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Nous nous en plaignons tous;mais chacun l'auto

rife;

On veut être eftimé de ceux que l'on méprise.
JULIE.

Ce n'eft point pour autrui,c'eft pour moique je vis.
DAMIS.

Vous apprendrez bientôt quels travers font les vô

tres;

Ceux qui cherchent les moins à vivre pour les au

tres

Sont prefque toujours ceux qu'on y force le plus :
Sur quelques faits que votre erreur fe fonde,
L'art de diffimuler eft le reffort du monde,
Et l'équivalent des vertus.

Il mafque les vieilles querelles,

II prête un air fincere aux amitiés nouvelles L'amour même lui doit fon plus beau coloris ; Etfousun froid maintien cachant les tendres flâmes, Il tient lieu de fageffe aux femmes,

Et d'indifférence aux maris.

JULIE.

Cet art m'eft étranger: je ne fuis occupée
Loin de vouloir tromper, qu'à n'être point trompée
Jufte ou non, mal ou bien, je pense à découvert.
Vous-même m'avez dit que toujours difficile
La fauffleté fouvent n'eft qu'un vice inutile
Dont la premiere dupe eft celle qui s'en fert

DAMIS.

Ce n'est point fauffeté que de fçavoir se taire ;
Et vous-même d'ailleurs êtes-vous fort fincere ?
On vous refufe net cette qualité-la.

En vain je me démonte, en vain je m'en offense,
En vain de tous côtez je prends votre défense,
On veut que vous ayez trente ans, & par de là.

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JULIE.

Eh mais j'en fais l'aveu ! j'ignorois, je vous jure,
Que l'on dût à trente ans employer l'imposture
Et qu'à cet âge il fut trop tard
Pour laiffer parler sa figure.

Je n'imagine point,mon amour propre à part,
Arriver au moment où brillant à l'écart

Dans les cercles étroits de quelque fphere obscure
L'amour que l'on infpire eit un effort de l'art
Et celui que l'on prend, un tort de la nature :
Elle n'a point placé si prés

La faifon des plaifirs & l'âge des regrets,
Pourquoi de votre ennui la rendre responsable
Si vous m'aimiez encor, j'aurois affez d'attraits,
Si je vous aimois moins, je ferois plus aimable,
Ce font vos fentimens qui vieilliffent mes traits.
DAMIS.

Au contraire, à mes yeux vous êtes rajeunie: Mais moi, puis-je empêcher qu'on ne vous ca

Iomnie?

JULIE.

Plus je fuis indulgente & plus vous êtes fat.

DAMIS:

Nous avons toujours eu l'efprit de notre état : Quand on faifit ce point, on eft ce qu'on doit être Ainfi reftons-en là.

JULIE

Malgré tous mes défauts Et tout votre mérite, on vous fera connoître Que vous n'êtes pas fans rivaux. DAMIS.

Je le crois: mais fouvent la plus aimable femme N'a pour fonder fes droits que des prétentions, Et prenant des égards pour des tranfports de l'ame, Croit voir dans tous les yeux des déclarations.

JULIE en lui donnant un billet.

Je confensd'être au rang des ces femmes crédules, Et ce billet fait foi de tous mes ridicules.

Voyons.

Il lit le billet haut.

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DAMIS.

BILLET.

L'incertitude eft affreuse en amour,. J'en veux fortir, fut-ce à mon préjudice, ,, Et j'obtiendrai ma grace avant la fin du jour, Ou l'on prononcera l'arrêt de mon fupplice. DAMIS.

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Je vous laiffe jouir de ma confufion,
Et vous pouvez compter fur ma difcrétion.

Qu

SCENE IV.

JULIE.

Il fort.

U'il eft impertinent: impoli par fyflême, Il croiroit fe manquer en paroiffant jaloux : Ainfi que fon orgueil,mon malheur eft extrême. Quelle fatalité! J'eus d'abord pour époux Un fot qui m'adoroit en dépit de moi-même

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Et non moins à plaindre aujourd'hui, J'ai pour amant un fat que j'aime malgré lui; Mais non, cette foibleffe avilit trop mon ame: L'amourpropre eft bleffé, tout me devient permis. Lindor me déclare fa flâme,

Qu'il me ferve à punir ou corriger Damis.
En ce cas il eft bon d'observer Rofalie,
Et d'arrêter le cours de fes prétentions;
J'ai cru la deviner en vingt occafions,
Son attente aujourd'hui pourroit être trahie.

SCENE V.

JULIE, ROSALIE.

ROSALIE.

MA tante, l'on m'apprend que Damis eft ici,

Je croyois que Lindor devoit venir aussi,
Il faut du monde à la campagne,
Vous fçavez que Lindor eft doux & complaifant,
JULIE.

J'en conviens; mais il eft rarement amusant
Trop de contrainte l'accompagne,
Il pese tous les mots, mefure tous fes pas,
Rougit quand on fait fon éloge,

Et ne parlant jamais que lorfqu'on l'interroge,
Embariaffe toujours par fon

propre embarras.

ROSALIE.

A dire fon avis Damis eft moins timide.

JULIE.

Avec trop peu d'égards il eft vrai qu'il décide;
Cependant il eft né pour la fociété,
Héros de vingt maifons en histoires fertiles,
Il fçait les rendre avec gaieté ;

Il foutient les récits par fa légereté,
Aux chofes les plus inutiles

Donnant un air de nouveauté,

Il excite du moins la curiofité,

Et par un étude profonde

De tous les riens charmans qui gouvernent le

monde,

Il a fait un talent de la frivolité.

ROSALIE.

Lindor, je l'avoue, un autre caractere;
Mais feroit-ce un défaut que la timidité ?
JULIE.

Peut-être vous croyez qu'il afpire à vous plaire !
Son mérite eft fondé fur votre vanité:

Mais apprenez, ma chere niece, Que l'homme le plus fur en fait de probité' Nous trompe fans fcrupule en parlant de tendreffe, Et qu'en un mot, auprés d'une jeune beauté, L'ufage a de tout tems prefcrit la fauffeté Comme un devoir de politeffe.

S

SCENE V I.

ROSALI E.

Ur l'amour de Lindor a-t'elle des foupçons ? Et s'oppoferoit-elle au bonheur où j'aspire ? Mais profitons de fes leçons ;

Lindor à ceffé de m'écrire ;

Peut-être qu'il trahit fes fermens & mon cœur ;

Eft-ce à moi de nommer l'amour & le bonheur?

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