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difpofitions que ces mécontentemens particuliers pouvoient lui infpirer, mais il lui faloit un homme du caractere du Duc de Bouillon, profond, adroit, infinuant, également habile pour la Guerre & pour le Confeil, en un mot capable de former un grand deffein & plus capable encore de l'éxécuter. Jamais toutes ces qualitez ne parurent plus que dans l'exécution du projet qu'on va raconter.

res de

La premiere démarche que fit le Duc de Bouillon pour former un nouveau parti, fut d'engager fi-bien le Prince de Condé, qu'il ne s'en pût plus dédire. Lorsqu'il s'en vit affuré, il gagna les Seigneurs mécontens, Mémoi & Edmond Ambaffadeur d'Angleter- Roban. re qui porta le Roy fon Maître à fa- Ibid. vorifer fes deffeins. Enfuite il s'affura de Rouvray député Général des Egli fes Calviniftes, de Defbordes-Mirande, & de Berteville Députez à l'Affemblée générale des Prétendus Réformez qui alloit fe tenir à Grenoble. Il les engagea à porter le parti Calviniste à fe déclarer pour le Prince de Condé ; & afin qu'ils le fiffent plus efficacement, il fit efperer au premier s'il y réuffiffoit, l'Ambaffade aux Pro

vinces unies; il promit au fecond, une charge de Confeiller en la Chambre de l'Edit, & au troifiéme, la Députation générale: puiffans motifs de perfuafion, & qui eurent auffi l'effet qu'il s'en étoit promis. Ces mefures prifes, il envoïa des performes affidées dans les Provinces, pour profiter du mécontentement général dont on a parlé.

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Il étoit difficile d'engager tant de gens de caracteres fi oppofez, & d'interêts fi differens à s'unir & à concourir tous à la même fin. Le Duc de Bouillon ne laiffa pas d'y réuffir Ibid. & il le fit avec tant d'art & d'une maniere fi imperceptible, que le Duc de Rohan avoue que ceux même qui avoient réfolu de ne fe point mêler des affaires du Prince de Condé, se trouverent infenfiblement de la par tie. Le Duc de Bouillon n'en demeu. ra pas-là; il entreprit de faire déclarer le Parlement de Paris en faveur du Prince de Condé. Pour en venir à bout, il preffentit d'abord fi les Chefs de cette Compagnie feroient d'humeur à favorifer le Prince en cas qu'il fit quelque démarche d'éclat contre la Cour. Cet expédient ne lui

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avant pas réuffi, il crut que fes mefures feroient plus juftes s'il engageoit le Parlement à fe déclarer le premier, & s'il le méttoit par-là dans la néceffité de recourir au Prince & aux Seigneurs de fon parti, afin qu'ils appuïaffent de leur nom & de leur autorité ce qu'il auroit commencé. `T C'étoit ce femble, prendre l'affaipar le biais le plus difficile ; mais il n'en eft point qui ne réuffiffe quand on prend les gens par leur foible, & qu'on fçait remuer à propos certaines difpofitions fecretes dont perfonne n'eft exempt, & dont les Compagnies font d'ordinaire plus fufceptibles que les particuliers. Voila donc le Duc de Bouillon en commerce avec les Gens de Robe. Il fçavoit qu'ils étoient très-mécontens du peu d'égard que la Cour avoit eu aux remontrances du tiers-Etat pendant la tenuë des Etats Généraux. Il profite de ce mécontentement; il entretient les uns des ateintes que la Cour avoit ellemême données à l'autorité du Roy pour établir de plus en plus celle de la Cour de Rome; il parle aux autres de l'audience favorable accordée au Clergé & à la Nobleffe, au pré

judice du tiers-Etat, lorfque ces deux ordres avoient demandé la reception du Concile de Trente. Il exagere la diminution de la jurisdiction des Magiftrats Civils, au regard des affaires Ecclefiaftiques. Il fait voir les conséquences de la réfolution fuggerée aux Etats Généraux, fur l'accompliffement du double Mariage avec l'Efpagne. Il réveille leur déli cateffe fur l'autorité prétendue par le Parlement. Il leur reprefente qu'il ne doit pas fouffrir qu'on la réduise à juger feulement les differens des parti culiers; que les Princes du Sang, les Pairs, & les grands Officiers de la Couronne ne font pas membres du Parlement, pour s'occuper du jugement des procès ; que fi fon autorité n'alloit pas plus loin, on ne les y eût pas affociez.

Par tels & femblables difcours, le Duc de Bouillon entretient, augmente, autorife les mécontentemens du Parlement. Il l'excite enfuite à pren dre des réfolutions vigoureufes pour la réformation de l'Etat, à profiter de la jeuneffe du Roy, & à ne pas attendre que fon autorité mieux établie ne leur perfît plus de parler,

ou les réduisît à faire des remontrances inutiles. Il reprefente enfuite à tous ces Magiftrats la gloire & la confideration, que le Parlement ne manquera pas d'acquerir en obtenant ce que les Etats Généraux avoient demandé inutilement, & peut-être avec trop de foibleffe. Enfin il leur fait comprendre que s'ils veulent faire leur devoir, & témoigner un peu de zele pour le bien public, les Princes & les Grands Seigneurs appuieront fibien leurs remontrances, que la Reine feroit contrainte d'y avoir égard.

Le Duc de Bouillon étoit trop habile, il connoiffoit trop bien la Cour pour ne pas prévoir que le Parlement n'auroit d'elle que des mortifications, dès qu'il entreprendroit de fe mêler du Gouvernement de l'Etat. Mais il lui étoit indifferent que les remontrances du Parlement fuffent bien ou mal reçûës. Quoiqu'il en pût arriver, il avoit ce qu'il prétendoit; tout confiftoit à le porter à les faire. En effet fi la Cour y avoit égard l'on donnoit des bornes à l'autorité de la Reine & à celle des Miniftres: fi au contraire elles étoient rejettées, le Peuple en faveur duquel élles auroient été fai

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