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guftin, qu'Abraham agit ici avec une fageffe pleine de lumiére. Car il garde un jufte milieu CH. VII, entre deux extrémitez vicieufes, dont l'une eft de fe deffier de la protection de Dieu, & l'autre de le tenter par une confiance mal enten-due; c'eft-à-dire d'attendre de lui une protection miraculeufe, lorfqu'on peut éviter le danger par des moyens ordinaires & naturels.

Il avoit dans cette occafion deux choses précieuses à conferver, fa vie, & l'honneur de fa femme. La prudence ne lui fournissoit aucun moyen d'empêcher l'enlèvement de Sara. Ainfi il s'abandonne à cet égard aux foins de la Providence; ne doutant pas que celui pour qui il a tout quitté, ne vienne à fon fecours dans un fi preffant befoin; & infpirant à Sara les mêmes fentiments de foi dont il étoit rempli.

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Il n'en étoit pas de même de la confervation. de fa vie. Il avoit en main un moyen de la mettre en fûreté fans attendre un miracle? c'étoit de répondre à ceux qui lui demanderoient qui étoit Sara, que c'étoit fa fœur. Refufer de fe fervir d'un expédient que la Providence même lui préfentoit, & qui, fans bleffer la vérité, épargnoit à Pharaon un homicide; ç'eût été tenter Dieu, ce qui ne peut jamais être permis. Vous ne tenterez point le Sei- Deut. 6. 16. gneur votre Dieu.

[Dieu frappa de très-grandes plaies Pharaon &toute fa maifon. ] Dieu par ces maux dont il châtie Pharaon, & tous ceux de fa maison, fe déclare hautement le protecteur d'Abraham & de Sara. Il ne permit pas, dit l'Ecriture,

qu'aucun homme leur fit du mal: il châtia même Pf. 104. 14. des rois à caufe d'eux, leur difant, Gardez-vous bien de toucher à mes oints, & de maitraiter mes prophétes. Qu'on est en fûreté, quand on

eft fous la garde du Tout-puiffant; & que los CH. VII. plus preffants dangers font peu à craindre pour celui qui ne craint que de lui manquer de fidé

lité!

[D'où vient que vous avez agi de la forte avec moi, c?] Il femble, dira-t-on, par la ma niére dont le roi d'Egypte parle à Abraham, qu'il n'y avoit rien à craindre en ce pays-là, ni pour lui, ni pour Sara, & l'on feroit porté à croire que ce faint Patriarche avoit conçu un peu trop légèrement des foupçons défavanta geux de ce Prince & de fes fujets.

Mais peut-il y avoir de la témérité à penser que des peuples qui n'ont ni la crainte ni la connoiffance de Dieu, font capables des plus grandes injuftices, dont la crainte de Dieu eft l'unique remede? D'ailleurs il n'eft pas éton nant que Pharaon qui fe fent frappé de Dieu, & qui craint encore de plus rudes châtiments, faffe attention à la loi naturelle qui deffend l'adultére; qu'il en condamne l'injustice; & que ne connoiffant pas fon propre cœur, il croie férieufement qu'il ne s'y feroit pas porté, quand les châtiments n'y euffent pas été un obftacle. Abraham la lumière de Dieu , que éclairoit, en avoit jugé autrement; & les maux dont Dieu afflige un Prince, fans se contenter de lui donner un fimple avertiffement voir jufqu'où fa paffion l'auroit emporté, fi elle n'eût été réprimée par ces coups.

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❖❖❖❖❖ CH, VIIL

CHAPITRE VIII.

