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ECLAIRCISSEMENTS ET REFLEXIONS. CHAP. IV. [Lamech eut un fils, qu'il appella Noé, difant: Celui-ci nous confolera des peines & des travaux que nous fouffrons à cause de la malédi tion dont le Seigneur a frappé la terre. ] Noé fignifie repos, foulagement, confolation; & la prophétie de Lamech nous apprend pourquoi il donne ce nom à fon fils. La terre étoit maudite, parce qu'elle étoit habitée par des injuftes & des ingrats. Tous les travaux de ces hommes courbez vers la terre étoient vains infructueux, injuftes, & dignes d'être pleurez. Lamech & le petit nombre des justes de ce temps-là, étoient amérement affligez de voir riniquité s'accroître de jour en jour: ils attendoient un renouvellement, & le demandoient avec inftance. A la naissance de Noé, Dieu révéla à Lamech, que ce feroit pendant la vie & par le miniftére de cet enfant , que le renouvellement arriveroit; que les vices feroient abolis; & qu'un nouveau peuple feroit substitué à la race criminelle. La fuite nous fera voir l'accompliffement de cette prophétie dans la perfonne de Noé, mais d'une maniere qui nous obligera de reconnoître qu'elle a pour principal objet le renouvellement & le falut du monde par le Meffie, dont Noé étoit la figure.

[Les enfants de Dieu voyant que les filles des enfants des hommes étoient belles, épouferent celles d'entre elles qui leur avoient plû. ] Les defcendants de Seth, qui avoient vécu d'abord comme des hommes de Dieu, étrangers fur la terre, & citoyens du ciel, furent touchez de la beauté des filles de la race de Cain, & prirent pour leurs femmes celles qui leur plûrent da

vantage. Dans un choix fi important, & qui CHAP. IV. de fi grandes fuites, & pour la vie préfente, & pour l'éternité, ils ne confidérérent point les qualitez de l'efprit & du cœur, & furtout la crainte de Dieu, qui eft Fornement & la beauté de l'ame. Ils ne furent point touchez du defir d'avoir des femmes qui pûffent former leurs enfants à la vertu, ni des enfants qui fuffent héritiers de la piété & du nom de leurs péres. Les yeux décidérent feuls; & ni la raifon, ni la religion ne furent confultées. Ainfi, en fe mêlant par d'indignes alliances avec une race maudite, ils en prirent bientôt les mœurs & les fentiments: ils oubliérent Dieu, fon allian ce, & fes promeffes, & tombérent dans l'irréligion. Quelle leçon pour tous les fiécles! & qu'un tel exemple doit faire trembler, & les péres & méres qui ne confultent qu'un vil inté rêt dans l'établissement de leurs enfans; & les enfants qui réglent leur choix fur une paffion aveugle, plutót que fur la lumière de la foi! Ne foyons pas furpris qu'il y ait fi peu de ma riages que Dieu beniffe, puifqu'il y en a fi pea où il foit appelle.

[Mon efprit ne demeurera plus dans l'hom me, parce qu'il eft chair; & fes jours ne feront que de fix vingts ans. ] L'efprit de vie que j'ai répandu dans l'homme, ceffera de l'animer & dans fix vingts ans j'en ferai périr toute la race. Cet efprit de vie, felon le premier fens, eft l'ame unie au corps; mais felon un autre fens plus fublime, c'est l'efprit de Dieu même, que le péché bannit de l'homme. La raison que Dieu en donne, c'eft que l'homme eft chair c'eft-à-dire charnel & terreftre. Il avoit été réé tout fpirituel, même dans fa chair, parce que l'efprit le gouvernoit: maintenant il eft

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devenu charnel, même dans l'efprit, qué la chair domine & emporte. Son ame ne con- CHAP. IV noît que les biens fenfibles: elle n'a de deffeins que pour la terre: elle a oublié fa nature fon origine, fes efpérances, fes obligations & fes devoirs. Eft-il étonnant après cela que PEL prit de Dieu ne puiffe plus habiter dans une ame fi corrompue? Voyez S. Paul Rom. 8. v. 5. ju qu'au 14. & Gal. 5. v. 16. jufqu'au 26.

