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Normandie au Duc de Longueville au lieu de celui de Picardie, alors ile ne s'embarrassera plus que le Marê-« chal d'Ancre commande dans Amiens.c Il est même de l'interêt du Marêchal,« que tout le monde fçache que fa con-ce fideration particuliere n'eft pas unce obftacle à la paix ; & votre Majefté fera connoître fans qu'il lui en coûte rien, qu'elle préfere le bien public. aux avantages de fes ferviteurs & dece fes créatures. <<< сс

Le fin de ce difcours consistoit à prendre la Reine par ce qui lui convenoit à elle-même. Qu'on trouve le foible de l'amour propre; qu'on s'y attache, l'on ne manquera jamais de perfuader; rien ne tient contre de pareils motifs. Auffi la Reine toute prévenue qu'elle étoit contre ce que Villeroy devoit lui dire, ne put s'empêcher de lui témoigner qu'elle en étoit contente. Elle lui demanda enfuite d'un air plus ouvert ce qu'il lui confeilloit, touchant les propofitions faites par le Prince de Condé.

ce

Villeroy s'y prit de la même maniere. Il dit à la Reine que ce Prince ne demandoit rien qu'elle ne pût accorder, & qu'elle y trouveroit même

de l'avantage; qu'il arriveroit de deux choses l'une, ou qu'il viendroit à la Cour, ou qu'il n'y viendroit pas. "S'il n'y vient pas (continua Villeroy) il ne pourra pas fe prévaloir de ace que vous lui aurez accordé. S'il y » vient dans le deffein de vivre en bon» ne intelligence avec votre Majesté, » vous perdrez un Ennemi dangereux, & vous gagnerez le premier Prince » du Sang, dont le concours & l'auto» rité donneront encore plus de poids à » ce que vous ferez ordonner dans le » Confeil. Mais (dira-t-on ) s'il y » vient avec de mauvaises intentions, » comme on lui aura accordé la plume, » que n'aura-t-on point à craindre de » lui Eh Madame, continua Villeroy, » qu'avez-vous à craindre de la main » d'un Homme dont vous tiendrez le »bras? Si le Prince entreprend fur vo» tre autorité, s'il veut la partager avec » vous, il fera entre vos mains, & vous » aurez mille moïens de rompre fes me»fures. Mais ( ajoûta Villeroy) le Prin» ce de Condé eft fi las des factions & »fi revenu de fes intrigues, que bien »loin d'avoir la pensée de fe broüiller

avec votre Majefté, il ne veut pas » même lui donner le moindre foup

ca

çon; & pour vous en donner des af- « furances dont vous ne puiffiez douter, j'ai un ordre fecret de lui, (fi vous ce lui accordez ce qu'il vous demande) « de vous offrir de vous remettre le ce Gouvernement de Guyenne, & qu'il ce prendra en échange celui de Berry, Province foible & peu éloignée de «e París, où il ne pourra plus vous don- « ner aucun ombrage.

Cette propofition parut fi extraordinaire à la Reine Mere, qu'elle eut de la peine à la croire : & en effet l'on ne comprend pas comme le Prince de Condé avoit pu fe réfoudre à un échange où il y avoit tant à perdre pour lui. Tout ce qu'on en peut dire, eft qu'il ne fit pas cette offre par le confeil du Duc de Bouillon. Ce Duc la defapprouva dès qu'il la fçut, & le Prince lui-même ne fut pas longtemps à s'en repentir. La Reine Mere le prit au mot, & perfuadée par difcours de Villeroy, elle lui accorda fes demandes, & les fit paffer au Confeil. Elle promit auffi de contenter le Duc de Longueville. L'on con vint enfuite d'une Amniftie fans ref triction pour le paffé. Tous les Seigneurs du parti du Prince furent ré

le

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tablis & maintenus dans leurs Etats, charges, & dignitez. L'on donna de plus quinze-cens mille livres au Prince de Condé, pour le dédommager des frais de la Guerre. Cette fomme

fut apparemment partagée entre les · Seigneurs du parti; & cela étoit bien jufte, puifqu'ils avoient contribué plus que les autres aux frais de la Guerre. Les choses étant ainfi reglées, Villeroy partit de Tours pour aller confommer à Loudun le grand ouvrage de la paix,

Il ne croïoit pas y trouver de nouvelles difficultez ; & en effet le Prince de Condé, les Ducs de Bouillon, de Mayenne, de la Trimoüille, & Memo- quelques autres Seigneurs du parti, Rohan, offroient de figner le Traité. Mais les Liv. 1. Ducs de Rohan & de Sully,&l'Affem

res de

blée de la Rochelle, qui n'en étoient pas contens, y firent naître tant de difficultez, qu'il eût bien falu du temps & des expediens pour les furmonter, fi le Prince de Condé ne fût pas tombé dangereufement malade. Le Duc de Bouillon qui vouloit contenter la Cour en faifant conclure la paix, fans qu'on fût obligé d'accorder de nouveaux avantages aux Cal

pas

viniftes,

Vie de

du Pleffis

viniftes, fe prévalut de cet accident qui étonnoit tout le parti, pour porter l'Affemblée de la Rochelle à fe Mornay défifter de fes prétentions. Le Che- Liv. 3. valier Edmond Ambaffadeur d'Angleterre & le Duc de Sully allerent exprès à la Rochelle, pour remontrer à l'Assemblée, que la maladie du Prince demandoit qu'on conclût promp→ tement la paix, & que s'il venoit à mourir, bien loin d'obtenir de nouveaux avantages, l'on auroit bien de la peine à faire ratifier à la Cour ceux qui avoient été accordez.

Cette confideration porta l'Affemblée à députer dix perfonnes a Loudun, avec pouvoir de fe défifter des demandes précedentes qui pouvoient retarder la conclufion du Traité, & de se restraindre à demander les fûretez qu'elle jugeoit néceffaires pour

l'éxécution des articles accordez, Ces füretez confiftoient à obtenir de la Cour, qu'elle confentît que l'Affem blée fubfiftât à la Rochelle jufques à la verification de l'Edit que le Roy' avoit promis de donner en faveur des Calviniftes, & jufques à ce que tout ce que le Roy leur accordoit, eût été éxécuté dans toutes les Provinces; Tome III.

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