Lot fe fepare d'Abraham. Promeffes de
Dieu. Abraham n'a ni terre, ni maifon
Gen. 13

A

BRAHAM étant rentré dans lé pays de Chanaan, s'avança jufqu'à l'orient de Bethel, au lieu où il avoit campé & dreffé un autel avant fon voyage d'Egypte ; & il y invoqua le nom du Seigneur. Il étoit très-riche en troupeaux, en efclaves, en or & en argent. Lot qui étoit avec lui, pollédoit auffi de grandes richeffes, en forte que le pays où ils étoient ne pouvoit nourrir les troupeaux de l'un & de l'autre. Il y eut même des querelles entre les pafteurs d'Abraham & ceux de Lot Abraham dit donc à fon neveu: Qu'il n'y ait point, je vous prie, de contef tation entre vous & moi, ni entre vos pafteurs & les miens, parce que nous fommes frères. Voilà tout le pays devant vos yeux retirez-vous, je vous prie, d'auprès de moi. Si vous allez à la gauche, je prendrai la droite fi vous choififfez la droite, j'irai à la gauche. Lot ayant confidéré le pays fitué le long

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du Jourdain, qui étoit une plaine trèsCH. VIII agréable, & comme un jardin délicieux tout arrofé d'eau, il le choifit pour fa demeure ; & s'étant féparé d'avec Abraham, il alla demeurer à Sodome, dont les habitants étoient très-méchants, &. très-grands pécheurs aux yeux du Seigneur.

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Dieu dit à Abraham, après que Lot: l'eut quitté: Levez les yeux, & du lieu où vous êtes,regardez au feptentrion & au midi, à l'orient, & à l'occident: car je vous donnerai, à vous & à votre postérité pour jamais, tout ce pays que vous voyez. Je multiplierai votre race comme la pouffiére de la terre. S'il y a quelqu'un qui puiffe compter la pouffiére de la terre, il pourra compter auffi vos defcendants. Partez, & parcourez toute l'étendue de ce pays : car je vous le donnerai. Abraham levant fes tentes, quitta le lieu où il étoit, & alla camper dans la vallée de Mambré. Car il n'avoit point de maison ; & Dieu ne lui donna aucun fonds, pas même un pied de terre, dans ce pays dont il lui pro mettoit la poffeffion: mais il y demeura toujours comme dans une terre étrangé re, habitant fous des tentes, & changeant fouvent de demeure, parce qu'il asten doit par. la foi cette Cité bâtie fur.

un ferme fondement, dont Dieu même eft le fondateur & l'architecte.

ECLAIRCISSEMENTS ET REFLEXIONS.

:

[Abraham étoit très-riche en troupeaux,&c.] Abraham avoit quitté fon pays pour Dieu; & Dieu le comble de richeffes dans une terre étrangére. On ne perd rien en quittant tout pour lui obéir il fçait bien rendre, quand il le veut, même dès cette vie, le centuple de ce qu'on a quitté. Mais qu'auroit fervi à Abraham tant d'or & d'argent tant d'efclaves & de beftiaux, finon à le perdre; fi Dicu ne lui cût donné en même temps le précieux & ineltimable tréfor d'un parfait détachement, dont toute la vie porte le caractére?

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CH, VIII

[Le pays où ils étoient ne pouvoit nourrir les › troupeaux de l'un & de l'autre.... Il y eut des querelles entre les pafteurs.... Qu'il n'y ait point, je vous prie, de conteftation, &c.] Voilà ce que font trop fouvent les richeffes, exciter des différends & des querelles entre les plus proches parents & les meilleurs amis, & altérer l'union entre les plus gens de bien. Quand on a des intérêts oppofez, il eft bien rare qu'on confpire également de part & d'autre à prévenir les fujets de difcorde, felon cet avis de S. Paul Vivez en paix, fi cela fe peut, & autant qu'il Ro 11. 18. eft en vous, avec toutes fortes de perfonnes. Lot, à ce que croit S. Chryfoftome (& les paroles In d'Abraham l'infinuent) avoit pris le parti de hom. 33. fés gens dans la querelle qu'ils avoient eue avec ceux de fon oncle du moins il n'avoit Ou ; point travaillé d'abord à l'étouffer. Abraham qui avoit pour lui la tendreffe. d'un pére, le

Gen.

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