autel érigé devant une ftatue de la Nature. On aperçoit dans un coin un enfant qui met le feu à des maillots & à différents entraves du premier âge, tandis que d'autres fautent en jouant avec un bonnet, fymbole de la liberté. Les deux pilaftres qui font à côté du bas-relief, font décorés de deux figures; l'une repréfentant l'Amour, l'autre l'Eloquence, avec leurs attributs. La devise que Rousseau a justipar ses Ecrits, eft placée fur le fronton, au milieu d'une couronne. fiée Vitam impendere vero. Sur la face, du côté du nord, eft écrit: Ici repofe l'homme de la nature & de la vérité. Sur les pilaftres correspondans, on voit la Nature repréfentée par une mère allaitant des enfans; la Vérité, la Vérité, par une femme nue, tenant un flambeau; des vases lacrimatoires font fculptés fur les deux petites faces fur le fronton de ce côté, deux colombes expirent au pied d'une urne, fur des torches fumantes & renverfées. Tel eft, dans tous fes détails, le monument qui renferme la cendre de Rouffeau. Ce n'eft pas fans peine que vous quittez le banc des mères de famille, pour continuer la promenade; elle paffe entre des faules qui ne font point mutilés, comme ceux qu'on rencontre ordinairement au bord des rivières. On voit deffous un gazon auffi frais, auli beau que ceux d'Angleterre (1); il s'étend jufqu'au pont (2) que vous rencontrez à l'extrémité du lac; c'eft de là qu'il faut le regarder encore une fois dans un point de vue d'ou il fait un effet extrêmement agréable; fur la pointe d'une île qui s'avance dans fes eaux, vous apercevez un petit monument, dont une partie eft cachée par des buiffons; il porte cette infcription: Hier liegt George-Friederich Mayer, aus Strafburg geburtig, er war ein gefchickter mahler und ein redlicher mann. a Ci gît George-Frédéric Mayer, né à Strasbourg; » c'étoit un Peintre habile & un honnête homme ». (1) Il a été femé par le jardinier Ecoffois qui eft à la tête des jardins d'Ermenonville, & prouve bien que fi l'on vouloit, en France, apporter les foins néceffaires à l'entretien des gazons dans les terrains humides & frais, ils feroient auffi agréables qu'en Angleterre. (2) Avant d'arriver à ce pont, on trouve un fèntier qui fe ditige fur la droite, & qui paffe devant un obélifque, pour s'enfoncer enfuite dans la forêt. Je confeille à tous ceux qui viennent voir Ermenonville, de le fuivre l'inondation du 26 décembre 1787 a tellement dégradé la Prairie Arcadienne, que la promenade en eft devenue prefque impraticable. : La petite rivière qui fe préfente vous en gage à fuivre fon cours; elle eft ombragée par des faules, fous lefquels paffe le chemin public de Ver à Ermenonville: c'eft celui que l'on prend pour continuer la promenade le long de la prairie. Nous allons bientôt trouver des fcènes paftorales, qui nous rameneront aux fictions aimables du premier âge. Les tableaux de la Prairie Arcadienne auront tous ce caractère champêtre & fimple, fi convenable à des lieux qui font cenfès avoir été habités par de bonnes gens. Le ruiffeau que vous côtoyez n'a pas plus de fix pieds de large, & trois de profondeur. C'est cependant là le petit volume d'eau dont on a tiré un fi grand parti pour former les lacs, les cascades, & la rivière des jardins d'Ermenonville: elle fe nomme la Nonette. Après avoir pris fa fource au village de Ver, elle defcend à Ermenonville, Chaalis, Fontaine Senlis, & va former les belles eaux qui contribuent à faire de Chantilly un féjour en chanteur : elle se jette enfuite dans l'Oise. Peu de rivières, dans leur cours, arrosent des lieux plus agréables. Après avoir traversé le premier pont que l'on rencontre fur la droite, vous entrez dans un bois d'aunes, où fe trouvent une pièce d'eau & quantité de petits ruiffeaux, dont les différentes branches féparent des touffes de bois qui forment autant de petites îles. Du banc, placé fur le bord de l'eau, on jouit de la vue de la Prairie Arcadienne dans tout fon développement. Sur le devant de ce tableau eft une cabane de rofeaux, appuyée contre un vieux chêne, dont les branches s'étendent au loin pour garantir de la fureur des vents l'habitation qu'elles ombragent. Cette fimple demeure rappelle l'idée de la cabane de Philémon & Baucis. On lit fur la porte: Le fiècle d'or ne fut point fable: Point d'or, on n'y manquoit de rien : On a de l'or, on eft plus miférable. Le plus riche eft celui qui, fans gêne & fans foins A le plus de plaifir & le moins de besoins. Après avoir erré en fuivant le cours des différens ruiffeaux qui ferpentent dans le bois d'aunes, on en fort pour rentrer dans la forêt; qui n'en est séparée que par une petite rivière, fur laquelle est un joli pont de bois qu'on paffe pour arriver à un banc circulaire ; des coudriers pliés en berceaux le couvrent, & forment une grotte verte. Sur le grand chêne qui eft en face, vous apercevez un trophée champêtre, au deffous duquel on lit cette |