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lui-même & la Reine Mere n'auroient peut-être pas osé éxécuter, étonna tous les Seigneurs. Cependant cet avis l'eût peut-être emporté, fi le Duc de Mayenne qui étoit le maître dans Soiffons, ne s'y fût opposé. Il demeuroit d'accord qu'il eft des extré mitez dont on ne peut fe tirer qu'en prenant les réfolutions les plus extrêm mes; mais il fe fit un fcrupule de violer les droits de l'hospitalité à l'égard d'un proche parent qui étoit venu de bonne foy dans une Ville dont-il étoit Gouverneur. Il ajoûta qu'il croïoi bien le Duc de Guife capable d'abandonner leur parti, mais qu'il ne le croïoit pas affez perfide pour le trahir, & pour le prêter à la Cour pour le détruire. Le Duc de Bouillon infifta qu'il avoit de bons avis, & que la complaifance du Duc de Guife pour la Cour iroit jufques à prendre contre-eux le commandement d'une Armée. Il n'eft pas aisé de décider fi le Duc de Bouillon avoit été averti des engagemens du Duc de Guife avec la Cour, ou s'il n'en parloit que par conjecture; mais il eft certain qu'il devina jufte, & que le Duc de Guife accepta dans la fuite

le commandement d'une Armée contre ces mêmes Seigneurs qu'il avoit engagé lui-même à prendre fesArmes.

Une pareille conduite ne donne pas grande opinion du Duc de Guife, au moins par rapport à la bonne foy & au veritable honneur. On ne trouvera point à redire qu'il ait abandonné un parti qui paffoit pour être opposé à celui du Roy. Les devoirs des Sujets à l'égard de leurs Souverains font indifpenfables, il y a de la gloire à y revenir; en ce cas il ne faut ni s'en cacher, ni tromper tromper perfonne. Mais qu'un Homme comme le Duc de Guife, qui faifoit gloire, il n'y a pas long-tems, d'être l'Ennemi dé claré d'un Etranger, haï de toute la France, haï du Roy-même à qui il devenoit de jour en jour de plus en plus fufpect, qu'un Homme, dis-je, de la naiffance & du rang du Duc de Guife pour un leger interêt, brigue le Commandement d'une Armée qui doit fervit à l'établiffement de l'au torité de ce même Etranger, & à la ruine de fes parens & de fes amis qui demandent qu'il foit éloigné des affaires, & qu'il ne foit plus en état de leur nuire; c'eft ce qui n'eft pas

aisé à comprendre, ou plûtôt c'eft ce qui donne lieu de conclure que l'am bition ne connoît point de regles, & qu'il n'y a point de devoirs dont elle ne fe difpenfe pour arriver à fes

fins.

On propofa enfuite dans l'Affem. blée des Seigneurs de quelle maniere on en uferoit avec Chanvalon & Boif fife, à qui le Roy avoit donné la Commiffion de traiter avec les Seigneurs mécontens. Le Duc de BouilIon reprefenta à cette occafion qu'il faloit fe défier des intentions de la Cour; qu'apparemment les Commif faires étoient envoïez plûtôt pour travailler à les defunir, que pour leur donner les juftes fatisfactions qu'ils avoient droit de prétendre; qu'ainfi Memoi il faloit s'attacher à demeurer unis, res de la à n'entendre à aucun accommodeRegence de Marie ment particulier, & à être toûjours de Medi en garde contre les artifices de la Cour: que quant à l'accommodement qui pourroit être proposé, il faloit l'accepter tel qu'il pût être; que s'il étoit avantageux, il faudroit s'y te nir, & que s'il ne l'étoit pas, il leur donneroit au moins le temps de prendre leurs mefures, & de fe mettre ep

sis.

état d'obtenir de meilleures condi tions au Printemps prochain.

Ibid.

Ce fut dans ces difpofitions qu'on s'affembla à Cravançon à une lieuë de Soiffons. L'accommodement fut bientôt conclu, parce que les Seigneurs n'étoient pas réfolus de s'y tenir, & qu'ils s'apperçurent que le temps n'étoit pas propre à obtenir des condi tions plus avantageufes. Dès que cette feinte Paix eut été arrêtée, le Duc de Guife fit agréer aux Seigneurs, qu'il fit un voïage à la Cour avec le Duc de Chevreule & le Cardinal fes Fre- Mem res, pour y ménager, difoit-il, les Baffor interêts du parti, & y travailler à la pierre. ruine du Maréchal d'Ancre. Des trois Freres le Cardinal de Guise étoit le feul qui y alloit de bonne foy, & qui étoit veritablement affectionné au parti; auffi lui rendit-il dans la fuite des fervices affez importans,

Comme les Seigneurs mécontens diffimuloient de leur côté, la Cour diffimuloit auffi du fien; elle paruc contente des Seigneurs, & la Reine Mere fit verifier au Parlement una Déclaration donnée en leur faveur. Cependant comme aucun de ces Seigneurs ne revenoit à la Cour, quoi,

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res de

qu'ils en euffent tous la liberté, il étoit aisé de juger que la Paix ne dureroit pas long-temps, & qu'on reprendroit les armes à la premiere occafion.

Dans ce même-temps le Roy tomba malade affez dangereufement, on craignit même pour fa vie. La nouvelle s'en étant répandue, perfonne n'en parut plus fenfiblement touché que ces mêmes Seigneurs que la Reine & le Maréchal d'Ancre affectoient de faire paffer pour les plus grandsEnnemis qu'eût le Roy dans tout fon Royaume. Le Cardinal de Guife lié depuis peu avec de Luines dans le deffein de perdre le Marêchal d'Ancre, l'engagea à le dire auRoy,& de Luines ajoûta du fien, que Sa Majefté n'avoit point de plus fideles Sujets & de plus affectionnez Serviteurs, que ces Seigneurs ; & qu'ils viendroient même avec empreffement lui faire leur Cour, dès qu'ils feroient affurez de ne point trouver auprès de lui un Etranger infolent, que la Reine Mere vouloit rendre le Maître des affaires, & qui ne penfoit qu'à les perdre. Le Roy fut fi fatisfait des bons fentimens de ces Seigneurs, qu'il témoigna qu'ils

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