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la Province de Luxembourg pour le Roy d'Espagne. Après la mort de fon pere qui n'avoit point laiffé d'autres enfans, il prétendit à fa fucceffion. Les Efpagnols la lui refuferent, & fonderent ce refus fur ce qu'il n'étoit pas légitime. Il devint par-là leur Ennemi; & comme il avoit de grands talens pour la Guerre, il les fit repentir plus d'une fois du refus qu'ils lui avoient fait. A proprement parler, Mansfeld étoit un Avanturier qui n'avoit ni feu ni lieu; il ne poffedoit pas un pouce de terre: cependant fa réputation attiroit fous fes Enfeignes les Troupes les plus aguerries de l'Allemagne. Par-là il fe rendoit redoutable aux plus grands Princes; il n'y en avoit aucun qui ne craignît de l'avoir pour Ennemi. Il rendit de grands fervices à l'Electeur Palatin dans la Boheme & dans le Palatinat; & il Y eût apparemment fait échouer les deffeins de l'Empereur & ceux du Duc de Baviere, fi le Palatin ne l'eût pas congedié à contre-temps par le confeil du Roy d'Angleterre fon beaupere, auquel il crut qu'il ne pouvoit pas fe difpenfer de déferer. Ce fut cependant ce qui caufa fon entiere

Fuine, Mansfeld congedié par le Pa latin fe joignit à un autre Avanturier qui avoit auffi fort - bien fervi le nowveau Roy de Boheme dans le Palatinat, & qui fut auffi congedié en même temps que Mansfeld. C'étoit Chriftian de Brunswick Adminiftrateur de l'Evêché de Halberftat, grand Homme de Guerre, & qui n'étoit point inferieur à Mansfeld.

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Ces deux Avanturiers après avoir ravagé la Lorraine avec une Armée de quinze mille Hommes de pied & de dix mille Chevaux, qui portoit par tout l'épouvante & la défolation, pafferent la Meufe, & s'aprocherent de Mouzon à la follicitation du Duc de Bouillon. Il avoit fait le plan de leur marche, & il leur avoit envoïé des Guides. Son deffein étoit ou de porter le Roy par la crainte d'une irruption dans la Champagne à donner la paix aux Calviniftes, ou de proeurer une diverfion effective.. fi le Roy refufoit de la donner.. Mais comme il eut appris que les propofitions de paix avoient été rejettées fur le Refus que firent les Habitans de Montpellier, de recevoir le Roy dans leur Ville, il fit offrir à Mansfeld du ca

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on & des munitions pour faire le fiege de Mouzon. Après avoir traité inutilement avec lui par des Envoïez, il lui fit propofer une entrevûë. Mansfeld l'accepta, ils fe rendirent tous deux dans la Prairie de Donzi, ( c'est le lieu dont ils étoient convenus pour la Conference. ) Le Duc de Bouillon qui poffedoit en perfection le grand art de la négociation, n'oublia rien pour l'engager à faire une diverfion du côté de la Champagne en faveur des Calviniftes. Mais il ne fut pas long-temps fans pénétrer, que ce n'étoit pas l'intention de Mansfeld, & qu'il n'avoit deffein que de tirer de l'argent du Roy, & d'aller fondre ailleurs avec fon Armée. Tout ce que le Duc de Bouillon put obtenir, fut qu'il ne fe prefferoit pas de s'éloigner des frontieres de France, afin qu'on pût fe prévaloir de cette conjoncture pour porter le Royà la Paix, ou trou ver pendant ce temps-là quelque moïen pour l'obliger à fe déclarer & à porter la Guerre dans laChampagne.

Depuis cette Conference, le Duc de Bouillon frappé de ce qu'il avoit remarqué dans cer Homme vraiement extraordinaire en tout, ne par

Vittorio

loit qu'avec admiration de ce mêlange bizarre & monftrueux de bonnes & de mauvaises qualitez dont l'af femblage rendit Mansfeld un des prodiges de fon fiecle. En effet outre le talent qu'il avoit pour la Guerre, il avoit le cœur grand; toûjours à l'épreuve des contre-temps, il trouvoit des reffources lorfqu'on le croïoit perdu. Il étoit habile en politique, bon pour le confeil, excellent pour l'éxécution, d'une bravoure héroïque. Perfonne n'entendoit mieux que lui fes interêts, il les fuivoit conftamment, & prenoit rarement de fauffes mefures. Mais ces qualitez étoient mêlées de fi grands défauts, qu'on ne pouvoit affez admirer, comme tant de contrarietez avoient pu fe rencontrer enfemble.

Cependant Mansfeld avec toutes Siri me- les qualitez qu'on vient de reconnoîrecondi- tre en lui, ne laiffa pas d'être la dupe te. T. 5. du Duc de Nevers. Au bruit de fon

morie

étoit

arrivée fur la frontiere de fon Gouvernement de Champagne, il y accouru. Il commença par amufer Mansfeld par diverfes propofitions qu'il lui fit faire de la part du Roy. Il lui débaucha une partie de fes Trou

pes; il le prévint contre le Duc de Bouillon, en forte que Mansfeld commença de fe défier de celui qui l'avoit appellé. Enfin le Duc de Nevers fe conduifit avec tant d'adreffe, qu'en trainant la négociation en longueur; il affoiblit l'Armée de Mansfeld, & donna le temps aux Troupes du Roy d'arriver des Provinces voisines. Quand il fe vit affez fort pour faire tête à Mansfeld, & même pour le battre, il rompit fous divers prétextes la négociation qu'il avoit com mencée, & fit dire à Mansfeld qu'il n'avoit point d'autre parti à prendre que de s'éloigner de la frontiere de fon Gouvernement, Mansfeld au dé sespoir d'avoir été trompé, lui qui avoit coûtume de tromper les autres, voulut renoüer fa négociation avec le Duc de Bouillon dont il reconnut qu'il avoit eu tort de fe défier; mais

n'en étoit plus temps. Le Duc de Nevers étoit trop fort pour entreprendre d'entrer en France malgré lui. A cet inconvenient il en furvint un autre. Mansfeld fe broüilla avec l'Adminif trateur de Halberftat. Ils n'agirent plus de concert; chacun forma des deffeins particuliers, & prit des me

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