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- ne vous fâchez pas, je vous prie, fi je CH. XII. parle encore. Peut-être n'y en aura-t-il que trente. Le Seigneur dit: Si j'y en trouve trente, je ne la détruirai point. Puifque j'ai commencé, dit Abraham, je parlerai encore à mon Seigneur. Et s'il ne s'y en trouvoit que vingt? Le Seigneur dit: A caufe de ces vingt je ne la détruirois point. Seigneur, dit Abraham, je vous fupplie, ne vous fâchez point : je ne parlerai plus que cette fois. Peut-être n'y en aura-t-il que dix. S'il y en a dix, répondit le Seigneur je ne la détruirai point.

Après cela Abraham s'en retourna chez lui.

ECLAIRCISSEMENTS ET REFLEXIONS.

[Le Seigneur apparut à Abraham. ] L'Ecriture dit que le Seigneur, en Hébreu JEHOVAH, c'eft-a-dire l'Eternel, Celui qui eft par lui-même, apparut à Abraham : & ce font trois Anges qui fe préfentent à lui. L'un d'eux parle en Dieu; & l'Ecriture lui donne plufieurs fois le grand nom de Dieu, le nom incommunicable`, JEHOVAH : mais alors même elle ne le fépare point des deux autres tous trois parlent en commun; & il y a entre eux une parfaite égalité. Abraham qui en voit trois, n'en adore qu'un feul, & ne parle d'abord qu'à un feul; & auffitôt après il adreffe la parole à tous trois; nous ne voyons pas qu'il mette entre cu

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aucune différence, même depuis que l'Ecriture donne à l'un d'eux le nom de Dieu. Les anciens CH. XIL Péres de l'Eglife attentifs à toutes ces circonftances ont vû dans les trois Anges une image du grand myftére d'un Dieu en trois perfonnes. Ce myftére, qui a été découvert à l'Eglife chrétienne, n'étoit montré dans l'An-cien Teftament que fous des voiles, & ne pouvoit être vê que par ceux qui avoient l'Efprit du Chriftianifme, comme Abraham. Il est vrai que ce faint Patriarche, qui prit d'abord les Anges pour trois hommes, ne pouvoit dans ce moment être frappé de la préfence de Dieu ou tel qu'il eft dans fon unité, ou tel qu'il eft dans les trois divines perfonnes. Mais il fut éclairé un peu après ; & nous l'entendrons parler à l'Ange comme à Dieu même : & dans les premiers moments, où il ne pouvoit pas encore faire attention au myftére, Dieu régla ses expreffions & fes actions d'une manière qui pûr nous fervir comme de flambeau pour nous y conduire.

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[Il courut au devant d'eux; se profternant en terre, il dit: Seigneur, fi j'ai trouvé grace devant vous, ne passez pas la maison de votre ferviteur. On reconnoît ici le caractére & le langage de la charité. Abraham ne connoît point encore ces Anges pour ce qu'ils font il les prend pour des hommes: il ne les a jamais vûs & n'en efpére rien. Mais aucun homme ne lui eft étranger: il les embraffe tous par une charité univerfelle, & il cherche les occafions de leur faire à tous le bien qu'il peut.. Ainfi, loin d'attendre que ces inconnus le prient; il court lui-même au-devant d'eux, les falue avec le plus profond refpect, les invite à manger avec des termes qui montrent que ce n'eft pas u

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bienfait qu'il leur offre, comme à des gens qui CH. XII. en ont befoin; mais une grace & un honneur qu'il follicite pour lui-même avec les plus vi ves inftances; & il emploie pour l'obtenir, tout ce qu'il cioit être le plus capable de les perfuader en un mot il fait par le mouvement d'une charité fincére, tout ce que la plufpart des hommes font tous les jours par un principe tout contraire, qui eft la cupidité. C'eft que ce faint homme, qui vivoit de la foi, étoit A. 20, 35. très-perfuadé de cette vérité enfeignée depuis par Jesus-Chrift, que c'est un plus grand bonbeur de donner que de recevoir ; parce que celui qui reçoit, reçoit un bien qui ne peut pas al ler au delà de la vie préfente; au lieu que celui qui donne à fon frére ce bien de fi peu de valeur, en recevra une récompenfe éternelle.

