& que nous communions en bon état, ces graces facramentelles, & les dons du S. Efprit croiffent en nous, & cependant on n'en voit point les effets dans la conduite de. nos actions. D'où vient cela ? de nos paffions immortifiées, de nos attaches, & de nos affections déreglées, & de nos défauts habituels : nous donnons plus d'empire fur nous à ces principes vicieux, qu'aux graces facramentelles, & qu'aux dons du Saint Efprit de forte que ceux-là tiennent ceux-cy comme liés, & comme captifs, fans pouvoir produire les effets qui leur font propres. Et pourquoy laiffonsnous prendre au peché, & aux principes vicieux de la nature corrompuë cet empire tyrannique fur les divins principes de la grace, & de l'efprit de Dieu ? c'eft faute de rentrer fouvent en nous-mêmes. Si nous le faifions, nous reconnoîtrions l'état de nôtre interieur, & nous en corrigerions les defordres,

S. I I.

I. Veillant fur nôtre interieur, nous aquerons peu à peu une grande connoiffance de nous-mêmes, & nous párvenons enfin à la direction du S. Efprit & par fois Dieu nous reprefente en un moment l'état de nôtre vie paffée, de la

façon qu'il nous fera representé au Jugement. Il nous fait voir tous nos pechés, tout nôtre bas âge; d'autres fois il manifeste toute l'economie du gouvernement de l'Univers, Ce qui produit en l'ame un parfait affujetiffement

à Dieu.

II. Ceux qui fe font appliqués durant trois ou quatre ans à veiller fur leur interieur, & qui ont fait quelque progrès dans ce faint exercice, fçavent déja traiter avec dexterité beaucoup d'affaires, & fans jugement temeraire, penetrent comme naturellement le cœur des autres, & en voient prefque tous les mouvemens par la connoiffance qu'ils ont de leur propre interieur, & des mouvemens naturels de leur cœur.

III. Sans faire de mortifications extraordinaires ni de ces actions exterieures, qui nous pourroient être un fujet de vanité, par la feule attention à veiller fur nôtre interieur, nous faifons d'excellens actes de vertu, & nous avançons merveilleusement dans la perfection: comme au contraire, négligeant nôtre interieur, nous faifons des pertes inconcevables.

IV. Cet exercice fe peut pratiquer, en tout âge, en tout temps, & en tout lieu, dans nos fonctions exterieures

& dans nos maladies ; & il n'y a point d'affaire fi embarraffante, qui ne nous permette de rentrer en nous-mêmes de temps en temps, pour obferver les mouvemens de nôtre cœur.

V. Quelles actions exterieures a fait un faint Paul Ermite, & tant d'autres faints Solitaires, & tant de faintes Vierges? c'est le merite de leur vie interieure, qui les a élevés aux premiers ordres des bienheureux.

Mais helas! nous fommes fi peu éclairés, ou fi enchantés de ce qu'il y a d'éclatant dans les emplois exterieurs que nous ne comprenons point ni l'excellence, ni la neceffité, ni le merite de cette vie cachée aux yeux des hommes, & qui n'eft connue que de Dieu feul.

§. III.

Rien n'eft fi dangereux, que de négliger le foin de fon interieur, & ne fe mettre pas en peine de connoître ce qui s'y passe. Cette négligence, & cette ignorance, donnent lieu à une infinité de pechés véniels, qui nous difpofent infenfiblement à quelque peché mortel, ou à de grandes tentations, d'où s'enfuivent des chûtes funeftes.

Voilà où aboutit fouvent cette vie toute exterieure de ceux d'entre nous 2

qui font toûjours dans le tracas de l'action, abandonnant le foin de leur interieur fous pretexte de zele & de charité, parce qu'ils travaillent pour le service du prochain. Mais quand ils n'en viendroient pas à cette extremité il cft toûjours certain, que fe jettant trop au dehors, & n'ayant prefque point d'attention à regler leur interieur dans l'exercice de leurs fonctions, ils .font des pertes infinies de graces, & de merites. Leurs travaux ne produifent que fort peu de fruit, n'étant point animés de cette force, & de cette vigueur, qui vient de l'efprit interieur, ni accompagnés dés benedictions que Dieu donne aux hommes d'oraifon, & de recueillement. Ils ne font rien purement pour Dieu. Ils fe cherchent en tout, & mêlent toûjours fecretement leur propre interêt avec la gloire de Dieu dans leurs meilleures entreprises.

On paffe ainfi sa vie dans ce mélange de nature, & de grace, fans faire quel quefois un un feul pas pour avancer dans la perfection pendant les dix, & les vingt années, l'efprit auffi diftrait, le cœur auffi dur parmi tous les exercices de la pieté chrétienne, & de la vie Re ligieufe, que fi l'on n'avoit point eu tous ces fecours.

Enfin la mort vient, & alors on ouvre les yeux, on reconnoît son illufion & fon aveuglement, & l'on tremble à l'approche du redoutable Tribunal de Dieu.

Le moyen d'éviter tous ces malheurs, c'eft de regler fi bien nôtre interieur, & de veiller fi foigneufement à la garde de nôtre cœur, que nous ayons fujet de defirer plûtôt, que de craindre de paroître devant nôtre fouverain Juge. C'eft cette vigilance que nôtre Seigneur nous recommande tant dans l'Evangile, quand il dit fi fouvent, vigilate, veillez. Nôtre Pere Directeur, dit le Pere Rigoleu, ne nous demande autre chofe, que cette continuelle attention fur nôtre interieur,

ARTICLE II.

Combien il nous importe de joindre la vie interieure avec nos occupations exterieures.

§. I.

Nos occupations font fouvent d'elles

mêmes indifferentes, & cependant peuvent être très-glorieufes à Dieu, & plus à fa gloire, que d'autres qui d'ellesmêmes font furnaturelles. Ainfi nos études, & nôtre regence aident plus au falut des ames, & avancent davantage