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Fapprouver; mais il le hait à proportion de CHAP. IV. ce qu'il s'aime L'un eft la fource & la régle de

F'autre. S'il aime véritablement & néceffairement fa juftice & fa fainteté, il hait véritablement & néceffairement les vices des hommes, leur aveuglement, leur ingratitude, leur perfidie. Cette haine eft intérieure, profonde, & part du même cœur que la charité éternelle. On peut donc dire que le repentir & la douleur font dans Dieu, mais d'une manière qui convient à fa nature, & fans mélange d'imperfection. Vous aimez, ô Conf.Liv. 1. mon Dieu, dit S. Augustin, mais sans passion: vous êtes jaloux, mais fans trouble ; vous vous repentez, mais fans vous rien reprocher : vous entrez en colére; mais vous n'en êtes pas plus émů : vous changez vos opérations, mais jamais vos deffeins.

[F'exterminerai tout, depuis l'homme jus qu'aux animaux. ] Cette réfolution nous furprend; & il femble d'abord que Dieu tient ici la même conduite qu'un Roi qui extermineroit tous fes fujets, parce qu'ils fe feroient révoltez contre lui. Mais il faut en juger bien autrement. Ce feroit une folie à un roi de faire périr tous les fujets; parce qu'il fe dépouilleroit par là de fa royauté & de fa puiffance. Il n'eft roi & puiffant, que tant qu'il a des fujets. Quand donc la révolte a été générale, il fe contente de punir un petit nombre de coupables, & il épargne les autres. Mais Dieu n'a befoin, ni des hommes, ni d'aucune créature, pour être ce qu'il eft. Il feroit toujours heureux & tout puiffant, comme il l'eft de toute éternité, quand l'Univers feroit anéanti. C'eft pour cela que le grand nombre des coupables ne l'empêche pas de les punir tous felon les régles immuables de fa juftice. I n'épargne pas mê-me ici les animaux, parce qu'ils étoient créez

pour l'homme. Leur maître n'étant plus, il étoit jufte qu'.ls fuffent détruits.

[Noé homme jufte parfait... & qui marshoit en la préfence du Seigneur, trouva grace devant lui. ] Dicu, avant que de le fauver du déluge des eaux, l'avoit préfervé par la grace du déluge de l'iniquité. Repréfentons-nous done toute la terre remplie de défordres, d'injustices, & de violences, & où toute chair corrompu fa voie : & voyons au milieu de tant de criminels que Dieu détefte, un feul homme, qui eft par fon innocence, & par la perfection de fa juftice, le bien-aimé du Pére céleste. C'est une image très-reffemblante des épaiffes ténébres qui couvroient la terre & des vices horribles aufquels les hommes étoient abandonnez, lor que le véritable Noé parut. Tous étoient, ou manifeftement injuftes, où fauffement juftes, impies ou hypocrytes. Lui feul, juste, & parfait, marchant avec Dieu & fous fes yeux, lui étoit agréable avec fa petite famille, c'est-à-dire, avec un petit nombre de juftes qui lui apparte noient comme fes enfants, & qui vivoient de la foi.

fa

[ Il avertit Noé qu'il avoit résolu de faire périr par un déluge, &c.] Dieu n'avoit befoin que de lui-même, pour détruire ce qu'il avoit fait d'une parole: mais il trouve plus digne de lui de faire fervir fes créatures d'inftrument à vengeance; & il appelle les eaux pour ravager la terre, & en exterminer les habitants. [Noé crut à la parole de Dieu, exécuta tout ce qu'il lui avoit commandé. Il fut cent ans à bâtir l'Arche.] Quelle foi dans ce faint homme, pour croire des choses qui n'avoient aucune apparence; pour entreprendre fur ce fondement mirouvrage fans exemple, long, difficile, d'in

CHAP. IV.

fuccès humainement incertain, & même im CHAP. IV. poffible ; & pour perfévérer pendant un fiécle dans ce travail, malgré les railleries du refte du monde! Dieu conduit quelquefois fes ferviteurs par des voies où la nature ne voit qu'obfcurité. Ils y marchent prefque feuls ; & cette fingularité leur attire fouvent la cenfure, le mépris, & les infultes de leurs proches mêmes, & de leurs amis. Mais c'eft la foi, & non la nature, qui eft leur lumière : c'est la voix de Dieu, & non celle du monde, qu'ils doivent écouter. La foi obéit avec fimplicité : elle ne trouve rien d'impoffible, quand Dieu commande; ni rien de difficile, quand il promet.

