SCENE VII
ROSALIE, DA MI S.
E viens vous faire part d'une chofe importan
Mais non je me tairai; mon zele vous déplaît.
La curiofité me tient lieu d'intérêt.
Eh bien du fecond rang fi vous êtes contente, C'est aujourd'hui votre pofition;
Vous n'allez qu'aprés votre tante
Elle eft votre Rivale & j'en fuis caution: Lindor adroitement vous trompe l'une & l'autres Mais il n'a pû tromper ma pénétration, Je fuis même furpris qu'il échappe à la vôtre. ROSALIE.
Pour tenir ce langage, avez-vous oublié Que je ne crois jamais aux noirceurs qu'on publie Que les liens du fang m'attachent à Julie, Et que vous lui tenez par ceux de l'amitié. DAMIS.
Que parlez-vous d'amis, de parens, je vous prie Des parens ne font bons, où je me trompe fort, Qu'à figurer dans une galerie ;
Quand on hérite d'eux, ils ceffent d'avoir tort, Et l'amitié n'eft qu'une duperie.
Je fçais vos préjugez. A préfent, je parie Que vous devinifez le trifte fentiment,
Que vous ferez conftante aveuglément, Et vous ferez honneur de l'être.
Lindor, je l'avoue, un autre caractere; Mais feroit-ce un défaut que la timidité ? JULIE.
Peut-être vous croyez qu'il afpire à vous plaire ! Son mérite eft fondé fur votre vanité:
Mais apprenez, ma chere niece, Que l'homme le plus fur en fait de probité' Nous trompe fans fcrupule en parlant de tendreffe, Et qu'en un mot,auprés d'une jeune beauté, L'ufage a de tout tems prefcrit la fauffeté Comme un devoir de politeffe.
Ur l'amour de Lindor a-t'elle des foupçons? Et s'oppoferoit-elle au bonheur où j'aspire? Mais profitons de fes leçons ;
Lindor à ceffé de m'écrire ;
Peut-être qu'il trahit fes fermens & mon cœur ; Eft-ce à moi de nommer l'amour & le bonheur?
SCENE VII ROSALIE, DA MI S.
E viens vous faire part d'une chofe importan
Mais non je me tairai; mon zele vous déplaît.
La curiofité me tient lieu d'intérêt.
Eh bien du fecond rang fi vous êtes contente, C'est aujourd'hui votre pofition; Vous n'allez qu'aprés votre tante,
Elle eft votre Rivale & j'en fuis caution: Lindor adroitement vous trompe l'une & l'autres Mais il n'a pû tromper ma pénétration, Je fuis même furpris qu'il échappe à la vôtre. ROSALIE.
Pour tenir ce langage, avez-vous oublié Que je ne crois jamais aux noirceurs qu'on publie Que les liens du sang m'attachent à Julie, Et que vous lui tenez par ceux de l'amitié. DAMIS.
Que parlez-vous d'amis, de parens, je vous prie, Des parens ne font bons, ou je me trompe fort, Qu'à figurer dans une galerie;
Quand on hérite d'eux, ils ceffent d'avoir tort, Et l'amitié n'eft qu'une duperie.
Je fçais vos préjugez. A préfent, je parie Que vous devinifez le trifte fentiment,
Que vous ferez conftante aveuglément, Et yous ferez honneur de l'être.
Oui, fi jamais mon cœur prend un engagement, C'eft un tort que j'aurai, Monfieur certainement. DAMIS.
Mais dans ce fiécle-ci vous ne deviez pas naître, Ce n'eft point là du tout le fyftême du jour.
Vous prenez l'ennui pour l'amour,
Et tandis qu'à duper tout le monde s'occupe, Vous vous glorifiez de vouloir être dupe. De la mode & tu tems fachez mieux profiter, Ce n'eft qu'aux cœurs ufés qu'on permet la conflance, Ce ridicule affeuxa pensé perdre Hortense. Tout dépend de bien débuter.
Par les plus brillantes peintures Il faut commencer le Roman Fixer l'attention, courir rapidement D'avantures en avantures,
Augmenter l'intérêt de moment en moment Enfuite le filer un peu plus lentement, De l'amour par degrés diminuer les aîles, Et quand on croit en être à fon dernier amant, On peut crier alors contre les infidéles, Et finir par le fentiment, ROSALIE.
Ce fyftême, je crois, réuffit rarement, Et les coquettes furannées
Paffent la fin de leurs années
A rougir du commencement.
En perdant la beauté,c'eft en vain qu'une femme, Dont la conftance eft le dernier parti, Cherche à fixer fes vœux, à rajeunir fon ame, Elle n'infpire plus ce qu'elle a trop fenti. Si d'un tas de rivaux, loin d'être la victime, Son cœur d'un tendre amant avoit été le prix,
L'amour la laifferoit dans les bras de l'eftime, Mais le caprice ufé l'abandonne au mépris. DAMIS
Mais vous n'avez fur tout que de fauffes idées, Le mépris n'est qu'un mot, loin d'être dégradées Par le nombre des faits & des évenemens, Pour vous apprétier on compte vos amans. Tant de fimplicité m'étonne,
A peine vos attraits font-ils dans leur printems.
Mais votre efprit est biens dans fon automnë.
Il faut le rajeunir, il en eft encor tems, Vous allez débuter fur la fcene du monde, Chaque rôle y demande une étude profonde, Mais le vôtre furtout un jeu particulier. Apprenez vos devoirs ; du froid jargon des mines, De mots à double fens, & d'allufions fines Se faire un ftyle fingulier;
Une foule d'amans, qui, trompés l'un par l'autre, Vous engagent leur coeur, fans engager le vôtre; Ne louffrir qu'aucun d'eux vous quitte le premier; D'un air libre & riant, tout dire & tout entendre ; Où l'on promet d'aller toujours fe faire attendre ; Arriver en peftant contre quelqu'importun; Faire fur fa parure un légere excufe; Commencer vingtpropos & n'en finir aucun ; Où l'on périt d'ennui jurer que l'on s'amuse; Refufer de l'efprit à toutes les beautés ; Ufer tout, épuifer trente fociétés, En un mot être folle & fe croire jolie, Voilà ce qu'on appelle une femme accomplie. ROSALIE.
Je croyois qu'il falloit pour mériter ce nom Une célebrité fur l'eftime établie,
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