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L'ART des jardins, ou celui d'ajouter aux charmes de la nature champêtre, confifte uniquement à exécuter des Tableaux fur le terrain les mêmes regles que fur la toile; ces deux Arts d'imitation arrivent au même but, en fuivant les mêmes principes, qui font de produire une compofition agréable par la difpofition des maffes, des plans, & des fabriques, en obfervant de les lier au pays par leur forme, leur ftyle, & leur caractère. Si le Lecteur veut réfléchir fur ce que je viens de dire, il ne fera point étonné de rencontrer fréquemment des termes techniques dans le cours de cet Ouvrage; il fentira que je ne pouvois me difpenfer d'employer les expreffions de l'Art de la Peinture, pour en rendre Les effets.

On prie les perfonnes qui défireront fe procurer les deffins de différentes vues des Jardins d'Ermenonville, foit en grand, foit en petit, ou des Exemplaires coloriés de cet Ouvrage, de s'adreffer à M. Mérigot, Peintre Graveur, rue basse du Rempart, no 13.

PROMENADE

συ

ITINÉRAIRE

DES JARDINS D'ERMENONVILLE

ERMENONVILLE est à douze lieues de

poste de Paris; on fuit, pour s'y rendre, la
route de Compiegne jufqu'à Louvres. A deux
milles au delà de ce bourg, avant le 15.
mille, fe présente fur la droite un chemin
pavé qu'il faut prendre; il conduit à Mar-
fontaine: il eft difficile de ne pas s'y arrêter,
pour en voir les jardins, qui, depuis quelques
années, font bien changés à leur avantage.
Plus d'une lieue au deffus de Morfontaine,
peu de
temps après que l'on eft entré dans
la forêt, on trouve à fa droite un poteau

&

A

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fur lequel est écrit Route d'Ermenonville (1). Ce chemin de traverse, d'environ une demilieue, eft fablonneux, mais praticable dans toutes les faifons; il paffe à côté d'une petite baraque qui fert de rendez-vous de chaffe. Là, fe trouve une route de Barrières, à l'entrée de laquelle on lit, Avenue du château d'Ermenonville. Ce n'eft point une de ces longues & ennuyeufes allées droites, qui n'infpirent dès le commencement que le défir d'en voir la fin; c'eft une route fi agréablement deffinée à travers la forêt, qu'on ne s'eft point encore aperçu de fa longueur, quand on arrive à l'entrée du parc, où fe lifent ces vers d'Horace :

Scriptorum chorus omnis amat nemus & fugit urbes. Les favoris des Mufes aiment les bois, & fuient les cités.

(1) Quand on n'a pas la clef des barrières, il faut prendre par une autre route un peu moins agréable, mais plus courte, dont voici l'indication.

A une demi-lieue de Morfontaine, après une defcente très rapide, on trouve un poteau, fur lequel eft écrit chemin d'Ermenonville: fuivez-le jufqu'à la vue de l'abbaye de Saint-Sulpice, qu'on doit laiffer fur la droite; & après avoir traverfé une peloufe, en côtoyant les bois, on entre dans une route de la forêt, qui mène droit à Ermenonville.

L'on paffe bientôt après dans une place fpacieuse, du milieu de laquelle s'élève un arbre majestueux, & de là on defcend à un pont fermé d'une barrière, où font deux: infcriptions qui annoncent le caractère des promenades d'Ermenonville; l'une est tirée de Piron (1), & Pautre de Montaigne.

Difparoiffez, lieux fuperbes,

Où tout est victime de l'art,
Où le fable, au lieu des herbes,
Attrifte par-tout le regard:
Ici l'aimable nature,
Dans fa douce fimplicité,
Eft la touchante peinture
D'une tranquille liberté.

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Piron

Ce n'eft pas raifon que l'art gaigne le point d'hon seur fur notre grande & puissante mère nature. Nous avons tant rechargé la beauté intrinfeque & richeffes de ces ouvrages, par nos inventions, que nous l'avons du tout étouffée; fi eft-ce que par-tout où fa pureté reluit, elle fait une merveilleufe honte à nos vaines & frivoles entreprises.

Montaigne.

Le château que vous découvrez en fortant

(1) Epître à Mademoiselle Chéré

'de la forêt, eft compofé d'un corps de logis confidérable, auquel fe joignent deux grandes aîles parallèles: il n'a ni le caractère chevaTerefque des bâtimens gothiques, ni l'élégance des fabriques modernes. M. de Gérardin J'a confervé tel qu'il l'a trouvé; il a feulement cherché, par les arbres qu'il a plantés dans la cour, à rompre l'uniformité de fes lignes, & à diminuer la lourdeur de fa maffe. S'il venoit à le reconftruire, il lui donneroit fûrement le caractère noble, élégant, & pittoresque que doit avoir la fabrique principale des jardins d'Ermenonville. Il est placé dans l'espace le plus étroit d'une vallée qui s'étend du midi au nord, bornée à l'eft par les côtes argileufes d'une plaine fertile ; à l'oueft, par les côtes fablonneufes de la forêt.

Il ne faut point de permiffion du maître our voir le parc; la feule chofe qu'il défire, eft qu'on envoie fon nom en faisant demander un conducteur; ce n'est point par un motif de curiofité, mais pour qu'il ne paffe pas, fans qu'il le fache, un Etranger célèbre, un Artiste habile, un Ecrivain diftingué, auquel il feroit bien aise de montrer lui-même fes jardins. Avant de les parcourir, il faut commencer par fe rendre au château,

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