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de croire qu'Athalie déposa au fond de l'âme de Louis XIV le germe obscur de la colère qui éclata, quelques années plus tard, à la lecture de ce mémoire que Racine écrivit sous les auspices de madame de Maintenon, et qui devait éclairer le roi sur les souffrances de son peuple.

Après cela faut-il s'étonner que Racine soit mort dans la disgrâce, et que Boileau, demeuré seul, ait pris après la mort de son ami la sage résolution de ne pas profiter de la faveur qui lui était conservée et de ne plus paraître à la cour. « Qu'irais-je faire là? disait-il, je ne sais plus louer. » La vérité est que la matière lui faisait défaut plus que l'art. Boileau avait su louer; mais, comme Racine, il louait sincèrement et, comme lui, il n'avait jamais su flatter. Or le temps était arrivé où la vérité devenait difficile à dire et où il n'y avait guère de place que pour l'adulation. En suivant ainsi Racine et Boileau jusqu'au terme de leur carrière, on voit que la poésie nous a conduit au delà des années vraiment belles du siècle de Louis XIV: l'éloquence religieuse va nous y ra

mener.

dition impunie et de l'accroître par cette impunité, ou de faire massacrer avec inhumanité des peuples que vous mettez au désespoir en leur arrachant par vos impôts pour cette guerre le pain qu'ils tâchent de gagner à la sueur de leurs visages. » Fénelon parlait ainsi dès 1694. La révocation de l'édit de Nantes, qui devait faire tant de bien, opérait depuis neuf ans, on voit avec quel succès.

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sons funèbres. Sermons. Bossuet cartésien. Fléchier. Bourdaloue. Caractère de son

branche. éloquence.

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L'essor de la poésie pendant les premières années du règne de Louis XIV n'est pas la conséquence directe du pouvoir absolu de ce prince, mais de l'usage qu'il en fit, par grandeur d'âme, et de la liberté qu'il laissa aux hommes de génie, qu'il inspirait encore par le voisinage de ses hauts faits et dont il garantissait les loisirs par ses libéralités. Cette liberté était tempérée par les bienséances, et elle n'en fut que plus féconde; elle se réglait d'elle-même sous l'œil bienveillant du maître. La chaire aussi fut libre, non par tolérance, mais de droit et par devoir. Elle fut respectueuse dans l'exercice de son droit, dans l'accomplissement de ses devoirs; car rien alors ne se produisait sans rendre hommage au monarque dont le pouvoir était partout présent. A aucune époque, l'Église en France n'eut autant de splendeur; assurée de son pouvoir par la piété du prince et par la foi des peuples, en retour elle fut sincèrement gallicane, c'est-à-dire que, sans cesser d'être catholique, elle se montra monarchique et nationale.

Le choix des évêques que le discernement et la justice de Louis XIV élevaient, non par caprice, mais selon l'ordre du talent et des vertus, avait fait de l'épiscopat de France un corps vénérable par l'exemple, puissant par la parole. Le pouvoir royal', qui l'honorait en le contenant, et qui, par prudence autant que par respect, n'appela jamais aucun de ses membres à la direction des affaires publiques, obtint de lui la déclaration de 1682, garantie de l'indépendance du trône. Dans ces termes de déférence commune et de concert indépendant se manifesta la liberté religieuse, et avec la liberté, l'éloquence, bannie du domaine de la politique que lui interdisait la royauté. Ainsi, sous le pouvoir absolu, c'est encore un souffle de liberté qui féconde le génie. C'est l'autorité de la religion et l'indépendance qu'elle impose comme un devoir à ses ministres qui ont fait la grandeur de Bossuet, de Bourdaloue, de Fénelon et de Massillon. Nous allons en saisir quelques traces en jetant un coup d'œil rapide sur l'œuvre de ces grands hommes. L'ordre des temps, comme celui du génis, donne la première place à Bossuet.

Bossuet paraît le modèle accompli du docteur et du prêtre. Sa vie est un long combat où le courage ne lui manque jamais ni la victoire considérée dans son ensemble, elle montre dans la suite de ses travaux, d'abord l'adversaire du protestantisme ramenant, par la mission de Metz, de nombreux dissidents au sein de l'Église; enlevant à l'hérésie le plus illustre de ses adhérents, le grand Turenne; leur ôtant, par l'exposition claire et précise de la foi, tout mot:

sérieux de dissentiment; réduisant Claude, par une argumentation serrée, au silence ou à la contradiction; confondant les insolentes prédictions de Jurieu, et déroulant le tableau des variations des sectes dissidentes, en regard de l'immuable vérité; enfin, essayant, avec le grand Leibnitz, de réunir en un seul corps tous les membres divisés de la famille chrétienne. Voilà ce qu'il a fait du côté de l'hérésie, Dans le sein de l'Église catholique, prédicateur infatigable du dogme et de la morale chrétienne, il montre à tous ce qu'il faut croire et ce qu'il faut faire; il repousse avec une égale énergie la morale excessive de ces docteurs qui font haïr la vertu, et celle de ces casuistes dont les relâchements, la coupable complaisance, excusent le vice et élargissent outre mesure la voie étroite qui conduit au ciel; oracle de l'Église gallicane, il en proclame les principes, sans arrière-pensée de flatterie pour la royauté, sans volonté, mais sans crainte d'irriter le saint-siége: enfin il combat à outrance le quiétisme, qui lui semblait, sous les apparences d'une perfection impossible, mener fatalement aux langueurs d'un déisme mystique.

Orateur, théologien, philosophe, historien, cet infatigable athlète accumule les chefs-d'œuvre sans paraître y songer: il met à tout ce qu'il touche le sceau de son génie. Dans la chaire chrétienne, il fait entendre des accents inouïs jusqu'alors et qu'on n'entendra plus lorsque sa voix s'éteindra. Dans l'histoire, dans la philosophie, même supériorité. Bossuet n'a rien fait en vue de lui-même ni de la gloire

humaine; il n'a jamais écrit pour écrire, mais pour agir, tous ses écrits sont des actions, et ses actions, l'accomplissement d'un devoir. Il ne s'est jamais dit: « Sois orateur, sois historien, sois philosophe. »> Ses ouvrages sont des actes qui témoignent de l'exercice de ses fonctions: il prêche, parce qu'il est prêtre, i enseigne parce qu'il est précepteur; il combat, parce qu'il est croyant. L'auteur n'est pas distinct de l'homme; sa vie et ses œuvres se confondent. Les mots ne sont rien pour lui: son style, et il n'en est que plus merveilleux, c'est l'ordre, c'est l'enchaînement, c'est la vigueur, c'est le corps même de la pensée qui sort tout armée de son cerveau. Où trouverez-vous pareille identité entre la pensée et le langage? quel est l'écrivain qui n'ait point quelque complaisance pour les mots, qui ne s'arrête quelquefois à les ajuster, à les parer? quel est celui, même entre ceux qui ne veulent pas se faire remarquer, qui ne se laisse voir et surprendre? Ailleurs vous sentirez l'effort; dans Bossuet, vous ne voyez que la force. Pour les uns, le langage est un vêtement, pour les autres une parure; à quelques-uns il tient lieu de substance; dans Bossuet, c'est la pensée visible

et nue.

On a l'air de déclamer lorsqu'on dit que Bossuet est plus qu'un orateur, que c'est l'incarnation de 'éloquence; et cependant, si on confronte l'idée de l'éloquence et les discours de Bossuet, on trouve l'expression simple et vraie. En effet, l'éloquence n'est-elle pas la production animée, simple, énergique, souveraine, de la raison et de la passion hu

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