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la tête des Députez. On les conduifit à l'Audiance du Roy, & Sa Majesté leur dit que puifque le Parlement vouloit fçavoir fa réponse, fon Chancelier alloit la leur faire. Le Chancelier prit alors la parole, & fit un long difcours, qui fut d'autant plus mortifiant pour les Députez, qu'il se réduifoit à prouver que le Parlement n'étoit point en droit de fe mêler des affaires d'Erat, & qu'il ne pouvoit même faire des remontrances au Roy, que lorfqu'il en étoit requis par Sa Majefté. Cependant comme il remarqua fur le vifage du premier Préfident & de ceux qui l'accompagnoient l'indignation que fon difcours leur avoit causée, il crut le devoir adoucir. Ce fut ce qui l'obligea d'ajoûter que Sa Majefté fçavoit que les jeunes Confeillers avoient fait donner l'Arrêt; que le plus grand nombre l'avoit emporté fur les anciens & fur les plus fages; que le Roy en fçavoit bon-gre à ces derniers; qu'il fe fou viendroit de leur fidelité, & qu'il les prioit de continuer que cependant Sa Majefté leur défendoit d'éxécuter l'Arrêt rendu pour la convocation des Princes & des Pairs du Royaume,

& de faire déformais aucune délibé ration fur cette affaire. Le Roy confirma ensuite en peu de mots tout ce que fon Chancelier avoit dit.

pas.

Le premier Prefident indigné contre le Chancelier ne daigna pas lui répondre; mais adreffant la parole au Roy, il lui dit avec beaucoup de refpect, que comme le Parlement n'avoit pas pû prévoir ce que Sa Majefté avoit à leur dire, il n'avoit pas pu non plus leur donner commiffion de lui expliquer fes veritables fentimens ; qu'ils ne manqueroient de lui faire un rapport fidele de ce que le Roy leur avoit déclaré, & de tout ce que Monfieur le Chancelier avoit jugé à propos de leur dire; que cependant ils fupplioient Sa Majefté d'agréer les refpects de fon Parlement, & les affurances de fa fidelité, & de prendre l'Arrêt rendu en bonne part. Il ajoûta pour mortifier à fon tour le Chancelier, que l'Arrêt avoit été rendu non par l'avis des derniers de la Compagnie, mais d'un confentement unanime; que les jeunes & les anciens y avoient également concouru; & que tout le Parlement avoit cru que

bien

bien loin d'entreprendre fur l'autorité de Sa Majefté, c'étoit lui donner une nouvelle preuve de la droiture de fes intentions, & de fon attachement à fon fervice.

La Reine qui jufques alors avoit gardé le filence jugea à propos de le rompre; mais ce ne fut que pour répeter ce que le Chancelier avoit dit :

je fuis informée, dit-elle, à n'en « pouvoir douter que les jeunes Con- « Teillers font les Auteurs de l'Arrêt, « & qu'ils l'ont fait paffer à la pluralité « des voix. Je n'en fçai pas mauvais «<< gré à la Compagnie. Je remercie les «< Anciens & tous ceux qui s'y font op-c pofez. Le Roy mon Fils fe fouvien-e dra de leur fidélité, & je ferai enfor- « te qu'il leur donne des marques de fa « bonne volonté.

Le premier Président perfuadé comme il étoit vrai) que la Reine fçavoit tout le contraire de ce qu'elle difoit, prit fon difcours pour une nouvelle infulte faite au Parlement. Ce fut ce qui l'obligea de lui répondre qu'il la fupplioit très- humblement de croire que tout le Parlement avoit concouru à l'Arrêt ; qu'il étoit l'ouvrage de toute la Compagnie; Tome III.

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que ceux qui lui avoient dit le contraire, ne lui avoient pas fait un rapport fidele: qu'ainfi il la prioit de ne point faire de diftinction, de les ho norer tous également de fa bien-veillance, & de fa protection auprès du Roy. C'eft ainfi que finit l'Audiance donnée aux Députez du Parlement.

La Cour crut encore que l'affaire n'iroit pas plus loin, & qu'après des défenfes fi expreffes, le Parlement ne feroit pas allez hardi pour continuer fes déliberations. Mais foit que le Duc de Bouillon qui ne perdoit point fon projet de vûë, eût renouvellé fes follicitations foit que l'affurance qu'il avoit donnée du concours des Princes & des Seigneurs avec le Parlement, raffurât la Compagnie; le premier Préfident n'eut pas plûtôt fair fon rapport aux Chambres affemblées, qu'il fut unanimement réfolu que fans fe départir de la premiére déliberation, un certain nombre de Confeillers feroit choifi dans chaque Chambre pour dreffer de concert avec les Préfidens, les Remontrances qu'on avoit réfolu de presenter par écrit à Sa Majesté.

La Reine promptement avertie

que le Parlement perfiftoit dans fa premiere réfolution, crut qu'en pre

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nant les chofes de hauteur, elle en empêcheroit les fuites. Dans cette vûe elle envoïa un Huiffier du Cabinet commander au premier Préfident de la part du Roy, de fe rendre au Louvre, accompagné, comme il étoit deux jours auparavant. Le premier Président obéit, & le Roy lui dit qu'il les avoit mandez, fur ce qu'on l'avoit averti, que nonobftant fes défenses le Parlement perfiftoit à dreffer fes Remontrances; furquoi ajoûta-t-il) la Reine ma Mere vous déclarera ma volonté. Elle prit auffitôt la parole, & dit d'un ton aigre & menaçant, que l'entreprife du Parlement étoit fans exemple; que le Roy en puniroit les Auteurs s'ils perfiftoient dans leurs defobéiffance & qu'il leur défendoit encore abfolu ment de lui faire des Remontrances fur le gouvernement de l'Etat. Le premier Préfident répondit froidement & en peu de mots, qu'il feroft fçavoir au Parlement les intentions de Sa Majefté après quoi il fut con-" gedie. Le lendemain il fit fon rapport aux Chambres affemblées. Mais

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