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eelui de Sara, qui obéiffoit, dit-il, à Abraham, Pappellant fon Seigneur. Elle l'appelloit ainfi, CH. XII, même en fecret, & fans être entendue i marque qu'elle ne fongeoit point à lui plaire par ce terme de refpect, mais qu'elle l'honoroit ainf dans le fond de fon cœur.

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[Pourquoi Sara a-t-elle ri?....y a-t-il rien de difficile à Dieu ?] Voilà ce qu'Abraham avoit Explic. de mieux entendu que Sara. Rien n'eft difficile la Gen. to,3 à Dieu rien ne lui eft plus ou moins facile. Il n'y a jamais d'obstacles à son égard. Tout ce qui eft naturel, n'eft tel que parce qu'il l'a voulu. Une Vierge peut être féconde : une femme âgée & ftérile peut devenir mére, parce que ni la virginité ni la vieilleffe ne font ftériles, que parce que Dieu l'a ainfi ordonné.

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[Sara toute épouvantée dit qu'elle n'avoit pas ri.] La premiére ressource que l'homme trouye dans lui-même, quand il a fait une faute. c'est le menfonge. Sara qui avoit été peu attenive au foûris dont on la reprenoit, comprit alors que fa faute étoit plus grande qu'elle n'avoit penfé. Auffitôt la crainte, la furprise, le trouble où elle fe trouva, la lui firent défavouer. Mais ce défaveu en étoit une feconde, que Dieu par miféricorde lui fit connoître für le champ. Car quoiqu'un menfonge de trouble & de furprife, tel que celui-là, ne foit pas criminel, comme un autre qui auroit été prémédité & foutenu; il n'eft pas néanmoins innocent, parce que rien de ce qui contredit la vérité ne le peut être.

[Pourrois-je cacher à Abraham ce que je dois faire?] Rien ne peut égaler la bonté que Dieu témoigne par ces paroles. C'eft un ami, qui n'a rien de caché pour fon ami; qui lui ouvre fon cœur, & qui lui fait confidence de fes def

Jean.1 5.1 5.

feins les plus fecrets. Plufieurs Péres de l'Eglife CH. XII. ont crû que l'Ange qui s'entretient ici avec Abraham, repréfentoit le Verbe divin, qui devoit naître de lui felon la chair. Ces paroles en effet reffemblent affez à ce que le Verbe incarné dit depuis à fon Apôtre : Je ne vous donne→ rai plus le nom de ferviteurs, parce que le ferviteur ne fçait pas ce que fait fon maître : mais je vous ai donné le nom d'amis, parce que je vous ai découvert tout ce que j'ai appris de mon Pére. Amitié ineffable & incompréhenfible, qui unit la créature au Créateur, & qui femble égaler en quelque forte deux chofes fi inégales. Com bien eft-elle admirable en Dieu! combien doit-elle être précieuse à l'homme ! On entreprend tout prend tout, on s'expofe à tout pour gagner l'amitié & la confiance des Grands. O qu'il en coûte bien moins, difoit un Courtisant désabusé, pour être ami de Dieu ! Il n'y a qu'à le vouloir fije le veux, je le ferai dans ce moment.

Aug. Couf, L. . c. 6.

Car je le connois, & je fçai qu'il ordonnera à fes enfants à tous fes defcendants, de garder la voie du Seigneur, & d'agir felon l'équité

la justice.] C'est la raison que Dieu donne de cette étroite communication qu'il a avec Abraham, & de la familiarité avec laquelle il lui parle. Il connoît fon amour pour lui, fon zéle pour fa gloire, le foin qu'il aura de faire connoître fon faint nom, & de raconter fes œuvres & fes miféricordes à fa famille d'en faire paffer la mémoire à fes defcendants; de leur infpirer la crainte de Dieu,& de leur recomman der par fon exemple encore plus que par fes paroles, la juftice & la piété. Tel eft le devoir d'un pére de famille envers fes enfants & fes domeftiques, les inftruire de la religion, & faire tout ce qui dépend de lui pour les porter

la piété. Son bonheur & l'amitié de Dieu dépendent de fa fidélité à le remplir. Abraham CH. XII, l'a fait, puifque Dieu lui rend ce témoignage. C'eft au foin qu'il a pris d'inft uire fa famille que tous les autres hommes doivent la connoiffance qu'ils ont des premiers temps; & c'eft de lui que tous ont appris à craindre Dieu, à le fervir, & à lui demeurer fidelles.

