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vité par une lettre que le Roy lui écrivit exprès pour l'engager à y venir. De tous les Seigneurs du parti du Prince de Condé, ils furent les feuls qui demeurerent étroitement unis.. Les vûes differentes, les interêts oppofez, la jaloufie fi ordinaire à la Cour entraîna tous les autres du côté où ils croïoient trouver leurs avanta ges. Il étoit de la derniere conféquence au Prince de Condé de maintenir leur union. Comme il fe trouvoit à leur tête, il en eût été beaucoup plus confideré, & l'on n'eût pas même osé penfer à ce que l'on entreprit depuis contre lui. Le Duc de Bouillon qui avoit des vûes, & qui fe gouvernoit par les maximes que le bon fens dicte, & que l'expérience ne manque jamais de confirmer, lui avoit fouvent reprefenté de quelle importance il étoit pour lui d'empêcher la defunion des Seigneurs dont l'union lui avoit procuré de fi grands avantages. Mais la plupart des hommes ne portent pas leurs vûës fi loin, contens du préfent, ou ils négligent, l'avenir, ou ils n'y font pas toute l'attention que leur interêt même demanderoit qu'ils y fiffent.

C'eft ce qui arriva au Prince de Condé; fatisfait des avantages qu'il avoit obtenus par le Traité de Loudun, il ne fe hâta pas de s'en mettre en poffeffion, & il s'arrêta fi longtemps & fi à contre-temps dans fon Gouvernement de Berry, que quand il arriva à la Cour, tous les Seigneurs qui s'étoient attachez à lui, désunis entre-eux avoient chacun pris leur parti. La Reine Mere qui avoit peutêtre ménagé fous main cette defunion, ne laiffa pas de tenir parole au Prince de Condé. Elle le mit en poffeffion de tous les avantages qui lui avoient été accordez par le Traité de Loudun, & le Prince de fon côté lui promit de maintenir fon autorité, de proteger fes créatures, & de vivre avec elle Memo dans une parfaite intelligence. Entes de effet quelque haine qu'il eût pour leLiv. Marêchal d'Ancre, & quoiqu'il l'eût nommé dans tous fes Manifeftes comme un des premiers auteurs de tous les defordres du Gouvernement il ne laiffa pas, pour faire plaifir à la Reine Mere, de lui de lui promettre d'être l'appui de fa fortune, & de le défendre envers & contre tous. C'étoit promettre beaucoup, & peut-être

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Rohan.

voit plus manquer de réuffir.

Les Ducs d'Epernon & de Bellegarde étoient alliez & amis du Duc de Guife; il avoit par conféquent un fort grand interêt à rompre le deffein du Maréchal d'Ancre. Lés Ducs de Bouillon & de Mayenne fe fervirent de cette conjoncture pour porter le Duc de Guife a s'unir à eux pour perdre le Maréchal d'Ancre. Le Duc de Guise n'héfita pas un moment à entrer dans cette efpece de confpiration; plus ardent même que les deux autres, tous les moïens lui paroiffoient bons pour fe défaire du Marêchal, & à peine pouvoit-t-il confentir qu'on prit des mefures pour le défaire de lui, plus lentes à la verité, mais auffi beaucoup plus sûres. Cependant le Duc de Bouillon qui prévoïoit les difficultez & les fuites de cette entreprife, le ramena infenfiblement à des moïens plus concertez, & le fit confentir qu'avant toutes chofes on travailleroit à rallier tous ceux de la Cour & du Parlement, qui vouloient du mal au Marêchal; qu'on fouleveroit contre lui le Peuple de Paris déja fort animé, & qu'on tâcheroit par le moïen de Luines dont la

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faveur auprès du Roy augmentoit tous les jours, à faire approuver par Sa Majesté tout ce qu'on pourroit entreprendre contre le Maréchal d'Ancre qu'on fçavoit lui être extrâ mement odieux.

On réuffit également bien dans tes trois projets. Tous les Ennemis du Maréchal d'Ancre fe rallierent contre lui; de Luines promit de faire approuver au Roy tout ce qu'on feroit pour le perdre'; & le Peuple de Paris parut tout difposé à fe foulever à la premiere occafion qui s'en prefenteroit.

De fi favorables difpofitions encourageoient les Ennemis du Marêchal à tout entreprendre mais les fentimens étoient partagez fur la maniere dont il faloit le perdre. Les uns propofoient de le mettre entre les mains du Parlement & de lui faire faire fon procez, ce qui n'eût pas été difficile vu les preuves qu'on avoit de Memoifes malverfations & de fes intelligen- de Baf ces avec les Etrangers au préjudice de re. l'Etat. Mais ceux qui craignoient l'autorité de la Reine Mere dans le Par lement, & qui ne doutoient point qu'elle ne l'emploïât toute entiere

fompier

pour fauver le Marêchal, ne furent pas de cet avis. La voie de la juftice étant fermée, l'on propofa celle de la violence, comme l'unique dont on pût fe fervir contre les perfonnes trop puiffantes pour agir contre-elles, avec toutes les formalitez prefcrites par les Loix, comme celle dont les Rois mêmes avoient usé dans de femblables occafions comme celle enfin, fans laquelle on étoit réduit à ne voir jamais finir la tirannique domination du Maréchal d'Ancre. Ce fut le Duc de Bouillon qui ouvrit cet avis, & il l'appuïa de tant s de d'exemples de l'Hiftoire ancienne & Rohan. moderne, qu'il fut enfin fuivi. ComLiv. 1. me il n'étoit plus queftion que du

Mémoi

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choix des moïens, le Duc de Mayenne s'offrit de faire une querelle au Marêchal, & de lui paller fon épée au travers du corps, pourvû que l'on pût porter le Prince de Condé à approuver ce qu'il auroit fait; il fe chargea même de lui en parler, mais le Duc de Bouillon ne jugea pas à pro pos qu'on lui fit une pareille confi"dence. Je connois, dit-il, le Prin»ce & fes engagemens avec le Marê » chal, il le hait, mais il le ménage

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