Nous nous en plaignons tous;mais chacun l'auto rife; On veut être eftimé de ceux que l'on méprise. Ce n'eft point pour autrui,c'eft pour moique je vis. Vous apprendrez bientôt quels travers font les vô tres; Ceux qui cherchent les moins à vivre pour les au tres Sont prefque toujours ceux qu'on y force le plus : Il mafque les vieilles querelles, II prête un air fincere aux amitiés nouvelles L'amour même lui doit fon plus beau coloris ; Etfousun froid maintien cachant les tendres flâmes, Il tient lieu de fageffe aux femmes, Et d'indifférence aux maris. JULIE. Cet art m'eft étranger: je ne fuis occupée DAMIS. Ce n'est point fauffeté que de fçavoir se taire ; En vain je me démonte, en vain je m'en offense, JULIE. Eh mais j'en fais l'aveu ! j'ignorois, je vous jure, Je n'imagine point,mon amour propre à part, Dans les cercles étroits de quelque fphere obscure La faifon des plaifirs & l'âge des regrets, Au contraire, à mes yeux vous êtes rajeunie: Mais moi, puis-je empêcher qu'on ne vous ca Iomnie? JULIE. Plus je fuis indulgente & plus vous êtes fat. DAMIS: Nous avons toujours eu l'efprit de notre état : Quand on faifit ce point, on eft ce qu'on doit être Ainfi reftons-en là. JULIE Malgré tous mes défauts Et tout votre mérite, on vous fera connoître Que vous n'êtes pas fans rivaux. DAMIS. Je le crois: mais fouvent la plus aimable femme N'a pour fonder fes droits que des prétentions, Et prenant des égards pour des tranfports de l'ame, Croit voir dans tous les yeux des déclarations. JULIE en lui donnant un billet. Je confensd'être au rang des ces femmes crédules, Et ce billet fait foi de tous mes ridicules. Voyons. Il lit le billet haut. DAMIS. BILLET. L'incertitude eft affreuse en amour,. J'en veux fortir, fut-ce à mon préjudice, ,, Et j'obtiendrai ma grace avant la fin du jour, Ou l'on prononcera l'arrêt de mon fupplice. DAMIS. Je vous laiffe jouir de ma confufion, Qu SCENE IV. JULIE. Il fort. U'il eft impertinent: impoli par fyflême, Il croiroit fe manquer en paroiffant jaloux : Ainfi que fon orgueil,mon malheur eft extrême. Quelle fatalité! J'eus d'abord pour époux Un fot qui m'adoroit en dépit de moi-même Et non moins à plaindre aujourd'hui, J'ai pour amant un fat que j'aime malgré lui; Mais non, cette foibleffe avilit trop mon ame: L'amourpropre eft bleffé, tout me devient permis. Lindor me déclare fa flâme, Qu'il me ferve à punir ou corriger Damis. SCENE V. JULIE, ROSALIE. ROSALIE. MA tante, l'on m'apprend que Damis eft ici, Je croyois que Lindor devoit venir aussi, J'en conviens; mais il eft rarement amusant Et ne parlant jamais que lorfqu'on l'interroge, propre embarras. ROSALIE. A dire fon avis Damis eft moins timide. JULIE. Avec trop peu d'égards il eft vrai qu'il décide; Il foutient les récits par fa légereté, Donnant un air de nouveauté, Il excite du moins la curiofité, Et par un étude profonde De tous les riens charmans qui gouvernent le monde, Il a fait un talent de la frivolité. ROSALIE. Lindor, je l'avoue, un autre caractere; Peut-être vous croyez qu'il afpire à vous plaire ! Mais apprenez, ma chere niece, Que l'homme le plus fur en fait de probité' Nous trompe fans fcrupule en parlant de tendreffe, Et qu'en un mot, auprés d'une jeune beauté, L'ufage a de tout tems prefcrit la fauffeté Comme un devoir de politeffe. S SCENE V I. ROSALI E. Ur l'amour de Lindor a-t'elle des foupçons ? Et s'oppoferoit-elle au bonheur où j'aspire ? Mais profitons de fes leçons ; Lindor à ceffé de m'écrire ; Peut-être qu'il trahit fes fermens & mon cœur ; Eft-ce à moi de nommer l'amour & le bonheur? |