Imágenes de páginas
PDF
EPUB

E

SCENE X.

DAMIS, LINDO R.

DAMIS.

H bon jour, Chevalier, quoi déja de retour!
Je te croyois pour un mois à la Cour.
LINDOR.

Moi? Je n'y vais jamais que pour affaire.
Les plus grands noms à peine en foutiennent l'éclat
N'étant point obligé d'y vivre par état,
Je n'y pourrois jouer qu'un rôle d'inutile,
Et de tous, felon moi, c'est le plus difficile,
Il faut fçavoir donner & prendre de l'ennui;
Je m'y trouve d'ailleurs d'un embarras extrême ;
Je n'ai point le talent de démasquer autrui,

Encore moins l'art de me mafquer moi-même; Que ferois-je à la Cour?

DAMIS.

Tu ferois en deux mots La dupe des méchants, & le martyr des fots.

Auffi j'y refte peu.

LINDOR

DAMIS.

J'approuve ce fyftême,"

Máis, mon cher Chevalier, l'on eft dupe par tout
A parer ce malheur vainement on s'applique,
Le courtifan l'eft de fa politique,
L'ami de fa franchife, & l'amant de fon goût.
Tu pourrois là-deffus confulter Rofalie.

LINDOR.

Quel rapport, s'il vous plaît, a-t-elle à tout ceci ?
DAMIS

Non content d'être dupe, es-tu difcret auffi?
Ta fageffe, ma foi, va droit à la folie.
Ce que j'aime beaucoup de ta discretion,
C'est que pour Rofalie elle eft en pure perte;
Abandonne, crois-moi, fa réputation

Au fentiment Public. Quoi ! Je te déconcerte!
LINDOR.

Mais encor, que dit-on ?

DAMIS.

Oh ! rien de positif,
On prétend qu'elle eft fauffe avec un air naïf,
Comme avec un air fin l'on te croit fort crédule;
On dit que d'amours en amours

Depuis affez long-tems fa tendreffe circule,
Et qu'elle t'a choifi pour en borner le cours ;
On l'honore d'un vice & toi d'un ridicule.
LINDOR.

C'est ainfi qu'au hazard on décide toujours,
Le babil, éternel nouvelifte du blâme,

Dit tout,

ne prouve rien, condamne fans témoins, Et mille échos bruyans, dés qu'on nomme une fem

me,

Vous détaillent le plus ce qu'ils fçavent le moins.

DAMIS.

Soupçonner un femme eft rifquer peu

de chofe, On peut alors parier cent contre un,

En fait d'amour la plus fimple en impose,

Le jeu des paffions eft leur talent commun.
LIN DOR,

Il en eft, j'en conviens, qui tendres par étude,
Coquettes par ennui, faufles par habitude,

Nous trompent par befoin; mais lommes-nous moins

faux ?

Les femmes de nos torts empruntent leurs défauts

Et leurs vertus font rarement les nôtres ; D'ailleurs ne jugeons point des unes par les autres: Toutes n'ont pas les mêmes agrémens.

Et toutes ne font pas de ces femmes citées
Prefque à tous les portraits des modernes romans,
Qui toujours fans amour & jamais fans amans
Peut-être rougiroient d'être plus refpectées.
DAMIS.

Leur façon de penser à son utilité,

[ocr errors]

Le devoir d'une femme eft de fçavoir nous plaire, Et le fond de fon caractere.

Doit être la frivolité.

Que m'importent les torts, pourvû qu'elle m'amuse,
Ils font tous au profit de la fociété.

Il n'eft point de travers que le plaifir n'excufe,
Et tes femmes de bien, dans leur trifte maison
Font vou de s'ennuyer vis à vis la raison.

LINDOR.

Pour un goût paflager que tout cela décide
Soit. Mais fi vous cherchiez un bonheur plus folide,
Quel feroit votre choix ?

DAMIS.

Veux tu parler d'Hymen

Ceci mérite un plus grand examen;

Comme ce n'eft jamais pour foi qu'on se marie..... LINDOR.

Si vous ramenez tout à la plaisanterie

Je me tais.

DAMIS.

En un mot, fur un frivole espoir

Jamais je ne prendrois ma Maîtreffe pour femme:

Prefque tous les objets d'une fi belle flammę
Nous vendent le matin le repentir du foir.
D'ailleurs parmi les gens aimables,

Rien n'eft plus décrié que les hauts fentimens.
Que dire aux femmes eftimables ?
Que faire des époux amans?

On les reçoit avec des complimens,
On les conduit avec cérémonie

Et l'on ne va chez eux qu'aux grands événemens;
Ils font, comme tu vois, trés-bonne compagnie.
LINDOR.

Ce terme prodigué ne m'en impofe plus,
La maison où l'on regne eft la feule qui plaife:
En définiffant bien ce titre ou fon abus,
La bonne compagnie eft fouvent la mauvaise,
Renoncer à l'eftime & prétendre à l'efprit,
Etre fat & méchant, c'eft ici l'étiquette;
Là, par la dignité l'agrément eft profcrit;
On refpecte toujours & jamais on ne rit:
Ailleurs à chaque mot il faut un interprête :
Dans un autre fociété

C'eft aux depens des moeurs que regne la gayeté ;
Il n'eft rien qu'on n'admette où qu'on ne puiffe ex-

clure;

La multitude enfin, pour fixer le bon ton,
Juge des hommes par le nom,
Et des femmes par la figure.
DAMIS.

On ne t'a pas donné de juftes notions;
Tu prends pour les refforts les décorations;
Je veux te voir un jour avec ce beau fyftême,
Las de ta Pénélope, encor plus de toi-même
Trouver ton châtiment dans les plaifirs d'autrui,
Et vidime de la conftance,

[ocr errors]

Ne plus fentir ton existence

Que par les regrets & l'ennui.

Je te laiffe y penfer. Excufe ma franchise,
Tu fçais que je fuis neutre en cette affaire-ci,
C'est pour ton intérêt que je te parle ainfi;
Souviens-toi que l'amour fujet à la surprise
A l'éclat d'un beau jour tout-à-coup obfcurci,
Et que l'efprit fouvent confeille une fottife.

U

SCENE X I

LINDO R.

N tel difcours part-il d'un zéle officieux à Non la tracafferie eft fon vrai caractere. Il prend de l'amitié le voile fpécieux; Mais il ne la connoît que pour la trahir mieux; La plus fimple vertu dans fon-ame s'altere : Comment le punirai-je en devenant heureux ? Je vais trouver Julie, & fans plus de mystére La prier de m'unir à l'objet de mes feux,

B

« AnteriorContinuar »