que paffant par la rue de la Féronnerie deux jours après la perte horrible de ce bon Prince, il y fut faifi d'une telle douleur, qu'il en tomba presque mort fur la place même, & en expira le lendemain. En ce bocage où ton laurier repose Sur le joli myrte d'amour, Ton fidèle fujet dépofe Ses armes à toi pour toujours. mon cher, mon bien aimé Maître ! Te voue ici mon reftant être. Que fi d'un pied marche trop lent pour toi, Car pour combattre pour fon Roi, L'idée qu'on fe forme de l'antiquité de cette tour, n'eft point du tout détruite par le ftyle de l'intérieur ; il répond parfaitement à celui du temps où elle eft censée avoir été conftruite. On entre d'abord dans une cuifine gothique, voûtée, & foutenue dans le milieu par un gros pilier, fur lequel on a écrit ce couplet : Sur l'Air: De la belle Gabrielle. De ce bon Henri IV Vous voyez le féjour, Sa belle Gabrielle Fut dans ces lieux, Nous rend heureux (1). La falle du Paffeur, que vous traverfez enfuite, eft meublée en natte: l'escalier de bois qui eft en dehors de la maison, vous mène dans la chambre du Batelier; elle communique au falon de la tour, décoré de fix coJonnes cannelées, foutenant une coupole. Au deffus d'une des portes, on a mis un buste d'Henri IV, au deffous duquel on lit: Un Roi qu'on aime eft un Dieu fur la terre. Un petit escalier qui donne dans le falon, vous fait parvenir fur la plate-forme du bâtiment, d'où vous découvrez un afpec magnifique, & d'autant plus agréable, que la forme circulaire de la tour en augmente la variété, parce que votre œil ne peut embraffer à la fois qu'une petite partie du pays. Vous apercevez tout le développement de la rivière qui ferpente à travers les prairies: la vallée du midi eft bornée par le château; (1) Ce Couplet eft de M. Sédaine, de l'Académie Françoile. plus loin, vous voyez quelques maifons du village paroître à travers les arbres; elles prennent pour fond toute la maffe de la forêt: à l'eft, vous retrouvez les hauteurs du Défert, le lac qui vient baigner le pied des rochers de Jean-Jacques ; c'est là que vous vous êtes arrêtés pour regarder un joli tableau ; c'est ici que vous avez paffé: on jouit deux fois d'une promenade agréable, quand on revoit, d'un feul point, la plus grande partie du pays que l'on a parcouru. Si vous reportez votre vue vers le nord vous apercevez l'abbaye de Chaalis qui s'élève du milieu des bois, & qui fe détache fur des fonds vaporeux, dont la teinte bleuâtre fe dégrade & s'unit avec celle du ciel; vous découvrez auffi la côte fertile de mont Epiloy, dont le village & la tour font un fi bon effet de la terraffe du château. A l'ouest, au pied des côtes fablonneuses, couronnées par le bois de Perte, on voit une vigne, au milieu de laquelle eft conftruite, à côté du preffoir, une fabrique d'une jolie forme, fur le modèle d'un temple de Bac chus, qui fubfifte encore dans les environs de Rome; ce bâtiment eft le logement du Vigneron. Lorfqu'on eft defcendu au pied de la tour, il il faut prendre le premier fentier qui fe pré fente; il paffe au milieu d'arbres verts, d'ef pèces différentes, & fe divife, à l'entrée d'une voûte de lilas, en deux branches, qui se réuniffent au pont que l'on traverse pour fortir de l'île : elle eft plantée d'arbustes, mais on défireroit encore y trouver des fleurs de toutes espèces, dont les odeurs parfumeroient délicieusement l'air; l'île de Gabrielle doit être le bofquet de l'amour. Toute la partie qui vous fait face eft remplie de vignes, de potagers, & fe joint à l'enclos des cultures (1); un fentier qui prend (1) J'ai entendu dire que M. de Gérardin avoit divifé en différens enclos la partie de la plaine la plus proche du village; que fon intention étoit d'y faire bâtir des métairies, pour les donner aux gens les plus vertueux de la paroiffe, d'établir un prix d'encoura gement pour augmenter l'émulation, & de tâcher, par des effais fur l'agriculture, d'approcher des Anglois dans un art qu'ils ont fi fort perfectionné. Si jamais cet exemple pouvoit déterminer à diviser les terres en petites cultures, au lieu de les réunir en une feule ferme qui n'enrichit qu'un feul homme, tandis qu'elle fuffiroit pour faire vivre dans l'aifance tous les habitans d'une paroiffe, M. de Gérardin auroit rendu un grand fervice à fes femblables & à fa patrie; car la fource de la vraie richesse eft dans l'agriculture, comme la fûreté d'un Gouvernement dans le bonheur des peuples, E Jur la droite, vous ramène au pont du château. C'est là que fe termine une promenade de trois ou quatre heures, que j'ai dirigée par les points de vue les plus intéreffans. Il eft poffible de trouver en Angleterre, & mêmet en France, des jardins qui offrent quelques parties beaucoup plus belles; mais il n'en est point où l'ensemble foit auffi parfait, où le pays & les paysages offrent autant de variété, puifque, dans un espace de temps auffi court, & dans un lieu circonfcrit, vous avez vu les effets les plus piquans de la Nature, lacs, cafcades, rivières, ruiffeaux rochers, déferts arides, prairies, pays champêtres; enfin toutes les parties qui pourroient contribuer à l'embelliffement des jardins, se trouvent réunies en un feul. Je fais qu'il faudroit plus d'un jour pour connoître parfaitement toutes les beautés d'un parc qui a plus de deux lieues de tour, en y comprenant l'enclos des cultures: leur description exigeroit un Ouvrage beaucoup plus volumineux; pour les rendre, il faudroit des eftampes plus grandes & plus foignées; mais mon intention, en publiant ce Livre, eft feulement qu'il ferve de guide à ceux qui viennent voir les jardins d'Erme nonville, qu'il en donne une idée à ceux |