Jerome qui nous feparent *; & quelle difference Bethlehem. il y a d'écrire, ou de pouvoir parler. Si c'étoit moy qui vous parlaffe, lorfque cette lettre vous parlera, vous me répondriez dans le moment fur ce que je vous demande, & au lieu de cela quand me ferez vous réponse ? Quand l'envoyerez vous? Quand arrivera-t'elle ?

II. CLASSE.

Quand la recevray-je ? Encore fera-ce beaucoup qu'elle vienne tôt ou tard, cet- A N. 404. te réponse dont tout ce que je puis avoir de patience ne me fçauroit faire porter le retardement qu'avec beaucoup de peine. Ainfi je reviens toujours à ces paroles de vôtre lettre fi pleines de douceur, & qui expriment fi bien les faints defirs de vôtre cœur, & je dis auffi à mon tour : Quand feray-je affez heureux« pour vous embraffer & pour me voir en « état de conferer avec vous, afin que nous pûffions apprendre quelque chofe l'un de « l'autre,fi toutefois il eft poffible que vous " appreniez quelque chofe de moy?

8. Je ne fuis pas peu confolé lorfque je redis ces paroles, qui font prefentement les miennes auffi bien que les vôtres, & que je penfe au defir reciproque que nous aurions de nous voir, quoy qu'il demeure un defir, & qu'il n'aille pas jufqu'à l'effet. Mais cette pensée réveille en même temps l'extrême douleur que j'ay qu'aprés que vous avez été avec Ruffin dans l'état où nous fouhaiterions d'étre, aprés vous étre nourris enfemble durant fi long-temps du miel des faintes Ecritures on vous voye prefentement pleins de fiel l'un pour l'autre, & dans une fi funefte divifion.

[ocr errors]

I I. CLASSE.

A N. 404.

Car qui ne craindra aprés cela qu'il ne luy en arrive autant? En quel temps, en quel lieu peut-on étre à couvert de. ce mal-heur, puifqu'il a pû vous arriver dans la maturité de vôtre âge, dans le temps qu'ayant déja renoncé depuis plufieurs années à tous les empêchemens du fiecle, vous fuiviez le Seigneur dans un entier degagement de cœur, & que vous vous nourriffiez de fa parole; & dans cette bien-heureufe terre où le Seigneur Ioan.14.27 a vêcu, & où il a dit à fes Difciples, je vous donne ma paix, je vous la laiffe en Iob. 7.1. partage? O qu'il eft vray que toute la vie de l'homme fur la terre n'eft que tentation!

Si je pouvois vous trouver quelque part l'un avec l'autre, je me jetterois à vos pieds, dans le transport de ma douleur & de ma crainte; je les arroferois de mes larmes ; & avec tout ce que j'ay de tendreffe & de charité pour vous, je vous conjurerois, & par ce que chacun de vous fe doit à luy-même, & par ce que vous vous devez l'un à l'autre, & 1.Cor.8.11. que vous devez à tous les fidelles, & particulierement aux foibles pour qui Jefus-Chrift eft mort, & à qui vous donnez fur le theatre de cette vie un spectacle fi terrible & fi pernicieux, de ne point répandre l'un contre l'autre des

par ce

[ocr errors]

écrits que vous ne pourrez plus fupprimer, & qui par cela feul feront un obftacle éternel à vôtre réunion, ou au moins comme un levain à quoy vous n'oferiez toucher quand vous feriez reunis *, & qui feroit capable à la moindre occafion de vous aigrir tout de nouveau, & de vous remettre en guerre l'un contre l'autre.

9. Je vous avoue franchement que c'est particulierement cet exemple qui m'a fait fremir en lifant quelques endroits de vôtre lettre où il paroît de l'émotion; & ce n'eft pas tant celuy d'Entellus, ny de ce vieux bauf qui pour étre las n'en marche que plus ferme, car il m'a paru qu'il y avoit dans ceux-là plus de jeu que de menaces ferieufes; mais c'eft l'endroit dont j'ay déja parlé, & fur quoy je me fuis peut-être trop étendu, quoique je n'en aye pas trop dit felon mes craintes, & où vous dites & fort ferieufement, à ce qu'il paroît, que fi vous me repondez je pourray bien me trouver bleffé de vos réponfes. Conferons, à la bonne heure, & traitons entre nous des chofes qui puiffent fervir à nourrir nos efprits, fi cela fe peut faire fans amertume de part & d'autre. Mais fi nous ne pouvons nous entr'avertir de ce que nous

[ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

IL

CLASSE

AN. 404

1.Cor. 8. 1.

trouverons à corriger dans les écrits l'un de l'autre, fans que cela altere l'amitié & que nous ne foyons fufpects l'un à l'autre de malignité & de jaloufie, laiffons là nos differtations; & paffons nous de ce que nous ne fçaurions faire qu'au depens de nôtre confcience, & du falut de nos ames. IL VAUT mieux faire moins de progrez du côté de ce qui enfle, & ne point bleffer ce qui édifie. Je fçay qu'il s'en faut bien que je ne fois cet homme parfait, qui ne peche point en paroles, dont parle l'Apôtre faint Jacques. Mais j'ay cette confiance en la miDouceur & fericorde de Dieu, que je n'auray pas de S. Auguftin peine à vous demander pardon,si je vous ay bleffé en quelque chofe; & vous me le devez dire, afin que fi je vous écoute vous ayez gagné vôtre frere. Car quoique l'éloignement qui nous fepare ne yous permette pas de me reprendre entre vous & moy, il ne vous est pas permis pour cela de me laiffer dans l'erreur.

Iac. 3. 2.

bumilité de

Mat.18.15.

Du refte s'il arrive que des raifons qui me paroîtront fortes, ou quelque authorité confiderable, ou même l'évidence de la verité me faffent entrer dans quelfentiment contraire aux vôtres, fur les chofes que nous effayons d'entendre & de penetrer; je tâcheray de l'établir

que

"

« AnteriorContinuar »