[Enduit de bitume en dedans & en dehors. ] C'étoit pour empêcher l'eau d'entrer, en remplifant les plus petites fentes, & pour préserver le bois de la pourriture. Le bitume est une fubftance liquide, épaiffe & onctueufe, qu'on tire de la terre, & dont on fait ufage pour lier les pierres des bâtiments.

di

[Ils mangeoient & buvoient, &c.] Les hommes étoient occupez de leurs affaires, de lours plaifirs, de l'établissement de leurs familles. Tout ce que leur difoit Noé de la vengeance divine qui alloit éclatter, leur paroiffoit une.. rêverie. Depuis que nos péres font morts 2. Pier. 3.4 foient-ils, toutes chofes font comme elles étoient au commencement. La patience de Dieu les raffuroit, & plus il différoit d'exécuter ses menaplus ils fe perfuadoient qu'ils n'avoient rien à craindre. Il arrivera, dit Jefus-Chrift, à l'avénement du Fils de l'homme, ce qui arriva an temps de Noé. Les hommes d'aujourd'hui vivent comme ceux d'alors. On les exhorte à la pénitence : on les menace de la colére de Dieu on les avertit que, s'ils ne

Mar. 24. 37.

ces

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veillent, ils feront furpris par la derniére heure. La plufpart n'y penfent pas, & meurent fans CHAP. IK y avoir pensé férieufement. Auffi Jesus-Christ compare-t-il le dernier Jugement à un filet qui enveloppera tous les habitants de la terre. Dans Luc. 21. 357 le temps, dit S. Paul, qu'ils diront, Nous sommes en paix & en fureté; ils feront tout à coup furpris par un malheur imprévû, comme une femme par les douleurs de l'enfantement, fans qu'ils puiffent échapper.

L'endroit de l'Evangile que je viens de rapporter, & l'autorité de Jefus-Chrift, fuffisent pour convaincre le chrétien, que l'ufage qu'il doit faire des anciennes Ecritures, eft d'y étudier fes devoirs, & d'y chercher Jefus-Chrift & fon Eglife.

[ Des bêtes & des oifeaux de toute espéce vnrent à lui par couples. ] Ils vinrent fe préfenter à lui pour entrer dans l'Arche, par un inftinct particulier que Dieu leur donna, femblable à celui qu'il donne aux cicognes, & aux hirondelles, quand l'hyver approche.

1.Thef. 5.3.

[Toute la terre fut inondée.... les hommes, 1.Pier. 3.zi les bêtes, les oifeaux, tout périt.] L'Apôtre S. & 21. Pierre nous apprend deux chofes à ce fujet. La premiére, que de cette multitude innombrable d'hommes , que les exhortations de Noé n'avoient pû faire rentrer en eux-mêmes, pendant qu'il bâtiffoit l'Arche, il y en cut quel-ques-uns qui voyant enfin arriver ce qui leur avoit été prédit, retournérent fincérement à Dieu, moururent pénitents, & furent du nombre de ceux à qui l'ame de Jefus-Chrift annonça dans les limbes leur délivrance. Exemple confolant pour les plus grands pécheurs, & bien propre à animer leur confiance; puifque Dieu dans fa plus grande colére ne rejette

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CHAP. IV.

&7.

>

pas même celui qui dans les derniers moments
d'une vie paffée dans le crime retourne à luš
de tout fon cœur. La feconde, que le déluge
étoit une figure à laquelle répond maintenant le
baptême. Car l'eau du baptême lave nos péchez,、
comme les eaux du déluge lavérent les crimes
de tout le
genre humain. La terre auparavant
fouillée, fortit toute pure de deffous les eaux :
ainfi l'homme qui eft tout couvert des fouil·
lures du péché quand on le plonge dans l'eau
du baptême, eft pur & fans tache quand il en

fort.

3

[Il n'y eut de fauvé que ce qui étoit dans Arche avec Noé. ] Voici ce que l'Auteur du li vre de la Sageffe ajoûte à la fimplicité de ce récit. Lorfque le déluge inonda la terre, la SaSag, 10. 4. geffe fauva le monde, ayant gouverné le Fufte Sag. 14. 6. fur les eaux par un bois méprifable. Et ailleurs Dès le commencement du monde, Seigneur, lorfque vous fites périr les Géants fuperbes, un vaiffeau fut l'afyle & le dépofitaire de l'espérance de l'Univers: étant confervé par votre main, il conferva au monde la tige dont il devoit renaître. Car le bois qui fert à la justice eft un bois beni. Rien ne paroiffoit plus méprifable que l'Arche ; parce que rien n'étoit, ce femble, moins propre à fauver les hommes & les animaux qui y étoient retirez. La figure de ce vaiffeau, qui étoit un quarré long, femblable à celle d'un coffre, le rendoit facile à tomber fur l'un des côtez, & à être submergé, le moindre flot étant alors capable de le renverfer. Cette pefante machine n'avoit ni gouvernail, ni rames, ni voiles. La maniére dont elle étoit conftruite, ne laiffoit entrer le jour qu'avec peine; & l'on ne pouvoit voir le ciel avec affez de liberté, pour juger par le foleil & par les

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