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Nous verrons bientôt Lot neveu d'Abraham exercer l'hofpitalité avec une charité auffi preffante & auffi ingénieufe. Et S. Paul ayant en vûe l'exemple de ces deux juftes, la recomman de aux Chrétiens par cette raifon, que Quel ques-uns en la pratiquant, ont logé chez eux des Anges fans les connoître. Quel eft l'homme en effet, qui ne fetînt fort honoré & fort heureux de recevoir un Ange fous une figure humaine? Cependant c'est encore trop peu pour celui qui affifte un pauvre; puifque celui à qui il rend ce devoir de charité, n'est pas un Ange, mais Jefus-Chrift même caché dans la perfonne de ce pauvre. Je vous le dis en vérité; autant dè fois que vous avez rendu ces devoirs à l'un des moindres de mes frères, c'est à moi-même que vous les avez rendus.

[Un peu d'eau pour vous laver les pieds. } La Tim.f coutume de laver les pieds aux hôtes a duré long-temps; & S. Paul met cette: action a

nombre de celles qui rendent une veuve digne d'être choifie pour fervir l'Eglife. Dans les pays CH. XII. chauds, où l'on marchoit les pieds nuds avec des fandales, & quelquefois fans fandales, les voyageurs avoient befoin de fe laver les pieds, pour les nettoyer, & se rafraîchir.

[Que je vous ferve un peu de pain. ] Le pain fe prend communément dans l'Ecriture pour toute forte de nourriture néceffaire à l'homme.

[C'est pour cela que vous êtes venus chez votre ferviteur.] Cela ne fignifie pas qu'ils étoient la venus près de lui, afin d'être invitez; ce qui eft fort éloigné de la penfée d'Abraham: mais que ce n'étoit point par hazard, ni sans une Providence particulière de Dieu, que leur chemin les avoit conduits fi près de fa tente. Comme s'il leur avoit dit: Dieu vous a fait tom. ber dans mes mains: il vous a conduits par un deffein de miféricorde pour moi dans un lieu où j'habite. Ne vous oppofez pas à l'honneur qu'il a voulu me procurer.

[De faire cuire au plus vite des pains fous la cendre. C'étoient des pains de la plus pure farine délayée fans levain, qu'on faifoit cuire entre deux cendres, à peu près comme ces gâteaux qu'on fait cuire aujourd'hui dans une tourtiére couverte. Ces fortes de pains étoient prompts à cuire & à fervir.

[Il courut lui-même à son troupeau, &c. } Abraham cet homme fi riche, qui alloit de pair avec les rois, & qui avoit un fi grand nombre de domeftiques, travaille lui-même comme l'un d'eux : & Sara à fon exemple ne croit pas s'avilir en s'occupant aux chofes du ménage. Nous ne devons pas négliger de remarquer ces précieux veftiges de la fimplicité des mœurs anciennes, dont la fuite des mœurs nous four

Explic. de
Gen, to. 5.

nira beaucoup d'exemples. Nous y apprenons CH. XII. que les richeffes & le rang n'étoient pas des titres qui donnaffent droit de paffer fa vie à dormir, à jouer, à fe promener, à rendre & à recevoir des vifites. On avoit des valets & des fervantes, comme en ont encore aujourd'hui les plus riches laboureurs, non pas pour demeurer foi-même à rien faire, mais pour en être aidé dans les travaux du dedans & du dehors. On ne faifoit point faire par d'autres tout ce qu'on pouvoit faire par foi-même; & l'on ne s'étoit pas encore avifé, avec une pleine fanté, & dans la plus grande vigueur de l'âge, de fe faire peigner & habiller comme de petits enfants, ou des vieillards infirmes & décrépits.

CH, IT.

Heb.11. 11.

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[Sara fe mit à rire fecrettement. J. Abraham avoit ri auffi pour le même fujet mais celui qui connoît le fond des cœurs, a fait voir par le jugement différent qu'il a fait de deux actions toutes femblables, que le ris d'Abraham étoit un ris d'admiration & de joie ; & que celui de Sara étoit un ris de doute & de deffiance. Au refte comme ce doute venoit plutôt d'un deffaut de réflexion, que d'un fonds d'incrédu lité; il fut bientôt après diffipé par la foi qui prit le deffus, felon le témoignage que lui rend l'Apôtre S. Paul: C'est par la foi que Sara, toute flérile qu'elle étoit, hors d'âge d'avoir des enfants, reçut la vertu de concevoir, parce qu'elle crut fidelle & véritable celui qui le lui avoit promis.

[Mon Seigneur étant vieux auffi. ] S. Pierre exhortant les femmes chrétiennes à imiter l'exemple des faintes femmes de l'Ancien Tel1. Pier. 3. tament, qui efpéroient en Dieu, & qui étoient foumises à leurs maris, propose en particulier

5.& 6.

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