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Duc de Mayenne partit pour Soiffons, & le Duc de Longueville fe rendit dans fon Gouvernement de Picardie. Ce départ du Prince de Condé & des Seigneurs qui avoient pris des engagemens avec lui, fut comme le signal de la Guerre dont on va parler.

Auffi-tôt après cette retraite l'on vit plufieurs écrits de la part des Seigneurs mécontens. Un des premiers qui parut, fut une lettre du Duc de Bouillon au Préfident Jeannin, Contrôleur Général des Finances. Il y juftifioit fon départ de la Cour & fe plaignoit à peu près des mêmes chofes dont le Parlement s'étoit plaint dans fes Remontrances. Cet écrit fut fuivi d'un autre, où le Chancelier de Sillery fut attaqué perfonnelle, ment; il avoit pour titre, la Nobleffe Françoise au Chancelier. Le Gouvernement y étoit décrié de la maniere la plus affreufe. On crut que le Parlement en étoit l'Auteur. C'est ce qui porta la Cour à y répondre dans une efpece de Manifefte qui fut publié prefque auffi-tôt. L'on n'y parloit plus d'un ton fi fier, le Gouvernement y étoit juftifié avec beaucoup de modération.

La Reine n'en demeura pas-là; elle fit réflexion qu'en traitant le Parlement avec trop de hauteur, elle avoit donné dans le piege que fes Ennemis lui avoient tendu. Elle craignit qu'il ne fe déclarât pour le Prince de Condé, & que le peuple entraîné

par fon autorité, ne fît enfin la même chofe s'il paroiffoit que le Prince agît de concert avec le Parlement. On chercha donc des expédiens pour contenter la Compagnie, & ménager en même-temps l'autorité du Roy qu'on avoit un peu trop commife dans l'affaire dont on a parlé. Ils furent d'autant plus faciles à trouver, que le Parlement croïoit s'appercevoir que le Prince de Condé alloit bien plus à fes fins particulieres, qu'au bien public; que cette Compagnie n'étoit plus foutenuë par les vives exhortations du Duc de Bouillon, & que fes Chefs commençoient à s'ennuïer de fe voir broüillez avec la Cour. Il ne fut donc pas difficile d'accorder deux parties qui ne cherchoient qu'à s'ac commoder. Le Parlement fit des excufes au Roy dont il jugea à propos de fe contenter, & Sa Majefté de fon côté fe relâcha fur l'éxécution de

L'Arrêt du Confeil d'Etat, qui caffoit tout ce que cette Compagnie avoit fait. La reconciliation du Parlement avec la Cour nuifit depuis beaucoup, aux projets des Seigneurs

mécontens.

Cette affaire finie, la Cour s'ap pliqua à gagner le Prince de Condé. Le Roy lui écrivit plufieurs fois qu'il fouhaitoit que le premier Prince de fon Sang affiftât à fon Mariage; que la bienfeance demandoit qu'une perfonne de fon rang reçût l'Infante fur les frontieres de France, & qu'elle y conduisît la Princeffe fa Sœur destinée au Prince d'Espagne. Mais les réponfes que le Prince faifoit à ces lettres donnoient affez à connoître que fi l'on ne differoit pas le double mariage, il n'accompagneroit pas le Roy dans fon voïage de Guyenne.

Ces refus du Prince de Condé donnoient d'autant plus d'inquiétude à la Cour, qu'il étoit de la derniere importance, que les Provinces en deça de la Loire fuffent tranquiles pendant l'absence du Roy. Il étoit aisé de juger que fi on y laiffoit le Prince & les Seigneurs de fon parti, ils ne manqueroient pas d'y exciter du

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ce,

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trouble, & que peut-être même ils feroient foulever la Ville de Paris qui étoit pleine de Mecontens. Pour éviter cet inconvenient, il n'y eut rien la Reine ne tentât pour engager le Prince de Condé à faire le voïage de Guyenne. Elle fuppofoit que les Ducs de Longueville & de Mayenne, dont le premier commandoit en Picardie,& le second dans l'lfle de Franfuivroient le Roy, fi le Prince leur en donnoit l'exemple. Pour ce qui est du Duc de Bouillon fenfible aux embarras qu'il lui caufoit, & plus fenfible encore aux mouvemens qu'il avoit excitez dans le Parlement, elle affecta de le négliger, & crut qu'indépendamment de lui, elle pourroit gagner le Prince de Condé. Pour y réuffir, Elle commit cette négocia tion à la Comteffe de Soiffons & au. Duc de Nevers, qui avoit affecté d'être neutre, dans la vûë de fe faire Médiateur entre la Reine & les Mecontens. Mais ni la Comteffe ni le Duc ne purent rien obtenir du Prince. Le Duc de Bouillon lui étoit devenu trop néceffaire pour rien conclure fans lui. Ainfi plus la Reine témoignoit vouloir fe paffer de fon entremife, plus il s'appliquoit à rompre toutes les

mefures qu'elle prenoit, & il le faifoit avec d'autant plus de fuccès qu'il s'étoit tellement rendu maître de l'ef prit du Prince & de celui des autres Seigneurs, qu'ils fuivoient en toutes chofes fes fentimens.

Le mauvais fuccès de la négociation de la Comtefle de Soiffons & du Duc de Nevers, obligea la Reine d'avoir recours à Villeroy, pour en commencer une autre. Il faut avoüer qu'elle ne pouvoit pas mieux choifir; outre qu'il étoit très-habile, il avoit toûjours entretenu d'étroites liaifons avec le Duc de Bouillon, & il ne prétendoit pas conclure fans lui l'accom modement dont il s'agiffoit. Il s'attacha à le gagner, & il s'y prit fi-bien, que fecondé du Préfident Jeannin qu'on lui donna depuis pour adjoint il eût conclu le traité, fi le Maréchal d'Ancre & le Chancelier de Sillery n'en euffent empêché l'effet. Comme ils étoient tous deux fort odieux au Prince de Condé & aux Seigneurs de fon parti, ils apprehenderent d'être les victimes de l'accommodement, & qu'on ne les facrifiât à la fatisfaction du Prince. Pour l'éviter, ils remplirent l'efprit de la Reine de tant de

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