[ On les appelloit les Géants.] Il y en avoit d'abord dans la race maudite : mais il commença d'y en avoir dans celle de Seth, après le mélange des familles. Ils étoient tous, comme l'Ecriture les dépeint, pleins de confiance en Baruch, leurs forces, en leurs armes, en leur expérience 26. 27. 28. dans tous les exercices du corps; ne comptant pour rien ni la fageffe, ni la piété, ni la justice. [Dieu voyant.] Dieu voit; il entend; il fo fouvient. Ce font des expreffions que l'Ecri ture emploie, pour faire entendre qu'il donne des marques de fon attention à ce qu'il fem bloit ne pas voir, ou avoir oublié; & qu'il fe prépare à punir où à fecourir. Que la malice des hommes étoit extrême, & que toutes les penfées de leur cœur étoient en tout temps appli quées au mal. Selon l'Hébreu, n'étoient que mal. Voilà ce que nous fommes tous, fi nous n'avons pour guide que nôtre efprit & nôtre cœur: voilà ce que c'eft que nôtre nature abandonnée à fa dépravation : voilà ce que Dieu voit dans tous les hommes, quand il les voit fans fa protection & fa grace. Il pouvoit empêcher cette horrible inondation de vices & d'injuftices: mais il étoit néceffaire que nous connuffsions jusqu'où fe porte la corruption dont nous avons la racine. Si nous ne faifons pas tout le mal, abus y penchons en tout temps: il ne manque

que les occafions; & les objets nous déterm CHAP. IV. nent. L'homme laiffé à lui-même n'éviteroit aucun mal; & la dépravation des mœurs dès le commencement du monde, nous avertit combien elles auroient encore plus dégénéré, fi Dicu par la fage difpenfation de fa Providence n'avoit mis des bornes a la licence gé nérale.

[Il fe repentit d'avoir fait l'homme; & étans touché de douleur jufqu'au fond du cœur, &c.] Il y a dans une infinité d'endroits de l'Ecriture des façons de parler femblables à celle-ci, qui paroiffent fuppofer dans Dieu les mêmes fentiments & les mêmes paffions qu'on voit dans les hommes, & qui font en eux des effets de l'imperfection de leur nature, comme le repen tir, la douleur, la colére, la jaloufie. Car le repentir eft un changement de deffein, accompagné de quelque chagrin ; la douleur un fentiment affligeant; la colére une émotion violente; la jaloufie un amour rempli de crainte, de foupçons, & d'inquiétudes. Mais rien de tour cela ne peut être dans celui qui eft fouverainement heureux & immuable. On explique donc ces endroits de l'Ecriture, en difant qu'elle s'exprime ainfi, pour marquer fimplement que Dieu, fans être ni touché de repentir, ni émû de colére, ni affligé, ni jaloux, fait extérieurement ce que font les hommes, lorsqu'ils font agitez de ces paffions. Et comme nous difons, par exemple, qu'un homme qui détruit ce qu'il a fait, a changé de deffein, & fe repent de l'avoir fait; & que celui qui éclatte en reproches & en menaces, eft en colére; l'Ecriture, pour s'accommoder à notre langage, parle du repentir & de la colére de Dieu, lorfqu'il détruit fon ouvrage, & qu'il punit les pé

cheurs, quoiqu'il foit incapable de repentir & de colére, comme elle parle de fa bouche, de CHAP. IV. fes yeux, de fes oreilles, & de fes mains, quoiqu'il foit vrai, comme elle l'enfeigne, que Dieu étant Esprit, n'a ni bouche, ni oreilles,

ni mains.

Voilà ce qu'on peut dire en général au fujet des expreffions de l'Ecriture, qui femblent don-, ner à Dieu des fentiments & des paffions humaines. Cependant le repentir de Dieu, dont elle parle ici, & la douleur dont il est pénétré jufqu'au fond du cœur, nous difent affurément quelque chofe de plus qu'un fimple changement de conduite au-dehors. Dieu a créé l'homme pour lui; & l'homme n'a reçû l'être qu'à condition de vivre pour Dieu. C'est une loi éternelle & immuable, dont Dieu ne peut le difpenfer, parce qu'il eft jufte. Dès que l'homme n'y eft pas fidelle, il mérite de n'être plus; & il eft exactement vrai que Dieu n'a plus de raifons ni de motifs de lui conferver la vie, puifqu'il eft privé du feul fruit qu'il s'étoit propofé en la lui donnant. Et c'eft là le fond de ce que les hommes appellent repentir, qui n'est pas indigne de Dieu, pourvû qu'on en fépare ce que la créature y méle d'imperfection, comme de n'avoir pas prévu le fuccès, de changer de fentiment, de fe reprocher ce qu'on a

fait.

[Etant touché de douleur jusqu'au fond du cœur.] Ce feroit faire injure à Dieu, que d'imaginer dans cette douleur la moindre imperfection mais ce feroit ne le pas connoître, que de le fuppofer indifférent & infenfible, de peur de lui attribuer quelque foibleffe Dieu eft effentiellement ordre, fainteté, juftice. Non feulement il ne peut aimer le contraire, ni

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