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Mon conducteur, en m'avertiffant qu'il falloit continuer la promenade, produifit fur moi l'effet du réveil, après un fonge agréable. Je suivis le fentier le long du lac, qui, refferré par une île, prend la forme d'une petite rivière. La vue eft arrêtée, à droite, par des arbres plantés fur le rivage; à gauche, on découvre une montagne de bruyères, couronnée d'une forêt de pins. Ce caractère fauvage & retiré prête un charme fi grand à ce paysage, qu'on ne peut s'empêcher de dire avec Rouffeau:

La Nature fuit les lieux fréquentés; c'est au fond des forêts, au fommet des montagnes, & dans les déferts qu'elle étale fes charmes les plus touchans.

Que ceux qui ne craignent ni les ardeurs du soleil, ni l'âpreté des montagnes, fuivent les hauteurs du défert en côtoyant le bois de pins qui couvre le fommet de la côte. La beauté, la variété des aspects & des paysages qu'ils trouveront fur leur route, les dédommagera de la fatigue; mais, je le répete encore, il eft des beautés dans la Nature qui ne peuvent être fenties que par des Artistes ou des gens de goût; c'eft pourquoi l'on a fait paffer la promenade au bord de l'eau, pour l'abréger

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& la rendre moins penible. Les effets qu'elle présente ne font pas auffi impofans, mais ils n'en font pas moins agréables.

A l'endroit où la rivière vient rejoindre le lac, on traverse une chauffée qui le fépare d'avec une autre pièce d'eau beaucoup plus petite. On y a conftruit une baraque, appelée la Maifon du Pécheur. C'est un banc abrité d'où l'on jouit de deux vues d'un genre différent; l'une eft celle du lac dans fa plus. grande étendue, l'autre eft celle d'une partie. de l'abbaye de Chaalis qu'on aperçoit a travers les groupes d'arbres. La petite pièce d'eau fait le devant de ce payfage, qui rappelle le genre de Ruifdall & de Vangoyen.

En quittant la maison du Pêcheur, entrez, à droite, dans un bois planté für une côte. D'abord les arbres ne vous laiffent qu'entrevoir les eaux du lac; mais bientôt on arrive fur fes bords, d'où l'on découvre toute: la côte de J. J. & la forêt de pins. Je ne veux point effayer de décrire les charmes de cette promenade; cette tâche feroit trop au deffus de mes forces; je ne pourrois jamais. rendre les effets du foleil couchant, dont les derniers rayons viennent dorer les rochers, & forcer encore la teinte noirâtre des arbres verts, le calme enchanteur qui règne autour

des eaux après le coucher du foleil, l'odeur fuave & délicieuse du muguet, dont la Nature

a pris foin de tapiffer la colline de la gauche. C'est dans les premiers jours de Mai que cette délicieuse fleur répand fon doux parfum; c'est aussi dans ce temps qu'il faut voir Ermedonville; c'eft dans la jeuneffe de la nature qu'il faut venir l'admirer.

En remontant la colline boifée, Vous arrivez au banc des genevriers, d'où l'on a pris une vue fort agréable de la paroiffe d'Ermenonville. Non loin de là vous traverfez un grand chemin de fable; c'est une communication de village: on n'a point cherché à en féparer la partie du parc appelée le Défert. Dans un endroit où la Nature n'est belle que de fes propres beautés, elle appartient à tout le monde, & tout le monde doit en jouir. Si l'on apercoit de temps en temps des pâlis, ils n'ont point été faits pour en défendre. l'entrée, mais feulement pour empêcher que les bêtes fauves ne viennent détruire les arbres. verts. Ce chemin fépare le Défert de l'enclos de la Prairie. L'œil, fatigué des grands effets de la Nature & de la couleur laqueuse des bruyères, des tons dorés, des fables, & des fleurs de genêt, va fe repofer avec un nouveau charme fur ce vert tendre & doux qui

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