[ F'irai donc,& je verrai fi leurs œuvres répondent à ce cri.] Dieu parle ici comme un homme qui ayant appris quelque chofe par le bruit public, n'en veut rien croire, qu'aupara vant il ne foit afsuré par fes propres yeux de la vérité de ce qu'on lui a dit. Mais ce langage eft une grande inftruction pour tous, & un jufte reproche pour plufieurs. Dieu, à qui rien ne peut être caché, entend depuis long-temps du thrône de fa gloire, le cri des défordres de Sodome & des autres villes; & fa justice en follicite la vengeance. Cependant il ne veut prononcer l'arrêt qui doit les faire périr, qu'après 'être, pour ainfi dire, tranfporté fur les lieux, & s'être convaincu par lui-même de la vérité: Firai & je verrai. Et des hommes, dont les lumiéres font fi bornées, ofent condamner leurs frères, fans fe donner le plus fouvent la peine d'examiner s'ils font coupables? Le plus léger foupçon, le témoignage le plus fufpect les raifons les plus frivoles les perfuadent,quand il s'agit de croire le mal. Leur malignité le cherche même dans les meilleures actions des autres : & fi ces actions le préfentent à eux avec deux faces; c'eft prefque toujours la moins favorable qu'ils faififfent, & à quoi ils s'anrêtent.

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[Seroit-il poffible que vous fiffiez périr l'innoà ent avec le coupable ?. Non vous n'êtes poins.

capable d'agir de la forte, de perdre le jufte avec CH. XII. l'impie &c.] Cela peut arriver, & arrive en effet très-fouvent dans les calamitez publiques, Explic. de dans les guerres, les incendies, les trembles la Gen. to. 3. ments de terre. Mais lorsque le châtiment eft prédit comme la peine des crimes, & que Dieu fait connoître qu'il ne veut punir que les coupables; la maxime d'Abraham a lieu : & le déluge en étoit une preuve, comme la délivrance de Lot en fut bientôt une autre. Il faut d'ailleurs obferver que le déluge, & l'embrasement des villes impies, étoient des images du jugement dernier, que Dieu faifoit fervir d'exemple à ceux qui vivroient dans l'impiété ; & qu'il étoit néceffaire, pour rendre ces figures conformes à la vérité, de ne confondre pas les jultes avec les coupables. Le Seigneur fçait délivrer ceux qui le craignent, des maux par lef quels ils font éprouvez, réserver les pécheurs au jour du jugement, pour être punis.

2. Pier. 2. 6.

Ib. v. 9.

[Une telle conduite eft indigne de vous. Celui

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qui eft le juge de toute la terre, pourroit-il ne pas Explic. de rendre juftice?] Fondement de toute la Relila Gen, to. 3. gion, croire Dieu incapable de toute injuftice, & appliqué à rendre justice à tous les hommes en particulier. S'il n'y a point de jugement après cette vie ees deux qualitez font très-obfcurcies, pour ne pas dire entiérement anéanties. Si Dieu ne veille pas fur un feul juste comme fur tous: fi quelqu'un eft opprimé contre fon deffein: fi quelque injufte échappe à fa vengeance: fi une feule action, une feule pensée demeure fans récompenfe ou fans châtiment; la religion d'Abraham n'est pas la vraie.

[Si je trouve cinquante juftes, je pardonnerai à cause d'eux à toute la ville. S'il n'y en a que dix, je ne la détruirai point. ] Paroles res

marquables, qui nous apprennent que les prié-
res & les bonnes œuvres d'un petit nombre de
gens de bien, qui fe trouvent dans une ville,
ou dans un Etat, ont la force d'arrêter les ter-
ribles effets de la vengeance divine fur les peu-
ples. Souvent ces gens de bien font, ou in-
connus, ou méprifez, perfécutez, opprimez
par
les méchants: & ce font eux cependant qui
obtiennent de Dieu pour ces méchants mêmes,
du temps pour le convertir, & quelquefois la
grace de la conversion.

[Fe parlerai à mon Seigneur, quoique je ne
fois que pouffiére & que cendre. S'il s'en falloit
cinq qu'il n'y en eût cinquante, feriez-vous périr
toute la ville? &c.] Admirons la profonde hu-
milité de ce faint homme devant la Majesté de
Dieu, & la charité ingénieufe avec laquelle il
follicite fa miféricorde en faveur des coupa-
bles, en même temps qu'il fomme, pour ainfi
dire, fa juftice de ne pas confondre avec eux
les innocents. Il ne parle point de Lot en par-
ticulier; foit qu'il fût perfuadé qu'il le trouve-
roit au moins dix juftes dans Sodome, au nom-
bre defquels feroit fon
neveu ; foit que par la
ferme foi qu'il avoit en Dieu, il abandonnât à
fa Providence les perfonnes aufquelles il pre-
noit le plus d'intérêt, fçachant bien qu'il ne
manqueroit pas d'en prendre foin. Et cette foi
étoit une prière très-agréable à Dieu,

CH. XII.

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